Interview – Jacob Cohen : «La France vit dans un totalitarisme ubuesque !»
Algeriepatriotique : Israël vient de faire un nouveau bras d’honneur à l’ONU en envahissant Rafah. Que cherche Netanyahou exactement, selon vous ?
Jacob Cohen : Le régime sioniste semble vouloir atteindre l’objectif de nettoyer la Palestine historique de ses habitants légitimes. Jamais au long des précédents conflits il n’avait cherché à vider le territoire de Gaza de ses habitants. Cet objectif a été déclaré publiquement après le 7 octobre par la hiérarchie israélienne et la destruction systématique de toutes les structures civiles en étaient les prémices. L’Etat profond sioniste a même facilité l’exploit du Hamas le 7 octobre en tuant des centaines d’Israéliens pour légitimer son projet. Seul un sursaut de dignité de la part du régime égyptien, qui a fermé ses frontières malgré les milliards promis en récompense, en a empêché l’exécution. Le même processus se déroule en Cisjordanie, avec moins de visibilité, où des centaines de Palestiniens ont été exécutés et leurs biens confisqués. Par ailleurs, Israël va importer 150 000 travailleurs asiatiques pour remplacer les Palestiniens. Ces derniers n’auront le choix que de crever de faim ou de s’exiler. Je crois, pour compléter le tableau, que le tour des Arabes ayant la nationalité israélienne viendra et complètera la purification ethnique en cours.
Face à l’incapacité de la communauté internationale à arrêter le génocide à Gaza, les étudiants ont pris les choses en main, en menant des actions au sein de l’université. Peut-on parler d’un éveil de la jeunesse intellectuelle ou n’est-ce qu’un mouvement ponctuel ?
L’éveil de la jeunesse intellectuelle est bien réel et arrive après des années de léthargie. Il n’y a pas eu de grande cause pendant les dernières années capable de la mobiliser. On l’avait même trouvée plutôt apathique lors de la crise du Covid et ses prolongements totalitaires. Il faut souligner aussi que la cause de la Palestine suscite des réminiscences dans l’inconscient collectif. Il y a eu des mobilisations lors de certains événements, comme l’invasion du Liban en 1982 et le massacre de Sabra et Chatila, Jean Genêt et l’image du guérillero palestinien, les actions du BDS, etc. La dimension de la durée a aussi joué. Cela fait plus de 200 jours de destructions, de bombardements, de massacres, et ces milliers d’enfants, et les charniers, et les hôpitaux réduits en ruines, et tout cela dans le double langage des dirigeants. Cela fait beaucoup.
Jusqu’où peuvent aller ces étudiants dans leur action anti-israélienne ? Pensez-vous que leur mouvement s’élargira au point d’influencer les gouvernements occidentaux ?
Le mouvement des étudiants n’ira pas très loin, malheureusement. Les régimes occidentaux qui soutiennent Israël sont prêts à aller jusqu’au bout dans leur soutien, au point même de violer les principes fondamentaux de leur Etat de droit. Les libertés les plus élémentaires sont foulées aux pieds. En France, on peut perdre son emploi ou être condamné à la prison avec sursis pour un message de soutien. En Allemagne, on a coupé l’électricité à un congrès pour la Palestine et chassé de force les participants. Un médecin anglo-palestinien de retour de Gaza a été interdit d’entrer dans tout l’espace Schengen. Aux Etats-Unis, c’est pire. Les universités sont évacuées de force et leurs administrations menacées de tout arrêt des subventions publiques ou privées. Des professeurs ont été molestés lors de ces manifestations. Douze sénateurs démocrates et républicains ont écrit au président de la CPI, le menaçant de représailles – méthodes mafieuses – si Netanyahou est poursuivi. Bref, l’Occident est prêt à tout pour défendre Israël et couvrir ses crimes.
Les médias dominants fustigent d’une seule et même voix cette action estudiantine et accusent les étudiants d’antisémitisme. Pourquoi cette levée de boucliers médiatique contre une expression pacifique de soutien aux victimes palestiniennes ?
