«Le 7 octobre j’ai versé des larmes, depuis j’ai envie de prendre des armes»
Une contribution de Khider Mesloub – Dans sa tribune panégyrique consacrée au dernier livre de Bernard-Henri Lévy, Haïm Korsia, ce Français, rabbin de son état, persiste à soutenir inconditionnellement Israël, un Etat étranger, en dépit des crimes de guerre et de génocide qu’il commet à Gaza. Il écrit dans sa tribune publiée dans le magazine Le Point : «L’urgence n’est pas à la critique inconsidérée d’Israël, mais bien à sa défense.» «A sa défense», proclame-t-il. Y compris quand Israël commet des crimes de guerre, un génocide contre le peuple palestinien ? Et pour justifier son soutien inconditionnel d’Israël, il invoque le drame du 7 octobre. Que peut-on lui rétorquer ? Que peut lui répliquer l’ensemble de l’humanité anticolonialiste ?
«Le 7 octobre, j’ai versé des larmes pour les civils israéliens. Depuis 166 jours, j’ai envie de prendre des armes contre l’armée d’Israël.» C’est ce que des centaines de millions de personnes de par le monde se disent en leur for intérieur. Mais de cette pensée vindicative à l’acte, il y a un pas qu’elles ne franchiront pas. Car elles ne sont animées d’aucun esprit de vengeance, contrairement aux Israéliens, zélateurs de la loi du talion.
Pour autant, le 7 octobre du Hamas n’existe plus, enseveli par les dizaines de milliers de cadavres palestiniens massacrés par l’Etat terroriste israélien. Le 7 octobre n’existe plus. Il faut parler désormais de «166 octobres» des terroristes sionistes israéliens !
Après 166 jours de guerres militaires et alimentaires exterminatrices menées par les terroristes de Tsahal contre les populations civiles palestiniennes de Gaza, les sionistes continuent pourtant, avec cynisme, de brandir cet assaut éclair de quelques minutes mené par le Hamas pour justifier et légitimer la perpétuation du génocide commis quotidiennement depuis 166 jours. 24 heures sur 24. Toutes les minutes. Toutes les secondes.
Cette attaque éphémère du 7 octobre opérée dans quelques villages a, certes, entraîné la mort d’environ 1 000 Israéliens et la prise de 250 otages. Mais Israël, lui, en représailles, mène depuis 166 jours à Gaza des bombardements massifs indiscriminés et des opérations terrestres sanglantes sur tout le territoire.
Aucun centimètre carré, ni épiderme palestinien n’est épargné par la furie vengeresse génocidaire des Israéliens. Transformant toute l’enclave de Gaza en un lieu d’enfer et de désespoir, en espace inhabitable. Tuant au moins 35 000 palestiniens, en majorité des enfants et des femmes, et blessant plus de 100 000 habitants. Prenant en otage 2,3 millions de Gazaouis, séquestrés par Tsahal, privés de vivres, d’eau et d’électricité depuis 166 jours, à telle enseigne que la majorité de la population palestinienne est aujourd’hui menacée de famine.
Cela étant dit, on ne doit pas adopter la logique macabre sioniste fondée sur la loi du talion, qui applique, de surcroît, contre le peuple palestinien une punition collective. Une logique vengeresse condamnée par le philosophe franco-israélien Daniel S. Milo. Dans sa tribune publiée dans le magazine Le Nouvel Obs, le philosophe adjure les pays occidentaux à dissuader Israël de poursuivre dans cette voie de la vengeance. «L’Etat d’Israël ne défend pas sa sécurité, comme tout pays en a légitimement le droit : il assouvit une vengeance que rien ne saura apaiser», souligne le philosophe franco-israélien. «Venger le sang des massacrés du 7 octobre par celui de milliers d’enfants palestiniens, mais aussi de femmes et d’hommes non affiliés au Hamas, nous rend sataniques», précise-t-il. Daniel S. Milo cite à dessein le poète juif Haim Nahman Bialik, qui a écrit, au lendemain du pogrom de Kishinev commis contre des israélites en 1903 : «Damné est celui qui dit : Venge-toi !. La vengeance du sang d’un petit enfant n’a pas été créée par Satan [lui-même].»
Cette barbare loi du talion fut, déjà, en son temps, fustigée par le dramaturge grec Sophocle : «Prends garde, quand tu ériges le talion en loi universelle de n’avoir pas à le regretter la première. Car, enfin, si un mort rachète un mort, ton tour est venu d’expier.» Une condamnation de la loi du talion reformulée 2400 ans plus tard par le moraliste français Joseph Joubert : «La peine du talion n’est pas toujours équitable quand elle égalise ; mais elle est toujours atroce quand elle excède. C’est la justice des injustes, disait Saint-Augustin ; nous pouvons ajouter, des ignorants, et des barbares.» Qui plus est cette inhumaine loi du talion «œil pour œil…» rend tout le monde aveugle, comme le notera au siècle suivant le pasteur baptiste afro-américain Martin Luther King.
