Les raisons de la cyberattaque d’Israël au Liban
Une contribution d’Ali Akika – Avant d’envoyer cet article ce matin, j’ai appris la nouvelle de la riposte du Hezbollah en lisant la presse israélienne qui rapportait deux infos. La première relatait le bombardement de la principale usine de matériels de guerre et la seconde une grande base militaire d’avions de guerre qui, chaque jour, font des exploits au-dessus des villages libanais. L’usine et la base sont situées à Haïfa, grande ville aéroportuaire. D’habitude, la censure militaire ne laisse filtrer que des roquettes qui tombent dans des champs et tuent des poules. Remarquons la finesse de la propagande quand elle est produite par des esprits vulgaires qui pensent que les opinions sont encore plus ignares qu’eux.
Certes, il y a des ignares partout mais ils se recrutent aussi dans la faune des journaleux qui, le jour de la cyberattaque d’Israël, se léchant les babines, annonçaient la paralysie, sinon la capitulation du Hezbollah, rien que ça ! En réalité, la lecture de la réalité par cette faune me rassure personnellement car le mariage de l’ignorance et de la connerie se termine par un divorce avec les vérités de l’histoire, et la Guerre de libération du pays nous a légué des leçons précieuses sur «l’idiot qui regarde son doigt alors que le sage lui montre la lune» (proverbe chinois). Voilà, c’est dit et écrit, je laisse la place à l’article écrit avant la foudroyante riposte de la résistance libanaise…
Il faut croire qu’Israël est dans une triple impasse, politique, militaire et économique, pour avoir frappé le Liban d’une cyberattaque dont les conséquences feront leurs effets dans l’avenir. Pareille attaque classe Israël dans la catégorie des Etats dont le mépris pour le droit international ne peut qu’inquiéter le monde. Cela dit, en dépassant les limites de la décence et de l’arrogance, Israël dévoile sa nature à travers la pratique de ses services de renseignements. Cette pratique et la faute politique qui en est à l’origine accentuent la démonétisation de l’image d’un Etat déjà passablement défigurée, un Etat qui se voulait être un modèle de la «civilisation» au milieu de «la barbarie». Son inconscience qui le pousse à commettre une faute politique et conceptuelle dans la pratique de ses services secrets va lui réserver des surprises.
Pour échapper aux condamnations sur la scène internationale des Etats et de l’opinion, il tente de faire croire que sa cyberattaque est un acte préventif pour éviter un deuxième 7 octobre au nord d’Israël. Il a déjà utilisé cet argument pour faire échouer la riposte-vengeance à la suite de l’assassinat du commandant de Hezbollah Fouad Chokr. Argument plausible qui masque une autre vérité angoissante. Car la nature et les conséquences de cette cyberattaque sont telles qu’il était préférable de faire appel à des moyens militaires classiques à la portée d’une armée qui se veut l’une des «meilleures» du monde ? En vérité, en plus des impasses citées plus haut, il y a d’autres raisons que nos perroquets des médias évitent d’en parler alors que des officiers israéliens célèbres, comme le général Brik, n’a cessé d’avertir qu’Israël est au bord de l’effondrement. Et même Donald Trump, évidemment pour se faire élire, appelle ses compatriotes juifs de voter pour lui car, dit-il sérieusement, sinon Israël dans deux ou trois ans n’existera plus…
Voyons donc cette faute politique commise en l’absence ou dans l’ignorance par les politiques de l’écorce conceptuelle qui protège un service secret ! Grosso modo, les services du monde entier sont une sorte d’armée de l’ombre qui pratiquent leur mission avec «élégance» quand il faut éliminer l’ennemi sans faire de bruit et sans revendiquer leur crime. Ainsi, ces services pratiquent et commettent des «coups» dans un pays où leurs collègues des services de renseignement étranger ferment les yeux, à condition que ça ne porte pas préjudice au pouvoir politique du pays en question (tant de militants palestiniens ont été assassinés en Europe et leurs assassins ne sont jamais arrêtés). Bref, ceci pour dire que les complicités entre services secrets doivent être discrètes et «élégantes», excepté pour le Mossad qui bénéficie de dérogations, surtout s’agissant d’assassinats cités précédemment (1).
