Hommage au soldat américain qui s’est immolé pour la Palestine : repose en paix, mon fils !
Une contribution de Mohsen Abdelmoumen – Dans les pas qui te menaient vers la mort que tu as choisie par immolation, dans ce petit trajet qui te menait vers l’ambassade de l’entité sioniste d’Israël à Washington, nous avons vu des grands pas vers un humanisme perdu par la plupart de ceux qui peuplent ce maudit caillou qu’est devenue la Terre. Par ton acte, mon fils, et je dis «mon fils» car tu aurais pu l’être, tu as montré que le feu ne fait pas que brûler ; il éclaire aussi la route, le chemin des hommes justes. Et c’est ton chemin, celui de la justice, de la droiture, de l’honneur et de la dignité. Tu as refusé de suivre et de cautionner la guerre infâme que livrent ton pays, les Etats-Unis d’Amérique, et son bras armé, l’entité sioniste d’Israël criminelle, au peuple palestinien. Tu as voulu leur dire ce que tu penses en sacrifiant ta vie. Tu as fait un tel boucan, mon fils, que tous les titres de la presse du monde entier parlent de toi. Mais tu n’en as cure. Les marécages des combinards politiques et les politiciens de tous bords ne t’intéressent pas. Tu as tout compris. Tu sais que tout se vend et qu’ils sont enchaînés, enferrés, dans le talon de fer et mangent les Raisins de la colère, et tu leur as dit qu’en chacun de nous figurent un Vieil homme et la mer. Et dans ma tête résonnent les airs de Woody Guthrie.
C’est l’histoire d’un jeune homme de 25 ans venu du Massachussetts, un militaire actif dans la cybersécurité de l’USAF (US Air Force) qui ne soufflera jamais sa 26e bougie, parce qu’il a pensé à un peuple opprimé, brimé, affamé, massacré ; un peuple éloigné géographiquement mais proche de son cœur, et qui s’est comporté en vrai humaniste en brûlant la bannière étoilée présente sur son épaule. J’ai rencontré des gens de sa trempe, j’ai croisé le colonel Andrew Bacevich qui a perdu son fils en Irak, et qui m’a dit qu’il désobéirait à un ordre immoral des chefs de l’armée. Oui, Aaron, mon fils, tu as tout compris : leurs sales guerres continuent contre les peuples opprimés, en s’en prenant toujours aux plus faibles. Dans cette loi du plus fort, la loi de la jungle, tout le monde a perdu son humanité. Il ne reste que quelques Justes comme toi qui n’ont pas bu leur dignité dans un verre de whisky. Tu as voulu rester intact et partir propre de ce monde infect, pourri, gangrené par Wall Street, par la fange des politiciens, par les magouilles des élections américaines, par le prétendu «droit international». Qu’est-ce que cela signifie encore, droit international, ONU, démocratie, droits de l’Homme, liberté d’expression ? Balivernes ! Aujourd’hui, les vieux comme Joe Biden ne se meurent pas et les jeunes meurent avant de naître et avant d’être. Et, entre les deux, les monstres prospèrent.
Ta mère et ton père te pleurent, mais l’humanité te doit beaucoup. A 25 ans, tu as accompli l’acte de rébellion ultime, tu t’es soulevé au-dessus de la mêlée. Tu as posé un acte révolutionnaire par excellence en offrant ta vie. On parlera de toi, on dira tout de toi, on essaiera de te traîner dans la boue pour minimiser autant que possible l’impact de ton sacrifice, cette gifle cinglante à la face des puissants. D’ailleurs, la NSA a certainement épluché tes données en cherchant tes liens avec Bradley-Chelsea Manning ou avec celui qu’ils ont enterré vivant, Julian Assange, ou encore avec Edward Snowden, ou bien Georges Ibrahim Abdallah et tant d’autres braves. Pourquoi pas avec les Rosenberg, tant qu’on y est ? Ou avec les dockers de San Francisco massacrés ? On ne trouvera rien qu’un immense dégoût pour ceux qui dirigent ton pays et l’entité sioniste d’Israël, et du mépris pour les traîtres arabes qui laissent faire.
