Le régime macroniste déclenche sa riposte coloniale à l’israélienne en Kanaky-Nouvelle-Calédonie
Par Khider Mesloub – Comment le régime macroniste escompte-il ensevelir toute perspective d’indépendance pour le peuple kanak ? Par sa dissolution dans la marée démographique électorale fabriquée de façon coloniale par le dépouillement de la puissance de son suffrage indépendantiste. En Palestine occupée, pour recoloniser Gaza, les sionistes de l’Etat nazi d’Israël opèrent par nettoyage ethnique des Palestiniens ; en Nouvelle-Calédonie, le régime macroniste procède par dilution démographique, minoration électorale des Kanaks.
Pour rappel, depuis la révision constitutionnelle de 2007, seules les personnes inscrites sur les listes électorales avant la date de l’Accord de Nouméa de 1998 peuvent voter aux élections provinciales. Le gel du corps électoral dans le cadre des élections provinciales a été institué pour assurer au peuple kanak un certain poids politique lors de ce scrutin, en limitant le droit de vote des électeurs blancs métropolitains inscrits sur les listes du référendum d’autodétermination de 1988 et de leurs descendants.
Cependant, sous l’impulsion du mouvement loyaliste regroupant diverses organisations politiques favorables au maintien de la présence coloniale française en Kanaky, en vue de permettre aux nouveaux résidents métropolitains de voter massivement, le gouvernement a déposé un projet de loi visant à procéder au «dégel» du corps électoral pour les élections provinciales en Kanaky. Le projet de loi propose donc d’ouvrir le corps électoral à toutes les personnes ayant au moins dix ans de résidence en Nouvelle-Calédonie. Un dégel qui ajouterait 25 000 personnes, selon les estimations du gouvernement, au corps électoral provincial, essentiel pour la composition des trois assemblées de province, du Congrès et du gouvernement. Pour rappel, la Nouvelle-Calédonie compte 178 374 inscrits sur la LESP, la liste spéciale qui permet de composer les assemblées provinciales, dont découlent le Congrès puis le gouvernement.
Le 2 avril, le Sénat a adopté le projet de loi constitutionnelle intégrant ce dégel. L’Assemblée nationale examine le texte depuis le 13 mai, et le Congrès de Versailles avec tous les parlementaires, à la fin du mois.
Or, cette révision constitutionnelle est de facto illégale. Car la Kanaky-Nouvelle-Calédonie n’est pas un territoire français mais, au regard du droit international, un «territoire non autonome». Mais la France impérialiste, à l’instar d’Israël, piétine sans vergogne les lois internationales et le droit des peuples à l’autodétermination.
Les deux groupes indépendantistes du Congrès de la Nouvelle-Calédonie, l’UC-FLNKS et Nationalistes et l’UNI, ont déposé le mois dernier une proposition de résolution exigeant le retrait immédiat du projet de loi constitutionnelle dont l’adoption enterrerait définitivement toute perspective d’indépendance «légale» pour le peuple kanak, c’est-à-dire par voie électorale.
En effet, le dégel du corps électoral et son élargissement aux personnes résidant sur le territoire depuis dix ans renforcerait automatiquement la représentation du camp colonial, la colonie de peuplement qu’a toujours représenté pour l’Etat français ce territoire du Pacifique. Elle contribuerait corrélativement à la mise en minorité (électorale) du peuple kanak, sapant de facto toute possibilité «légale» d’indépendance.
«Le dégel du corps électoral, c’est tout simplement marcher sur le sang et les têtes de nos morts. Ils veulent parler de paix, mais laquelle ? La paix ici dans ce pays, ça s’appelle l’indépendance», a déclaré un militant de la CCAT, Cellule de coordination des actions de terrain.
Cette loi constitutionnelle s’inscrit ainsi dans la volonté de l’Etat colonial français de maintenir à tout prix la Kanaky dans le giron impérialiste tricolore, en violation totale du droit international. En effet, la Kanaky-Nouvelle-Calédonie est inscrite sur la liste des pays à décoloniser selon la résolution 15-14 des Nations unies.