Dans le cas de la cyberattaque au Liban, «nos» perroquets ont bassiné l’opinion avec leurs éloges de l’opération du Mossad sophistiquée et inédite, en oubliant au passage le 7 octobre ; ce fiasco de tous les services de sécurité a été provoqué par des militants d’un peuple surveillé et maltraité qu’on n’a pas réussi à le démunir de sa bravoure, sa ténacité et, surtout, à l’empêcher de développer son intelligence de l’histoire en dépit de son éparpillement dans le monde entier. Et ce sont ces conditions historiques dont n’a pas tenu compte l’ennemi, se prenant pour une race de seigneurs capable d’«endormir» tout un peuple par la force ou par le poison de la corruption.
S’agissant de l’«exploit» de la cyberattaque du Mossad, il faut rappeler des règles de l’art de la guerre théorisé par Sun Tzu ou bien produites par l’histoire des guerres depuis la nuit du temps. Primo nous dit Sun Tzu, «la pire des politiques consiste à attaquer les villes». Secundo, «une opération tactique réussie doit concourir à la victoire stratégique», enseigne l’art opératif de la guerre moderne. Attaquer et encercler Beyrouth en 1982 et repartir en laissant derrière soi Sabra et Chatilla, se laisser surprendre en octobre 1973 par l’Egypte et, surtout, se faire humilier par l’opération prodigieuse du 7 octobre, autant d’échecs non enregistrés par la mémoire de poisson rouge de nos laudateurs «experts». Et qu’en est-il de l’opération des 17 et 18 à Beyrouth conçue, travaillée et mise en réserve uniquement pour une guerre existentielle ?
Avant de cerner les visées et les limites qui se dessinent jour après jour pour Israël, rappelons que la cyberattaque qui a coûté cher en temps, en manipulation sans vergogne de sociétés écran va accentuer la méfiance des Etats ou des entreprises, par exemple, de Taïwan, de Hongrie et de Bulgarie. Ces investissements énormes oubliés par les «experts» qui se pâment devant un «l’exploit» sans se rendre compte qu’ils participent à une entreprise du Mossad, recherchant désespérément une nouvelle virginité de sérieux et d’efficacité. Que vaut cette opération secondée par les technologies nouvelles qui collectent des renseignements, en piratant des ordinateurs et en appuyant sur des boutons pour biper des téléphones qui déclenchent des explosions au milieu d’une foule ?
Oui, que pèse cette opération à côté de celle du débarquement des Alliés en Normandie qui ont endormi les redoutables services secrets de Hitler, ou bien de l’exploit de Richard Sorge, espion russe basé à Tokyo, qui révéla la date de l’opération «Barbarossa» (invasion de l’URSS par l’Allemagne) ou bien encore l’incroyable réussite du KGB soviétique qui arriva à mettre à la tête du meilleur service de renseignement du monde de sa majesté la reine d’Angleterre l’espion et aristocrate anglais Kim Philby, qui finira tranquillement sa vie à Moscou ? Ainsi, il ne s’agit pas de minimiser le coup sévère subi et reconnu par le Hezbollah. En revanche, cerner les raisons de la faute politique commise par Israël est utile pour mieux comprendre les ruses et les surprises de l’ennemi mais aussi ses faiblesses qu’il tente de masquer.
En vérité, la situation politique du gouvernement Netanyahou est, jour après jour, de plus en plus chaotique qui débouche sur une double impasse. De politique intérieure d’abord, la pression des manifestations qui demandent la démission de Netanyahou qui s’ajoute à la démission de ministres ex-chef d’état-major. Ensuite, l’isolement diplomatique mais aussi l’aversion d’une grande partie des opinions internationales dont les pressions donnent ici et là des résultats. Et, enfin, sur le plan strictement militaire, les «destructions» des brigades de la résistance s’avèrent être des lubies quand on voit les pertes militaires figurant dans les communiqués officiels de l’armée. Et, à la fin des fins, l’espoir escompté par Netanyahou de voir les Américains participer ou soutenir une attaque contre le Hezbollah s’est évanoui.
