Conférence ministérielle de la Ticad ou la diplomatie par la violence du Maroc
Une contribution d’Amar Djerrad – Lors de la réunion préparatoire à Tokyo de la conférence ministérielle Ticad-9 (forum ouvert pour le développement de l’Afrique, accueillant pays africains, organisations internationales et secteur privé) consacrée aux partenariats d’investissement Japon-Afrique, le représentant et ambassadeur de la République arabe sahraouie démocratique (RASD) auprès de l’Union africaine, Lamine Baali, faisait partie de la délégation algérienne. En prenant place, il a discrètement déposé sur la table un chevalet portant l’inscription «République sahraouie».
Un jeune participant marocain, offensé par ce geste, s’est précipité en plongeant sur lui pour le lui retirer. Au même moment, un représentant algérien, plus vieux, est rapidement intervenu pour porter secours au diplomate, le ceinture, le flanque au sol et l’immobilise. Il a été entendu des invectives et insultes au cours de cette altercation. Les images de cette anicroche qui ont indigné les participants ont rapidement fait le tour des réseaux sociaux. Cet incident n’est pas le premier cas où des représentants du Makhzen tentent d’entraver la participation des Sahraouis. Lors de la précédente conférence en 2022 à Tunis, une délégation sahraouie de haut niveau avait participé, poussant la délégation marocaine à se retirer.
Le Maroc ne cesse de réaffirmer sa position sur le conflit du Sahara Occidental en proposant une «autonomie» sous sa «souveraineté», soutenue par un tweet de Trump et une lettre de Macron, ce qui a donné des ailes au pouvoir marocain bien qu’il sache que le problème de cette ex-colonie espagnole est tranché par l’ONU avec pour solution l’autodétermination du peuple sahraoui. Position que l’Algérie soutient fermement.
Règle-t-on un problème de décolonisation d’un peuple par la violence sur son représentant lors d’une réunion ? Même non invité ? Qui est véritable diplomate et qui adopte un comportement de voyou ? Le représentant du Makhzen s’attendait-il à ce que, par la violence physique, l’ambassadeur sahraoui lève le bras et dise : «Oui, attendez, vous avez raison, vous avez gagné, ce Sahara vous appartient, on abandonne, on se retire ?» C’est ainsi que cela fonctionne dans les institutions du roi ?
La moindre sagesse dans les usages et règles diplomatiques est de simplement demander un point d’ordre et de contester la présence de ce représentant. Cette attitude immature a fait dire à l’ambassadeur japonais, dont le pays ne reconnaît pas la RASD, que les différends politiques ne devraient pas être réglés par la violence. Les conséquences sont que le Maroc s’est retiré, marquant une impuissance avec un échec de ses représentants et la présence sahraouie a été soutenue par de nombreux délégués qui ont souligné le droit de chaque «Etat membre de l’Union africaine» de prendre part aux réunions de partenariat entre l’Afrique et le Japon. La formule «Etats reconnus par l’ONU» évoquée par le Maroc pour exclure la RASD n’a pas été retenue. Même le ministre sahraoui des Affaires étrangères a assisté à l’ouverture de la réunion ministérielle.
Entre une opposition à la participation d’une entité et une agression physique qui sort des normes diplomatiques, il y a une sacrée différence et évolution des mœurs que le droit international doit prendre en charge.
A. D.