Jeu dangereux
Par Mohamed El-Maadi – Le Maroc joue actuellement un jeu dangereux qui pourrait se retourner contre lui. Sa tentative de déstabilisation de l’Egypte, conjuguée à ses ambitions affichées au Sahel, révèle une stratégie aussi téméraire que périlleuse. Le titre du Monde, «Le Maroc un acteur incontournable au Sahel», illustre parfaitement cette nouvelle posture où Rabat se voit déjà en leader régional incontesté.
Cette ambition démesurée s’inscrit dans une logique d’alignement total avec les intérêts israéliens en Afrique. Le royaume chérifien semble avoir été choisi comme le vecteur privilégié pour déployer l’influence israélienne sur le continent. Cependant, l’épisode égyptien démontre les limites de cette stratégie. Le Caire, malgré ses difficultés actuelles, a prouvé pendant la crise de Gaza que certaines lignes rouges restaient infranchissables, particulièrement au sein de son establishment militaire.
L’acceptation internationale du plan d’autonomie pour le Sahara Occidental semble avoir enhardi le Maroc, qui dévoile désormais son véritable visage : celui d’un acteur opportuniste prêt à tout pour servir ses intérêts immédiats. Le royaume s’est laissé séduire par les promesses israéliennes d’en faire le hub technologique et économique du monde arabe. Une illusion dangereuse qui rappelle la célèbre maxime : Israël n’a que mépris pour les faibles qu’elle utilise.
Cette politique s’inscrit dans la continuité de la doctrine Hassan II, centrée sur les intérêts exclusifs de la famille royale. Mais la mainmise israélienne sur le Maroc pose question : quelle est la nature exacte des leviers dont dispose Tel-Aviv sur Rabat ? Que sait réellement Israël sur Mohammed VI et son entourage ?
L’Algérie doit désormais adopter une posture de vigilance permanente vis-à-vis de son voisin. Une paranoïa constructive vaut mieux qu’une confiance naïve face à un acteur qui a définitivement rompu avec toute forme de solidarité régionale.
La remarque prophétique de feu Driss Basri résonne aujourd’hui avec une acuité particulière : «Ce pays est un patchwork d’ethnies, du bricolage made in France.» Cette fragilité intrinsèque du royaume pourrait bien être son talon d’Achille. Le Maroc, dans sa course effrénée vers une hypothétique grandeur, oublie peut-être qu’il construit sa stratégie sur des fondations fragiles.
L’histoire nous enseigne que les empires les plus ambitieux sont souvent les plus vulnérables quand ils oublient leurs limites. Le Maroc, ivre de ce qu’il appelle ses succès diplomatiques, pourrait bien découvrir, à ses dépens, que la chute est d’autant plus douloureuse qu’on se croit au sommet.
M. E.-M.
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