Lors de sa visite sur l’archipel en juillet dernier, Macron avait martelé que «la Nouvelle-Calédonie est française». Et pour cause. Le «Caillou» revêt un caractère éminemment stratégique pour l’Etat impérialiste français, aussi bien pour ses gisements de nickel, représentant 10% des réserves mondiales, que pour sa localisation dans le Pacifique-Sud. La Nouvelle-Calédonie constitue en effet un enjeu stratégique pour la France impérialiste qui œuvre à étendre son influence dans cette région de l’Indopacifique, disputée à la fois par la Chine et les Etats-Unis.
Pour protéger ses intérêts en Nouvelle-Calédonie, l’Etat impérialiste français est déterminé à employer tous les moyens, «légaux» ou militaires, pour contrer toute perspective de décolonisation. Donc empêcher l’indépendance de la Kanaky.
Pour autant, les Kanaks n’entendent pas s’incliner devant la détermination coloniale de l’Etat français qui s’emploie à dissoudre leur poids électoral, réduire leur puissance politique et annihiler leur projet indépendantiste.
Pour preuve, depuis le 28 mars, date de l’examen du projet de dégel du corps électoral kanak par le Sénat, les mobilisations contre ce projet de réforme constitutionnelle ne cessent de se durcir. Ces mobilisations ont atteint leur paroxysme insurrectionnel ce lundi 13 mai, au moment du passage du projet de loi à l’Assemblée nationale.
Dirigée par la CCAT, la mobilisation contre la réforme néocoloniale s’accentue et se radicalise depuis le 4 mai, date symbolique du massacre de la grotte d’Ouvéa perpétré par la police française contre des militants indépendantistes kanaks.
Pour manifester leur totale opposition au projet néocolonial de «dégel électoral» porté par la macronie, ce lundi 13 mai, les Kanaks ont décidé d’occuper la rue. Nouméa a été le théâtre d’une importante journée de mobilisation massive et insurrectionnelle.
Outre le blocage des axes routiers, les barrages filtrants, d’importantes grèves ont paralysé de nombreux services. Plusieurs aéroports ont été perturbés. L’aéroport de Tountouta a été fermé ce mardi matin (heure de Nouméa) suite à une grève à laquelle a appelé notamment l’Union syndicale des travailleurs kanaks et des exploités (USTKE). De nombreuses écoles et de multiples lycées ont été fermés. Une mutinerie a également éclaté dans la prison du Camp-Est de Nouméa.
Dans la nuit de lundi à mardi, dans un contexte insurrectionnel, des révoltes ont spontanément éclaté, menées par de jeunes manifestants. Des occupations de ronds-points avec départs de feu, des barrages filtrants et des barricades ont paralysé de nombreux quartiers de Nouméa. Des usines et des magasins ont également été incendiés.
Dans la nuit, les forces de police, de gendarmerie et du GIGN déployées en nombre ont rapidement fait usage de leur arsenal de répression. Des tirs de LBD et des grenades de désencerclement ont été utilisées contre les manifestants. Plus de 130 interpellations ont eu lie,u selon le ministère de l’Intérieur.
Preuve de la gestion militaro-policière et coloniale de la situation par le gouvernement Macron, le ministre de l’Intérieur a décidé de dépêcher de nouvelles unités spéciales et des escadrons de gendarmes mobiles.
Le régime macroniste militariste veut non seulement engloutir le peuple kanak sous l’écrasant corps électoral blanc colonialiste, mais également le submerger de répressions policières et l’asphyxier par une administration coercitive néocoloniale.
Ce mardi, le haut-commissariat de la République en Nouvelle-Calédonie a annoncé un couvre-feu à partir de 18h jusqu’à 6h, et tout rassemblement a été interdit dans le grand Nouméa. Déterminé à déclencher sa riposte coloniale à l’israélienne, sur la chaîne de TV Nouvelle-Calédonie La Première, le porte-parole colonial de l’Etat français, le haut-commissaire, a affirmé «engager le GIGN, et s’ils se trouvent en situation de tirs appliqués contre eux, eh bien ce seront des réactions de légitime défense. Donc, je les mets en garde, je ne tiens pas à avoir des morts».
Une menace à peine voilée de noyer dans le sang la révolte kanake toujours en cours.
La Kanaky indépendantiste compte, au moment où nous rédigeons ces lignes, quatre morts par balle, dont un gendarme.
K. M.
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