Piège à cons
Par Khider Mesloub – «La politique n’est pas l’art de résoudre les problèmes, mais de faire taire ceux qui les posent», notait l’homme d’Etat français Henri Queuille. A plus forte raison, les élections ne solutionnent pas les problèmes des citoyens, mais des dominants, par l’organisation rituelle de leurs mascarades électorales pour distraire les prolétaires, soudoyer le peuple.
Les dominants tirent leurs richesses et leur pouvoir non pas des urnes mais de leurs comptes bancaires. Leur puissance, du capital financier, et non du capital électoral. Aussi, ces deux piliers des sociétés de classes, richesses et pouvoir, qui dictent les cardinales orientations économiques et doctrinales au pays, sont électoralement inaccessibles au peuple. Surtout politiquement intangibles.
Ce dimanche 9 juin 2024, les citoyens européens sont appelés à déposer, pour la énième fois, leur bulletin de vote dans l’urne. Jamais le slogan des soixante-huitards «Elections, piège à cons» n’a eu si tôt aussi raison. Jamais la raison sotte citoyenne n’a jamais eu autant tort.
En Europe, en France et partout où domine la dictature du capital, les prestidigitateurs de la politique ont réussi le tour de force de faire passer leur dictature électoraliste des riches pour la démocratie.
Or, si on se fonde sur l’étymologie du terme démocratie, celle-ci signifie pouvoir du peuple. Par voie de conséquence dictature du peuple sur l’aristocratie, et par extension actuellement sur l’extrême minorité de la bourgeoisie, les moins de 1% qui possède le monde, monopolise l’Etat. Mais, par une inversion de la vision de la réalité, au moyen d’une illusion d’optique dont le pouvoir a le secret grâce à sa propagande distillée par l’école et les médias, appuyée par sa puissante force financière et son empire étatique et militaire, la classe dominante fait passer sa dictature, aux yeux du peuple, pour la démocratie. Et la revendication de l’instauration d’une authentique démocratie issue du peuple, pour une insurrection, une potentielle dictature.
En Europe, en France et partout où domine la dictature du capital, quand le peuple se lève collectivement afin de voter pour sa démocratie directe horizontale, le pouvoir lui oppose sa dictature exercée par un ordre dominant vertical. Quand ce vaillant peuple se résout à imposer sa salutaire voie candide, le pouvoir lui prescrit les totalitaires voix de ses serviles candidats.
Curieusement, à l’époque actuelle, depuis que la démocratie des riches est partout disqualifiée et discréditée pour son inefficience politique et son impuissance économique, et surtout sa corruption morale, notamment en Europe, les classes dirigeantes s’acharnent à l’imposer despotiquement au peuple, devenu lucidement ennemi de cette démocratie financière.
En effet, au moment où le peuple a commencé, dans de nombreux pays, à militer pour exiger l’instauration d’une vraie démocratie horizontale, populaire et égalitaire, fondée sur ses représentants élus et révocables à tout moment et ne bénéficiant ni de privilège ni d’appointements au-dessus du salaire moyen, l’Etat lui impose sa dictature électoraliste, antidote contre le pouvoir du peuple.
La dictature électoraliste est cette consultation politique dominée par les candidats des riches, dans laquelle le scrutin favorise paradoxalement toujours les mêmes bulletins, étonnamment tous détenteurs de gros butins, remporté toujours au détriment du peuple mutin.
L’histoire nous enseigne que, sous la pression du peuple exigeant l’instauration de sa gouvernance, l’Etat dévoile toujours son caractère de classe : l’Etat protecteur se mue en Etat oppresseur, «sa démocratie» oligarchique se métamorphose en démagogie tyrannique.
Une chose est sûre : l’écurie des urnes est le cimetière de l’émancipation du peuple, cimetière où la bourgeoisie invite le peuple à enterrer ses revendications émancipatrices. A ensevelir sa populaire et égalitaire souhaitable gouvernance.
Le scrutin est l’arme de la classe dominante, tendu au peuple pour l’enfermer dans de faux choix, pour le confiner dans de captieuses alternatives.
L’isoloir est le meilleur antidote contre la lutte collective publique menée par le peuple ordinairement dans la rue et sur les lieux de production, ces espaces publics d’expression authentiquement démocratique, où la liberté prend réellement corps par la voix directe du peuple en lutte déterminé à imposer sa volonté collective à la minoritaire et parasitaire classe régnante.