Tu as montré aux planqués dans les salons feutrés du grand capital criminel dépourvu d’humanisme, à l’impérialisme infâme, massacreur des peuples et égorgeur d’enfants, et à tous ceux qui se vautrent dans un système de consommation, de mensonges et de perfidie, qu’ils ne peuvent pas tout régenter. Il existe des esprits libres qui échapperont toujours à toutes leurs manipulations trompeuses. Je me rends compte à quel point ta souffrance était immense parce que, en effet, il n’y a pas de quoi être fier d’être américain, d’être né dans un pays qui s’est construit sur le génocide des Amérindiens et d’être dans la même armée qu’un général Custer, comme il n’y a pas de quoi être fier d’être israélien et de participer au vol des terres et des maisons, aux massacres des Palestiniens. Par cet acte, tu as montré que tu as été déçu et dégoûté de ton pays au-delà du supportable. Autant je comprends ton geste, autant j’éprouve de la fierté à l’égard de mon pays et de l’armée algérienne. Je suis fier de l’Algérie, cette étoile qui brille dans le ciel et qui rend hommage aux Justes comme toi. Les pères fondateurs des Etats-Unis connaissaient bien mon pays et son histoire fabuleuse, au point où l’un de vos premiers présidents a déclaré : «We have to unite our States, otherwise, the Algerians will invade us» (il faut unir nos Etats sinon les Algériens vont nous envahir). Pourtant, malgré le fait qu’elle avait une grande et puissante marine, l’Algérie n’a jamais été impérialiste.
Tu es le continuateur des militants des droits civiques, l’héritier de ces braves, allant de Malcolm X à Mohamed Ali et à Martin Luther King, Angela Davis et tous les autres qui ont refusé de se soumettre. Tu t’es présenté en tenue militaire devant l’ambassade infâme de cet Israël criminel et assassin, et devant leur porte, tu as été le porte-parole du peuple palestinien par ton sang. Et, comble de la brutalité imbécile, pendant que tu agonisais, gisant dans les flammes sur le sol, un policier te visait avec son revolver au lieu de brandir un extincteur. Image surréaliste d’un pays en perdition qui montre qu’il est temps de renverser la bannière étoilée en signe de détresse.
Les Justes comme toi resteront à jamais dans nos mémoires. Bien après que les médias pourris à la solde de l’empire sioniste t’auront oublié, nous nous remémorerons ton acte de bravoure, au même titre que celui de ta compatriote, la jeune Rachel Corrie, qui s’est sacrifiée le 16 mars 2003 à l’âge de 23 ans pour protéger la maison d’une famille palestinienne et qui a été écrasée par un bulldozer aux mains d’un criminel sioniste. Nous ne t’oublierons pas, nous, les patriotes qui défendons nos pays et les causes justes des peuples palestinien et sahraoui, brimés, opprimés, déracinés de leur terre, comme nous l’avons été, nous, les Algériens, qui avons connu la colonisation abjecte. Tes compatriotes qui ont servi dans l’armée ne t’oublient pas non plus, puisqu’ils font des actions en ta mémoire, comme à Portland, ce 29 février, où les Vétérans brûlent leurs uniformes en appelant les soldats de l’active à se rappeler Aaron Bushnell et à protester contre l’effroyable massacre, un véritable génocide du peuple palestinien par l’entité criminelle sioniste d’Israël.
Le feu qui t’a consumé est sacré et aujourd’hui, partout aux Etats-Unis, les Vétérans brûlent leurs uniformes contre les guerres impérialistes menées par ton pays. Tu leur as montré que les puissants n’arriveront jamais à nous enlever notre humanité car elle est profonde. Ils ne pourront jamais éteindre notre lumière qui vient de très loin. Désormais, tu brilles comme un astre. Tes cris «Free Palestine !» ont été entendus par beaucoup d’entre nous. Tu es devenu un symbole. De tes cendres naîtra un phénix. Repose en paix, brave soldat, mon fils !
M. A.
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