Le fondateur de WikiLeaks Julian Assange libre : le sens d’un combat
Par Mohsen Abdelmoumen – On peut payer de sa liberté et de sa vie quand on lutte pour une cause. Julian Assange en est un exemple. Après une multitude de mensonges, de fausses accusations et une parodie de procès, Julian Assange a enfin été libéré sous caution par la Haute Cour de Londres suite à des négociations avec la justice américaine. Son calvaire de 1 901 jours passés dans la sinistre prison de haute sécurité de Belmarsh, au Royaume-Uni, où il a été traité comme une bête, pire qu’un terroriste, en étant isolé dans une cellule de 2 m sur 3, et bien souvent sans la possibilité de voir ses avocats, a pris fin. Il a été libéré à l’aéroport de Londres-Stansted dans l’après-midi du 24 juin où il est monté à bord d’un avion pour s’envoler vers les îles Mariannes, territoire américain du Pacifique, où il doit comparaître mercredi 26 juin devant un tribunal fédéral. Poursuivi pour «complot pour obtenir et divulguer des informations relevant de la défense nationale», Julian Assange doit plaider coupable devant la justice américaine, ce qui lui vaudra une condamnation à 62 mois de prison qu’il a déjà purgés en détention provisoire à Belmarsh. Cela lui permettra de retrouver enfin ses proches dont le combat pour sa libération n’a jamais faibli toutes ces années. Néanmoins, sa femme, Stella Assange, demande à tous ceux qui sont abonnés à ses comptes sur les réseaux sociaux de suivre l’avion dans lequel se trouve Julian pour être bien sûr que l’avion suit la route prévue. On connaît la fourberie du régime américain. Depuis son incarcération suite à la trahison de l’ex-président équatorien Lenin Moreno, qui a permis à la police britannique d’investir son ambassade à Londres, chose impensable dans de tels lieux, et de procéder à l’arrestation de Julian qui y était réfugié depuis sept ans, des milliers de personnes à travers le monde se sont mobilisées pour demander la libération d’Assange, avec des manifestations hebdomadaires dans de nombreuses villes tout autour de la planète, y compris devant la prison de Belmarsh, des pétitions, des actes de reconnaissance de la part d’associations, de la part de la presse alternative – car les médias de masse n’étaient en rien concernés par le cas d’Assange –, certains artistes et politiques, rares parce qu’ils étaient aussitôt mis au ban et «blacklistés», comme le Britannique George Galloway, et diverses personnalités courageuses. Bref, pendant toutes ces années, on a vu une mobilisation sans faille sur le terrain et sur les réseaux sociaux. Aujourd’hui, on ne peut que se réjouir de voir Julian Assange échapper à son calvaire et être enfin libre, en s’inquiétant toutefois de voir que, désormais, tout journaliste ou lanceur d’alerte à travers le monde, quelle que soit sa nationalité, sera passible d’être traîné en justice pour avoir fait son travail d’informer l’opinion publique. Car le crime de Julian Assange, c’est d’avoir divulgué la vérité à travers WikiLeaks qu’il a fondée. On se souvient notamment de la vidéo montrant l’assassinat de dix-huit personnes, dont deux reporters de l’agence Reuters, par un hélicoptère Apache américain à Bagdad. Cette vidéo lui avait été transmise par l’ex-analyste de l’armée américaine Bradley Manning, en même temps que des milliers de documents confidentiels adressés à WikiLeaks relatant les exactions commises par l’armée américaine en Irak et en Afghanistan, dont des photos réalisées dans le centre de détention américain de sinistre mémoire Abou Ghraib. Manning a été incarcéré dans des conditions très dures pour ces faits : isolement complet, pas de lit ni d’oreiller, obligation de se tenir pendant des heures dans certaines positions. Bref, les mêmes conditions de torture psychologique endurées par Assange pendant cinq ans à Belmarsh. Et on nous parle de démocratie et de liberté d’expression en Occident ! Aujourd’hui, Manning est libre. Assange a fait du vrai journalisme en informant l’opinion publique, contrairement aux prétendus «journalistes» qui sont les perroquets et les chiens