Le bulletin de vote est aussi aléatoire que les prévisions du bulletin météo : les promesses n’engagent que ceux qui les croient. Gare aux giboulées de la tyrannie, ces violentes averses répressives qui s’abattent sur le pays en plein «printemps démocratique» commandité, dans une atmosphère électorale fallacieusement libératrice. L’hirondelle démocratique lâchée par la classe dominante dans le ciel de la politique ne fera jamais le printemps émancipateur du peuple.
La démocratie des urnes constitue la tombe électorale où viennent s’échouer et s’enterrer les illusions du peuple à la vie toujours funèbre.
Aujourd’hui, les loups du pouvoir nichés au sommet de l’Etat, pour qui le peuple n’est qu’une masse moutonnière tout juste bonne à dépecer (voire à décimer dans leurs guerres), n’aiment rien de moins que de voir le peuple «veau-ter» (se vautrer) aux élections.
De nos jours, la cuisine électorale est devenue la lubie préférée des classes opulentes dirigeantes à l’appétence gouvernementale insatiable, particulièrement en France, cette République devenue bananière et canonnière, dirigée par des épluchures politicardes, ces rognures de la médiocrité ; gouvernés par des radicalisés de la bellicosité, des fous de Dieu Capital, déterminés à déclencher la troisième guerre mondiale.
Pour se maintenir au gouvernement, les classes dominantes s’ingénient à concocter au peuple des élections indigestes, servies sur un plateau consultatif présidentiel ou référendaire, pour le gaver d’illusoires espérances. Pour le nourrir de promesses spécieuses. Et, surtout, pour le dévoyer de ses besoins fondamentaux : avoir un travail avec un salaire convenable, disposer d’un logement décent, bénéficier de services sociaux, éducatifs et hospitaliers efficients ; jouir d’un droit de contrôle souverain sur la structuration sociale et politique de la société et sur la gestion de l’économie de son pays.
Ironie de l’histoire, si avec les empereurs romains la plèbe avait droit au célèbre Panem et circenses (du pain et des jeux), avec les bourgeoisies mondiales contemporaines décadentes, on a droit au cirque électoral sans le pain (sans les droits sociaux, ni économiques).
Le peuple a droit au jeu démocratique sans enjeu économique, car celui-ci ne fait l’objet d’aucun débat, d’aucune élection, étant entendu que l’économie et la finance demeurent la sphère privée des puissants, l’apanage exclusif de la classe dominante.
En Europe, en France et partout où domine la dictature du capital, dans cette période de marche forcée vers la guerre généralisée planifiée par les faucons atlantistes, en toute circonstance consultative politique, à chaque scrutin, le peuple doit dorénavant décliner ces invitations électorales où il joue juste le rôle de convive. Où la classe dominante lui sert toujours les mêmes plats électoraux faisandés, assaisonnés de sauces politiques fignolées pour masquer les pestilentielles puanteurs de son putride ragoût programmatique socio-économique corrompu par le capital.
En Europe, en France et partout où domine la dictature du capital, le peuple ne doit plus se laisser dévorer par ces loups politicards. Cette espèce de canidés, avec leur soyeux pelage bichonné avec l’argent extorqué aux travailleurs, leur museau étiré à force de mensonges, leurs courtes pattes aplaties à force de courbettes, leurs baves dégoulinantes en guise de discours, leurs aboiements martiaux comme moyen d’intimidation, leurs yeux chassieux cernés par la peur du peuple, leurs oreilles dressées pour écouter les ordres de leurs maîtres, leurs crocs en vérité inoffensifs, leur posture toute de vile soumission, ces canidés donc ne sont que les caniches du capital.
En Europe, en France et partout où domine la dictature du capital, il convient donc de tordre le cou à cette naïveté électoraliste politique. De cesser d’offrir aux puissants le pouvoir de tondre les droits du peuple comme des brebis.
Avec sa moutonnière mentalité portée comme une seconde peau, cette peau de la soumission greffée par les puissants par leurs institutions de conditionnement des esprits, le peuple se laisse mener droit vers l’abattoir de l’existence. Cette existence où il rumine en permanence ses tourments et régurgite ses illusions. Où constamment il se ment, à force de croire les politiciens démons. Ces démons qui se présentent avec des figures d’anges pour lui vendre des songes qui se révèlent être, finalement, des mensonges.
K. M.
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