Médecins algériens exerçant en France : ces déserteurs du corps médical national
Une contribution de Khider Mesloub – Le 13 juillet, le gouvernement, par la voix du ministre de l’Enseignement supérieur, Kamel Baddari, a réaffirmé sa détermination à freiner l’exode des médecins algériens par le gel de la certification de leurs diplômes. «Dans le cadre de l’examen des moyens visant à freiner le phénomène de l’exode vers l’étranger des compétences nationales des diplômés des sciences médicales, l’opération d’authentification directe des diplômes des sciences médicales a été gelée provisoirement», a justifié Kamel Baddari.
C’est la mesure que je préconisais l’année dernière dans une contribution. Le ministre l’avait-il lue ? L’occasion de la republier.
Les médecins déserteurs : ces harragas de luxe
Ces dernières années, nombre de médecins algériens défrayent régulièrement la chronique. Toutefois davantage dans la rubrique de désertion vers l’étranger que dans celle de réalisation de prouesses médicales en Algérie.
En tout cas, ces harragas de luxe n’encourent aucun risque de naufrage, puisqu’ils voyagent librement, munis d’un visa délivré complaisamment par les services consulaires français, à bord d’un avion en partance de la France. Leur principale destination. Comment pourrait-on caractériser ces départs massifs de médecins algériens vers la France, sinon comme de la désertion ?
Cela étant, les médecins algériens exerçant en France ou en Europe peuvent être qualifiés, au mieux de déserteurs pour avoir fui leur corps de métier hospitalier national, au pire de «présumés coupables» en vertu du chef d’accusation de non-assistance à malades en danger constitué sur la base de refus de soins de citoyens algériens affectés par une maladie.
Pour rappel, selon la définition fournie par Wikipédia, «la désertion est l’acte d’abandonner ou de retirer l’appui à une entité à laquelle quelqu’un avait prêté serment ou avait prétendu devoir allégeance, responsabilité ou loyauté ou à laquelle il avait été contraint d’appartenir. On peut donc considérer que dans tout ordre cela existe». En particulier dans l’ordre médical.
Sur le fondement de cette notion de désertion, au même titre qu’un soldat, à plus forte raison un haut gradé, formé par l’armée nationale, est passible de condamnation pour désertion, s’il passe à l’ennemi avec armes et bagages en vue de lui offrir son expertise militaire dispensée par son pays d’origine, le médecin algérien qui fuit son pays pour exercer son activité au service d’un pays étranger doit être condamné sous le même chef d’inculpation de désertion.
Quelle est la principale motivation de ces médecins algériens déserteurs, sinon la cupidité, l’appât du gain ? Par leur esprit mercantile, ils trahissent le premier devoir du serment d’Hippocrate. Pour rappel, le serment d’Hippocrate est considéré comme l’un des textes fondateurs de la déontologie médicale. Une des principales règles déontologiques du serment d’Hippocrate est la suivante : «Je donnerai mes soins à l’indigent et à quiconque me les demandera. Je ne me laisserai pas influencer par la soif du gain ou la recherche de la gloire.»
Or, en refusant de soigner les Algériens résidant dans un pays en développement, préférant soigner, par appât du gain, les Occidentaux établis dans les pays riches, le médecin algérien faillit à son devoir. Il trahit le serment d’Hippocrate. Pis. Il vend son âme au diable.
Le second principe énoncé est l’aide apportée aux confrères. Le médecin est tenu également de former ses nouveaux collègues, les nouvelles recrues fraîchement diplômées. «J’apporterai mon aide à mes confrères ainsi qu’à leurs familles dans l’adversité. Que les hommes et mes confrères m’accordent leur estime si je suis fidèle à mes promesses.» En cas de soustraction à ce devoir élémentaire d’aide et de patronage, le serment énonce : «Que je sois déshonoré(e) et méprisé(e) si j’y manque.»
Véritable «hémorragie» médicale pour le système de santé algérien
Or, par sa fuite à l’étranger, tout médecin déserteur se soustrait à son devoir de soins dus aux malades algériens, et il prive également ses confrères nationaux de son expertise, de sa précieuse collaboration due aux nouvelles recrues. Aussi, en vertu du serment d’Hippocrate, ce médecin déserteur algérien dont l’argent est la seule source de motivation et de vocation se déshonore-t-il. Pis. Il devient méprisable.
Pour information : en 2021, en pleine crise sanitaire, quelque 1 200 médecins algériens de différentes spécialités avaient fui le pays pour aller exercer en France, ancienne puissance coloniale. Cet exode massif représente une véritable «hémorragie» médicale pour le système de santé algérien. Selon le président de l’Ordre national des médecins, le Dr Mohamed Bekkat Berkani, 15 000 médecins algériens exerceraient en France. Et il n’y a que les médecins algériens qui fuient ainsi leur pays pour se vendre à vil prix à la France. Il n’y a que les médecins algériens dont la mission est devenue démission. Ces médecins transfuges confondent délibérément affectation (dans un hôpital algérien) et défection (vers la France). Confondent élaboration d’un plan de soins efficace pour l’Algérie et collaboration sur tous les plans médicaux avec la France. La preuve, en 2021, dans le cadre du concours d’équivalence mis en place par la France, sur les 2 000 candidats reçus à l’issue de l’épreuve, 1 200 étaient de nationalité algérienne.