de garde des régimes corrompus qu’ils représentent et qui les paient. On parle ici de vrais journalistes militants, pas des agents de l’empire qui se prétendent des détenus d’opinion alors qu’ils appartiennent à la 5e colonne et travaillent avec les ambassades étrangères en complotant contre leur propre pays. Il n’y a rien de pire que les traîtres qui, eux, méritent la prison et que la presse de propagande occidentale essaie de présenter comme des prisonniers politiques. Par contre, cette presse aux ordres nous parle rarement, voire jamais, des vrais prisonniers politiques. Parlons des militants palestiniens enfermés et torturés dans les prisons coloniales israéliennes, et qui y subissent les pires sévices pendant des années. Nous avons l’exemple récent du Palestinien Badr Dahlane, libéré en état de choc après un mois d’incarcération, et dont les photos ont fait le tour des réseaux sociaux lorsqu’il est apparu les yeux exorbités, dans l’incapacité de s’exprimer, complètement égaré et présentant des traces de torture sur le visage et le corps. Et il n’a vécu l’enfer des geôles israéliennes qu’un seul mois. Que dire de ceux qui y sont enfermés depuis quinze, vingt ans, sans parler des enfants abusés sexuellement ! Les prisonniers sahraouis incarcérés dans les prisons coloniales marocaines subissent le même traitement pendant des années sans que l’entité voyou du Maroc soit sanctionnée. Parlons de notre camarade et ami Georges Ibrahim Abdallah, militant communiste libanais qui a lutté pour la cause palestinienne au sein du FPLP, incarcéré depuis 1987 dans les geôles du régime français alors qu’il est libérable depuis 1999. Parlons de Leonard Peltier, militant amérindien membre de l’American Indian Movement, incarcéré depuis 1976 et que même Amnesty International estime qu’il devrait être libéré immédiatement et sans condition. Citons aussi Mumia Abu-Jamal, journaliste et militant afro-américain, membre du Black Panther Party, en prison aux Etats-Unis depuis 1982 et qui a connu le couloir de la mort. Tous ces gens ont été accusés de crimes qu’ils n’ont pas commis et leurs procès ont été entachés de nombreuses irrégularités. Impossible de les citer tous, ils sont trop nombreux et s’il n’y avait les vrais militants pour les défendre, il y a longtemps qu’on les aurait oubliés. Leur seul tort, c’est d’avoir lutté pour un monde plus juste. Ils l’ont payé très cher. Ses défaites en Ukraine et en Palestine occupée ont sans doute fragilisé l’empire. La forte mobilisation en faveur d’Assange pendant des années, les négociations sans répit de ses avocats, la dégringolade de Biden dans les sondages pour les prochaines élections, tout cela mis bout à bout a probablement provoqué un recul de la justice américaine qui menaçait Assange de 175 ans de réclusion pour espionnage et qui, aujourd’hui, se contente de 62 mois. Donnons la parole à sa mère qui a déclaré dès qu’elle a appris la libération de son fils : «Je suis reconnaissante que le calvaire de mon fils touche enfin à sa fin. Cela montre l’importance et le pouvoir de la diplomatie discrète.» Espérons que les autres militants emprisonnés puissent à leur tour retrouver leur famille. Pour cela, il faut les soutenir et empêcher de les voir disparaître dans l’oubli. A l’heure où les bruits de bottes se font à nouveau entendre, il faut se mobiliser dans la résistance et la lutte pour rester debout face à l’ignominie d’une oligarchie dominante qui entend nous mettre tous à genoux. Julian Assange est allé jusqu’au bout de ce qui était tolérable. Sa lutte a payé, celle des militants à sa cause aussi. Aujourd’hui, il est en passe de goûter à nouveau la liberté. Espérons qu’un monde plus juste naîtra sur les cendres de ce monde injuste et infâme qui s’écroule de toutes parts et qu’il n’y aura plus jamais des cas comme Assange. Tous les hommes libres et les justes de cette Terre se réjouissent de sa libération et de cette victoire sur le mensonge et l’oppression de l’oligarchie abjecte qui dirige le monde en le menant vers le chaos. M. A.
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