L’opportuniste marocain Tahar Ben Jelloun ou la littérature couscous-merguez
Une contribution de Mohamed El-Maadi – La trajectoire de Tahar Ben Jelloun illustre parfaitement la déliquescence intellectuelle d’un homme qui, d’opposant féroce à Hassan II, s’est métamorphosé en thuriféraire zélé du pouvoir. Cette transformation spectaculaire mérite qu’on s’y attarde, tant elle est symptomatique d’une certaine intelligentsia maghrébine qui a troqué ses convictions contre des privilèges dorés.
Parlons d’abord de ce passé d’opposant. Ben Jelloun qui, jadis, tonnait contre les exactions du régime marocain, qui a connu les geôles et la répression, a miraculeusement découvert les vertus de la monarchie après quelques séances d’intimidation. La torture par la bouteille, pratique tristement célèbre des années de plomb au Maroc, semble avoir eu un effet particulièrement «éclairant» sur sa conscience politique. Cette conversion subite pose question : est-ce la bouteille ou les avantages qui ont eu raison de ses convictions ? La réponse se lit dans chacune de ses interventions médiatiques actuelles.
Sa rhétorique anti-algérienne atteint des sommets de malhonnêteté intellectuelle. Sa déclaration selon laquelle «il faut avoir les reins solides pour respecter le peuple algérien» est non seulement une insulte à l’intelligence, mais révèle, surtout, la bassesse de celui qui la profère. Cette sortie, digne d’un propagandiste de bas étage, est d’autant plus révélatrice qu’elle vient d’un individu qui prétend s’attaquer uniquement au «système des généraux algériens». Cette fiction des «généraux algériens», qu’il agite comme un épouvantail, n’existe que dans l’imaginaire des idéologues les plus radicaux du FIS ou dans les officines de la propagande royale. Ben Jelloun, l’intellectuel «éclairé», se retrouve ainsi à recycler les mêmes narratifs que ceux qu’il dénonçait autrefois.
Sa production littéraire n’échappe pas à cette déchéance. La majorité de sa bibliographie récente relève de ce qu’on pourrait appeler la «littérature couscous-merguez» : des textes formatés pour un public occidental en quête d’exotisme facile, saupoudrés de clichés orientalistes et de considérations pseudo-sociologiques aussi creuses que ses analyses politiques.
L’homme est devenu un exemple parfait de versatilité intellectuelle, capable de retourner sa veste avec une agilité qui ferait pâlir d’envie les plus grands acrobates. Il incarne non pas la figure respectable de la personne contrainte de se vendre par nécessité, mais celle, bien plus méprisable, de l’opportuniste qui accumule les compromissions avec délectation. Tel un participant consentant à une séance de soumission collective, il compte ses gains tout en multipliant les courbettes.
Ses apparitions médiatiques, notamment dans Le Point, sont devenues le théâtre d’un spectacle navrant où l’ancien opposant récite docilement la propagande officielle. Ses «analyses» des relations algéro-marocaines sont d’une partialité qui confine au ridicule, réduisant des décennies de complexité historique à des slogans dignes d’un tract de propagande.
Cette métamorphose de l’intellectuel critique en courtisan servile pose une question fondamentale : à quel moment la compromission devient-elle trahison ? Ben Jelloun semble avoir franchi cette ligne depuis longtemps, transformant son capital intellectuel en monnaie d’échange pour des privilèges de cour. Il est devenu l’archétype de ces intellectuels qui confondent notoriété et légitimité, multipliant les interventions aussi tapageuses que vides de substance.
Son cas est d’autant plus pathétique qu’il continue de se draper dans les oripeaux de l’intellectuel engagé, tout en servant de caution culturelle à un système qu’il prétendait combattre. Cette posture de faux résistant devenu vrai collaborateur fait de lui non pas un simple opportuniste, mais un exemple parfait de cette intelligentsia qui a abandonné toute exigence de vérité pour devenir le porte-voix complaisant du pouvoir.
En définitive, Tahar Ben Jelloun représente le parfait exemple de ces intellectuels qui ont choisi le confort de la soumission plutôt que les risques de la pensée critique. Sa trajectoire est celle d’un naufrage moral et intellectuel, où chaque nouvelle intervention médiatique ne fait que confirmer la profondeur de sa chute.
M. E.-M.
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