Ses provocations à travers les boucheries d’enfants et de femmes pour faire craquer et pousser la résistance à la faute sont les fruits d’une ignorance crasse de la conscience historique du peuple palestinien. Tous les prétextes utilisés n’ayant pas fonctionné. Que faire ? Jouer la carte de la terreur de la population et paralyser les communications du Hezbollah ? Si cette tactique de désespoir utilisée contre à Gaza, encerclée, bombardée, affamée et la résistance communiquant avec des bouts de papiers et de bouche à oreille n’a pas fonctionné, pourquoi cette tactique-là aura-t-elle de meilleures chances contre le Hezbollah ?
La résistance libanaise est chez elle et les tunnels qu’elle a montrés à l’opinion où l’on circule avec des camions et les roquettes et les missiles stockés n’ont pas besoin d’électricité ou d’Internet pour attaquer l’ennemi. L’armée israélienne, si elle avait l’assurance de sortir de la bataille en vainqueur, il y a belle lurette qu’elle aurait franchi la frontière libanaise. Ne restait pour sa «victoire» tant attendue que la carte de la terreur de masse et la destruction des infrastructures de santé, d’eau et de communication. Pour ça, elle a les moyens et le savoir-faire d’autant que cela ne nécessite pas la présence physique sur un champ de bataille. Elle a les moyens mais ne semble pas tirer les leçons de ses échecs et de ses «misérables» victoires. Comme la libération de trois otages qui a été possible dans un appartement d’un quartier préalablement rasé et 300 civils massacrés. A ce tableau de Gaza où l’échec est patent, Netanyahou veut avancer au nord et fait penser aux aventuriers qui tombent dans des sables mouvants et précipitent leur fin en tentant d’avancer. A côté de l’image des sables mouvants, il y a l’image de la toile d’araignée qui colle à la peau de Netanyahou depuis que le chef du Hezbollah l’a popularisé dans un discours à la télé après la défaite mémorable de l’armée d’Israël l’été 2006.
En conclusion, depuis la cyberattaque des 17-18 suivie d’assassinats de dirigeants de la résistance par le biais de bombardement dont l’objectif claironné est le retour des habitants dans leurs villes et villages du nord du pays n’est pas pour demain, attendons pour voir si cet objectif rentre dans la rubrique des chimères où l’on promettait la victoire par la destruction de la résistance et la libération des captifs retenus dans les tunnels de Gaza. Israël semble jeter ses forces dans une bataille limitée dans le temps et l’espace. Un plan qu’il a appliqué en 2006, et l’on sait comment ça s’est terminé. En un mot, la cyberattaque a été déclenchée pour sortir à l’anglaise de Gaza où la rengaine de la victoire n’amuse plus personne.
En revanche, une défaite au nord ou simplement le maintien du statu quo actuel, l’aventure aura coûté cher sur le plan international et auprès des opinions. Sans oublier le désir d’effacer l’humiliante défaite du 7 octobre pour redonner des couleurs au Mossad et au Shin Bet pour qu’Israël se retrouve à nouveau sur un piédestal. Pour l’heure, Netanyahou vient de protester officiellement contre la CIP (Cour internationale pénale) qui est sur le point de lancer contre lui un mandat d’arrêt.
A. A.
(1) Les noms des militants palestiniens assassinés à travers l’Europe ainsi que les exploits des services secrets cités dans l’article sont accessibles grâce à notre «ami» Google. Ceci dans le but de se méfier des mots ronflants des vautours de la presse, auxiliaires d’une vile propagande dès qu’il s’agit de la Palestine et du Liban.
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