Indigent Gallimard
Par Mrizek Sahraoui – Témoignage dévastateur ! La célérité avec laquelle Antoine Gallimard, patron des éditions du même nom, a réagi à l’interview accordée par la femme qui considère avoir été trahie par l’épouse de l’écrivain français Kamel Daoud, montre que nous sommes véritablement dans ce qu’il convient désormais d’appeler «l’affaire Daoud».
«Affaire Daoud», parce qu’en quelques jours seulement le lauréat du prix Goncourt pourrait, en effet, redescendre du firmament vers lequel il a été catapulté après le sacre, au tribunal civil dans lequel lui et son épouse devraient venir s’expliquer, son épouse pour violation de secret professionnel et lui pour recel de violation de secret médical. Cette affaire commence à prendre de l’ampleur et une tournure explosive.
C’est logique. D’abord, parce que les enjeux financiers, de prestige sont colossaux, d’où le communiqué célère du patron des éditions Gallimard, qu’on le veuille ou non duplice de divulgation de secret professionnel. Et, ensuite, dans la mesure où elle peut être aisément qualifiée d’indue, cette distinction va sûrement annoncer la fin du mythe Daoud. Celle-ci pourrait aussi entacher sérieusement la crédibilité du prix Goncourt, censé récompenser, selon la règle, une fiction et non pas une histoire vraie. Cependant, il est illusoire de penser qu’il sera retiré au gagnant.
Par ailleurs, beaucoup ont dit que ce prix a été attribué non pas pour récompenser un talent littéraire, mais pour un but purement politique. Pour s’en convaincre de la solidité de ce point de vue, il faut juste décortiquer le communiqué d’Antoine Gallimard. Il dit : «Depuis la publication de son roman, Kamel Daoud fait l’objet de violentes campagnes diffamatoires orchestrées par certains médias proches d’un régime dont nul n’ignore la nature.» Autrement dit, tout média, tout journaliste qui critique Kamel Daoud est à la solde du gouvernement algérien. Une immense absurdité, la plupart des écrivains français ont été l’objet de critiques venant des critiques littéraires que des journalistes spécialisés, sans que les uns et les autres fussent suspectés d’être à la solde du pouvoir en place.
C’est une absurdité mais, surtout, une grossière diversion puisque, en l’occurrence, ce ne sont pas les médias algériens qui ont révélé le viol et le recel du secret professionnel, mais une rescapée qui dut miraculeusement échapper aux sanguinaires du GIA, et qui demande des comptes au couple Daoud. Les médias n’ont fait que relayer une déclaration d’une miraculée dont la parole devrait être entendue et prise en compte par l’académie Goncourt. BFMTV, LCI ou France Info auraient agi exactement de la même façon face à des cas similaires.
Autre preuve de l’indigence de l’argumentaire du patron des éditions Gallimard, lequel dit encore : «Son épouse n’a aucunement sourcé l’écriture de Houris.» Comment peut-il affirmer une telle énormité, à moins qu’Antoine Gallimard ait été dans le secret des secrets d’alcôve du couple Daoud ?
Cependant, ce qui est incompréhensible, c’est que tous les soutiens de l’écrivain français Kamel Daoud venant d’Algérie sont en grande majorité des «amis» de Xavier Driencourt. C’est dire, mais demeure la question de savoir qui diffame qui ? Qui faut-il soutenir a priori ? La réponse coule de source normalement car, tant que la justice ne se sera pas encore prononcée, les paroles des protagonistes de «l’affaire Kamel Daoud» se valent.
En règle générale et à l’ère de MeToo, la parole d’une femme qui se dit victime est prépondérante. Mais cela, c’est en France, uniquement.
M. S.
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