Pour paraphraser le titre d’un film célèbre, «il faut sauver le soldat Netanyahou». Israël est l’allié privilégié, tout doit être mis en œuvre pour le protéger. Il ne faut pas oublier que le système médiatique occidental a perdu définitivement sa liberté depuis quelques années. Soit il a été racheté par de grands groupes financiers, soit il dépend des subventions publiques. On l’a bien vu pendant le Covid et la guerre en Ukraine. Le système médiatique a suivi à 99% les consignes du pouvoir. Ajoutez à cela la collaboration des GAFAM à l’interdiction de toute expression d’opposition. Et vous avez le tableau des médias dominants en Occident et de leur politique hors de toute expression démocratique.
Lors de la cérémonie des Molières, ce lundi à Paris, un discours pro-israélien a été prononcé par une des animatrices, très applaudi par le gotha du 6e Art présent. Comment expliquez-vous cette sorte d’unanimité à soutenir les crimes de l’entité sioniste dans ce milieu artistique français ?
Depuis plusieurs années, on a instauré un système de contrôle, allant jusqu’à la menace de bannissement, de toute expression oppositionnelle à la doxa. On peut rappeler les exemples de l’humoriste Dieudonné ou de Stéphane Blet, pianiste classique de génie dont la carrière a été brisée pour sympathie palestinienne. Les artistes le savent. Ou ils se conforment et ils peuvent poursuivre leurs carrières, ou ils s’opposent et ils doivent changer de métier. Certains bien-sûr font du zèle. Comme cette animatrice d’origine maghrébine. Elle a d’ailleurs été saluée par les organisations judéo-sionistes, gage de sa conformité, et par les autres médias. Elle n’aura aucun souci à se faire. Elle aura toujours des contrats juteux. Par contre, son collègue Guillaume Meurice a été suspendu de France Inter et convoqué pour un probable licenciement. Ainsi va la liberté journalistique en France.
Poutine menace de frapper les intérêts des pays européens qui envoient des armes au régime de Kiev. Or, Macron persiste dans son discours belliciste qui risque d’entraîner la France dans une confrontation directe avec la Russie. Les Français soutiennent-ils leur président dans cette démarche aventurière ?
Le drame en France, c’est qu’il ne peut plus y avoir de vrai débat, un débat structuré, avec de vrais arguments de part et d’autre, que ce soit au Parlement ou dans les médias, ou même au niveau académique. Tout le système est verrouillé. Je rappelle les exemples du Covid, de l’Ukraine et de Gaza. A partir du moment où le roitelet de France a déclaré vouloir envoyer des troupes en Ukraine, quelles que soient les inepties liées à cette aventure ou les réactions plus que mitigées des alliés, exprimer la moindre réserve revient à être complice du «dictateur Poutine qui menace l’Europe entière». Eh oui ! Il faut vous y faire en Afrique ! La France vit dans un totalitarisme ubuesque qui interdit tout débat rationnel. Et je ne vous parle pas du «réchauffement climatique».
L’extrême droite française file droit vers une victoire haut la main aux prochaines élections européennes. Est-ce le prélude à l’avènement de Marine Le Pen au pouvoir en 2027 ?
Personnellement j’en doute. Le Système a suffisamment de moyens pour l’en empêcher. Vous vous rappelez comment Marine Le Pen, le soir des élections, avait gobé la «correction» de près de deux millions de voix, en direct, qu’on lui avait enlevées pour les donner à Macron ? Elle n’a pas moufté. Elle n’avait pas intérêt. Cela dit, si le Système lui permet d’arriver au pouvoir, c’est qu’elle ne représente aucune menace. Aujourd’hui, le pouvoir d’un président français est dérisoire. C’est l’Union européenne qui décide pour presque tout. Avec des menaces financières à la clé. Regardez Meloni en Italie, elle a été bien apprivoisée.
On parle d’intrigues de sérail et de guerre de succession au Maroc. Quelle est la situation dans ce pays en proie à des mouvements sociaux tous azimuts, sur fond de désertions dans les rangs de l’armée, selon des échos qui nous parviennent de Rabat ?
Vu de France, et n’ayant accès qu’à quelques médias francophones dont je doute de leur engagement, j’ai du mal à me faire une idée réaliste de la situation. Je n’ai pas l’impression cependant d’un système vacillant.
Interview réalisée par Karim B.
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