Cette désertion des cerveaux «médicaux» suscite l’inquiétude des professionnels de la santé d’Algérie. Et scandalise l’opinion publique algérienne, alarmée par l’ampleur de cette évasion des compétences hospitalières, sources d’expansion de pathologies chroniques générées par l’absence de prise en charge médicale efficiente. Mais également le gouvernement algérien, qui a pris conscience de l’ampleur de cette «hémorragie».
Des mesures sont à l’étude pour endiguer ces désertions de médecins. A cet égard, le Dr Bekkat avait fait savoir que les médecins algériens «reçoivent une formation solide de qualité, selon les standards et les normes internationaux», précisant qu’il «faut uniquement améliorer leurs conditions socioprofessionnelles». Car, selon lui, «c’est dommage de former des cadres pour les autres». C’est-à-dire les pays occidentaux, en particulier la France.
Toujours selon Dr Bekkat, les principales destinations des médecins algériens sont la France, les Etats-Unis, l’Allemagne et le Qatar, et récemment la Grande-Bretagne et le Canada, ajoutant que le nombre de demandes déposées par les médecins spécialistes désirant quitter le pays augmente chaque année, dont 80% des praticiens se dirigent vers la France.
Curieusement, et cela dévoile la cupidité de ces médecins algériens déserteurs, selon de sources médicales algériennes, ceux qui prennent la décision de fuir le pays pensent avant tout à l’avenir de leurs enfants. Ainsi, ils pensent à l’avenir de leur progéniture avant celui de leur pays, amputé de cette «force de frappe médicale» mise dorénavant au service d’une puissance étrangère. Pas étonnant qu’ils désertent l’Algérie sans état d’âme. Quitte à laisser mourir des centaines de milliers de malades algériens faute de soins, c’est-à-dire faute de médecins, enfuis à l’étranger, après avoir été formés gratuitement par les universités algériennes.
Ces porteurs de blouse qui se font blouser par la France
Cet exode des médecins algériens vient s’ajouter à celui des ingénieurs et autres corps de métier prestigieux névralgiques. Ces déserteurs appliquent à leur compte cette devise énoncée par Paul Morand : «Par une désertion volontaire, entraînons-nous à ce jour où il nous faudra tout quitter.» Y compris l’honneur et la dignité. D’aucuns ajouteraient : patriotisme.
Aujourd’hui, pour quelques euros, ces transfuges troquent le bistouri et le stéthoscope algériens contre ceux des hôpitaux français. Demain, pour la carte d’identité française, ils renieront jusqu’à leurs racines algériennes. Après demain, ils endosseront fièrement l’uniforme militaire français pour défendre leur nouvelle patrie ou participer à des opérations de conquêtes impérialistes.
A titre personnel, pour certaines professions névralgiques, je conseille à l’Etat algérien, dans l’intérêt supérieur du pays, pour protéger la population des pénuries de certains corps de métier indispensables à son bien-être (voire à sa survie dans le cas de la médecine), de confisquer leur passeport de ces professionnels hautement qualifiés, notamment les médecins et les ingénieurs. Pour mettre un terme à ces honteuses désertions professionnelles des métiers névralgiques, hautement sensibles, indispensables au développement du pays et à la préservation de la santé publique de la population algérienne.
Il est anormal, pour ne pas dire scandaleux, que l’Algérie forme pendant 20 à 25 (depuis le cycle primaire) des étudiants pour en faire des ingénieurs ou des médecins, puis c’est la France (ou un autre pays occidental) qui profite de ces compétences. Elle doit empêcher cette honteuse fuite des cerveaux. Cette désertion de médecins, responsables de la désertification médicale, des maladies chroniques causées par l’absence de soins, induite par la pénurie de médecins.
Il y a des métiers stratégiques et vitaux qui demeurent exclusivement nationaux. Qui ne peuvent être exercés qu’au profit exclusif de son pays. Un officier de police ou de l’armée, tout comme un agent de renseignement ou un juge, un ministre ou un député, ne peuvent être recrutés par un autre pays. Dans l’hypothèse hypothétique où un agent de renseignement ou un officier militaire s’expatrie pour offrir ses services à un autre pays, il tombe sous le coup de la loi pénale : il est passible d’une condamnation à une peine d’emprisonnement, voire de la peine de mort.
Cela devrait s’appliquer également aux métiers hautement qualifiés et stratégiques, notamment les médecins, les ingénieurs qui doivent faire l’objet d’une réglementation draconienne. Le summum de l’indécence (d’aucuns diraient de l’indignité) de ces déserteurs médecins algériens partis se faire suer le burnous dans les hôpitaux français de plus en plus délabrés faute d’investissement, c’est qu’ils sont rémunérés moins qu’une aide-soignante ou infirmière. Certains, quoique nantis d’un diplôme de chirurgien obtenu avec succès en Algérie, perçoivent 1 400 euros nets par mois, soit un salaire à peine plus élevé que le SMIG en France, fixé actuellement à 1 353 euros.
Ces porteurs de blouse qui triment sans rechigner se font honteusement blouser par la France. En subissant en plus le coup de blues. Cette maladie chronique française contagieuse qui, plus est, incurable, même par un médecin chevronné algérien car cette pathologie spécifiquement française résiste à toutes les médications et thérapeutiques.
Ironie du sort, ces médecins algériens transfuges se sont expatriés vers la France pour soigner leur santé financière ; au final, ils perdent et leur santé mentale, et leur pays, et le respect dû à leur honorable profession médicale, étant donné qu’ils seront considérés toujours comme des médecins étrangers aux compétences douteuses par les Français.
Ces médecins déserteurs auront lâché la proie honorable algérienne pour l’ombre dégradante française.
K. M.
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