En effet, sinon, à leur tour, dans une surenchère de victimisation et sur le fondement de cette logique de punition collective adoptée par les Israéliens, tous les antisionistes du monde entier pourraient proclamer : «Si les sionistes d’Israël et ses soutiens occidentaux estiment que, selon leur terminologie, l’attaque terroriste menée par l’organisation islamiste Hamas le 7 octobre justifie, par l’effet du cynique amalgame établi entre l’ensemble du peuple palestinien et le groupuscule Hamas, le massacre de masse de l’ensemble des Palestiniens, le génocide de la totalité des populations civiles gazaouies, l’humanité antisioniste pourrait également estimer, selon cette logique vindicative génocidaire sioniste, que l’ensemble des juifs d’Israël, la totalité des juifs sionistes du monde entier méritent d’être massacrée, génocidée car complices de l’Etat nazi d’Israël». Tous les antisionistes pourraient décider de prendre les armes au nom de la défense légitime du peuple palestinien menacé d’extermination.
Il faut arrêter ce délire obsidional meurtrier, cette mentalité vindicative génocidaire, adoptée et assumée par les Israéliens fanatisés, les sionistes de France radicalisés, qui plus est soutenus par les pays occidentaux prétendument civilisés.
Imaginez si la France avait adopté le même esprit vindicatif irrationnel après l’attentat du 14 juillet 2016 à Nice, commis par un terroriste islamiste tunisien au camion-bélier, tuant 85 personnes. Invoquant le droit de se défendre, procédant à un calculateur amalgame entre ce terroriste tunisien isolé et tout le peuple tunisien accusé de complicité, la France aurait rasé toute la Tunisie sous un déluge de bombes.
Pourtant, c’est l’actuel scénario génocidaire écrit en lettres de sang palestinien par les psychopathes israéliens pour justifier leur guerre exterminatrice menée depuis 166 jours contre le peuple palestinien innocent.
Aucun «7 octobre» ne justifie l’interminable guerre génocidaire menée par l’Etat sioniste contre les Palestiniens. Ne légitime les «166 octobres» subis par le peuple palestinien. Une chose est sûre, les larmes du 7 octobre ont été noyées par l’océan de sang palestinien versé sans discontinuer depuis 166 octobres. La douleur du 7 octobre a été effacée par «166 octobres» d’horreurs subies par les Palestiniens.
Si le 7 octobre demeurera une simple date éphémère, un ordinaire jour calendaire ; en revanche, les «166 octobres» marqueront pour l’éternité l’humanité de leurs empruntes sanglantes palestiniennes.
Si le 7 octobre demeure identique à lui-même, malheureusement, au vu de l’absence de tout cessez-le-feu ordonnée par Israël et les Etats-Unis, les «166 octobres» risquent de devenir les «332 octobres», voire «les 664 octobres». Autrement dit, Gaza revêtira les tragiques lambeaux historiques du Ghetto de Varsovie et du siège de Stalingrad.
Pourtant, contrairement aux génocidaires israéliens zélateurs de la barbare loi du talion, adeptes des punitions collectives, l’humanité éprise de paix proclame à tous les Israéliens, non pas vengeance, mais assez de faire verser des larmes, de déverser des armes, de massacrer des innocentes âmes, de perpétuer ces horribles drames.
Le rabbin Haïm Korsia a écrit : «L’urgence est de libérer les Palestiniens de Gaza écrasés et instrumentalisés sous le joug de leurs oppresseurs terroristes du Hamas.» Nous lui rétorquerons : l’urgence est surtout de libérer les juifs du sionisme, cette idéologie suprématiste et génocidaire. De libérer les pacifiques juifs d’Israël, en particulier les prolétaires, exploités et manipulés par leurs gouvernants fascistes et colonialistes, en transformant la guerre coloniale menée contre les Palestiniens en guerre sociale contre leurs classes dirigeantes, la classe dominante israélienne, pour instaurer un nouvel Etat laïc au sein duquel «Arabes» et «juifs» vivront librement, en symbiose, dans le cadre d’une nouvelle communauté humaine universelle sans classe.
Pour conclure, les Israéliens révoltés contre la guerre menée contre les Palestiniens pourront s’écrier : «Le 7 octobre, j’ai versé des larmes. Dorénavant, j’ai envie de prendre des armes mais contre tous les dirigeants sionistes génocidaires.»
La lutte contre les puissants ne constitue pas une vengeance mais une délivrance.
K. M.
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