Les agriculteurs français subventionnés insurgés pour faire payer les travailleurs

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Les agriculteurs français sont de petits capitalistes. D. R.

Une contribution de Khider Mesloub – Rebelote. Les agriculteurs français, ces petits capitalistes champêtres libéralement subventionnés, se mobilisent contre la baisse de leurs revenus, induite, entre autres, par la multiplication des taxes et charges liées aux normes environnementales. Ils se soulèvent également contre l’accord Mercosur. Au vrai, il s’agit d’un alibi. L’accord Mercosur ne menace nullement les agriculteurs puisque, rapporté à la production totale des pays de l’Union européenne (UE), il porte sur des petits volumes d’importation. Par exemple, les produits du Mercosur dont les droits de douane seront réduits sont de 99 000 tonnes pour la viande bovine, soit à peine un plus de 1,5% de la production de l’Union européenne. Pour la viande porcine, ce sera 25 000 tonnes (0,1% de la production de l’UE), pour les volailles 180 000 tonnes (1,4%), le sucre 190 000 tonnes (1,2%). On est loin de la menace commerciale concurrentielle agitée par les agriculteurs français.

Pour autant, il est vrai qu’en France, comme dans l’ensemble des pays européens, l’étranglement tarifaire des petits producteurs agricoles par l’Etat du grand capital, opéré pour le bénéfice de l’industrie agroalimentaire multimilliardaire, tout comme le surendettement, appauvrit une frange importante des agriculteurs propriétaires de leur exploitation familiale.

Ces dernières années, en France, comme dans tous les pays de l’Union européenne, l’accélération et l’accentuation de la crise économique, associées à la flambée des coûts de production, a provoqué la paupérisation de l’immense majorité des petits exploitants agricoles. Des centaines de milliers de petits capitalistes agricoles sont ainsi plongés dans la détresse, la misère, acculant certains à la dépression, voire au suicide.

Pour protester contre la dégradation de leurs conditions de vie ou la menace de leur disparition, les petits «paysans» (agriculteurs pauvres) et les propriétaires de gigantesques exploitations agricoles capitalistes se mobilisent de nouveau sous l’étendard des mêmes mots d’ordre bourgeois et chauvins : défense de la propriété privée et du petit capital, défense du marché national et pérennisation des subventions.

En France, les revendications des petits agriculteurs capitalistes en colère sont identiques : contre «les charges», «les impôts», «les normes et la paperasse de Bruxelles», la «concurrence déloyale», les «importations étrangères», sur fond de la défense acharnée de la préservation de leur propriété, de leur capital et de la protection des frontières des cartels milliardaires.

Au vrai, l’Etat français s’active au service du grand capital mondialisé, généreusement subventionné, pour accélérer la liquidation des petites exploitations agricoles.

Globalement, le grand capital, abondamment subventionné, œuvre à la réduction des subventions allouées aux petits capitalistes agricoles afin de briser leur capacité de résistance dans la guerre commerciale que se livrent petits et moyens capitalistes nationalistes et grands capitalistes multinationaux.

Les agriculteurs protestent également contre l’Union européenne qui exempte les produits agricoles ukrainiens de droits de douane depuis le début de la guerre par procuration. Il est utile de rappeler que cette exemption n’a pas été dictée par des raisons humanitaires mais financières. Les exportations agricoles étant la première source de devises pour l’Ukraine, il faut bien lui assurer une rentrée de ressources financières suffisantes pour payer les armes occidentales et rembourser les prêts accordés par les pays européens bellicistes.

En France comme dans tous les pays européens, ni les petits paysans, ni les agriculteurs d’exploitation moyenne, luttant pour défendre leurs intérêts patronaux et leur capital, ne peuvent entraver le rouleau compresseur capitaliste mondialiste de poursuivre son opération de concentration économique, son entreprise d’absorption des petites exploitations agricoles. Car, sous la mondialisation capitaliste, crise économique et exacerbation de la concurrence obligent, les entreprises les plus faibles – les plus fragiles – sont vouées à disparaître.

La crise entraîne également l’amenuisement des subventions gouvernementales et européennes. Pour rappel, si l’agriculture française maintient sa place parmi les pays exportateurs, voire son activité agricole, c’est grâce aux subventions. Qui dit subventions dit argent des contribuables, c’est-à-dire des travailleurs.

Actuellement, dans l’Union Européenne, 30% des revenus agricoles sont issus des subventions. Pour certains pays européens, ce pourcentage grimpe à 45%, notamment en Allemagne. En France, il est de 80%. En Finlande, il frôle les 100% puisqu’il avoisine les 93%.

Or, dans une Europe étranglée par la crise économique et engagée dans les plans des préparatifs de guerre, l’heure est à l’austérité, aux restrictions budgétaires, à la réduction drastique des subventions, pour bâtir une économie de guerre.

De manière générale, les agriculteurs français, quelle que soit la taille de leur exploitation, ne s’opposent pas au capitalisme. Pire, les agriculteurs français défendent les intérêts de leurs patrons, notamment la baisse des «charges sociales». Par ailleurs, ils exigent la fermeture des frontières et, surtout, la hausse des prix de leurs produits.

Des revendications fondamentalement anti-prolétariennes. Car cela revient à faire payer aux travailleurs français au prix fort les produits agricoles, des travailleurs déjà amplement paupérisés par l’hyperinflation orchestrée par les industriels et leur Etat. Des revendications également anti-prolétariennes car, par les nouvelles aides financières et exemptions fiscales concédées aux agriculteurs français par le gouvernement Macron, ce seront encore les travailleurs qui payeront la facture avec l’augmentation de leurs impôts et la multiplication des taxes.

Historiquement, depuis la naissance du capitalisme, la paysannerie n’a jamais joué un rôle révolutionnaire, sinon celui, rarement, de force d’appoint du prolétariat et, régulièrement, de la bourgeoisie.

Par leur attachement atavique à la propriété privée, leur parcellisation territoriale, différenciation sociale, leurs représentations idéologiques réactionnaires, l’absence de toute conscience de classe, leur pusillanimité politique, leur anarchique activisme politique borné à des lilliputiennes doléances et d’infimes réformes, par leur perméabilité à la propagande bourgeoise et leur place évanescente dans l’histoire, les agriculteurs contemporains, en particulier français, sont, par leurs revendications, fondamentalement réactionnaires. Quand bien même les agriculteurs, «amoncellement de sacs de pommes de terre formant une classe amorphe», selon l’expression de Karl Marx, pourraient s’associer aux travailleurs dans une dynamique de convergence des luttes comme l’appellent de leurs vœux certains syndicalistes et gauchistes, ils retomberont rapidement dans leurs travers contre-révolutionnaires, leur indécrottable populisme populacier.

Comme l’histoire nous l’enseigne, s’il arrive que les paysans rejoignent un mouvement révolutionnaire, c’est moins par aspiration à transformer la société que pour la défense de leurs intérêts corporatistes. Car, ainsi que l’écrivaient Marx et Engels : «Ils ne sont pas révolutionnaires, mais conservateurs ; qui plus est, ils sont réactionnaires ; ils demandent que l’histoire fasse machine en arrière. S’ils agissent révolutionnairement, c’est par crainte de tomber dans le prolétariat.»

C’est la menace de leur déclassement et de leur prolétarisation qui accule, aujourd’hui, les agriculteurs français à la révolte, pour tenter de sauvegarder, vainement, leur activité agricole subventionnée, autrement dit financée par l’argent des contribuables, des travailleurs.

K. M.

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