Le paon déplumé
Par Mohamed El-Maadi – Dans la galerie des fossiles diplomatiques, Xavier Driencourt occupe une place de choix, celle du spécimen le plus remarquable d’une espèce que l’on croyait pourtant éteinte : l’ambassadeur revanchard, transformé en chroniqueur de bas étage. Tel un paon déplumé paradant dans une basse-cour désertée, il persiste à étaler une suffisance qui n’a d’égale que la vacuité de ses propos.
Sa «lecture» du monde, si tant est qu’on puisse qualifier ainsi son exercice de perroquet mal inspiré, se limite à une collection pathétique de pamphlets anti-algériens, soigneusement sélectionnés pour nourrir sa bile quotidienne. On pourrait presque le plaindre si son acharnement n’était pas si grotesque. Les vrais observateurs internationaux parcourent le monde, analysent, confrontent leurs sources ; lui se contente de recycler des poncifs éculés, comme un DJ malhabile mixant toujours le même disque rayé.
L’homme a fait de sa retraite diplomatique un festival permanent d’aigreur, transformant chacune de ses interventions en un spectacle navrant de ressentiment mal digéré. Ses sorties médiatiques ressemblent à ces crises de nerfs d’adolescent attardé : beaucoup de bruit, une gestuelle excessive, mais un contenu intellectuel proche du néant absolu. Le plus consternant dans cette mascarade n’est pas tant la pauvreté de l’analyse que l’obstination maladive avec laquelle il persiste à jouer les Cassandre de pacotille.
Sa fixation sur l’Algérie évoque ces amoureux éconduits qui, ne pouvant accepter le rejet, se transforment en harceleurs pathétiques. Chaque nouvelle sortie médiatique est plus affligeante que la précédente, comme si la retraite, au lieu d’apporter la sagesse, avait exacerbé ses travers les plus consternants. Il gesticule, vocifère, multiplie les analyses bancales avec l’énergie du désespoir d’un homme qui sait que sa pertinence, si tant est qu’il en ait jamais eu, s’est évaporée comme rosée au soleil.
Le plus pitoyable dans ce spectacle désolant est sans doute sa tentative de se réinventer en commentateur «éclairé». Quelle ironie pour un homme qui, durant sa carrière, comptait probablement les jours jusqu’à sa retraite comme un prisonnier biffe les dates sur le mur de sa cellule ! Le voilà maintenant incapable de profiter d’un repos immérité, s’agitant comme un pantin désarticulé sur la scène médiatique, débitant ses analyses préfabriquées avec la conviction forcée d’un vendeur de foire.
Sa rhétorique, aussi prévisible qu’un mauvais feuilleton de fin d’après-midi, tourne invariablement autour des mêmes thèmes éculés : «militaires», «oligarques», ces mots qu’il manie comme des formules magiques censées donner du poids à ses élucubrations. Mais derrière ce vocabulaire pseudo-analytique se cache un vide abyssal, une absence totale de compréhension des réalités complexes qu’il prétend décrypter.
Le cas Driencourt illustre parfaitement ce phénomène inquiétant de diplomates reconvertis en commentateurs toxiques, incapables de s’extraire de leurs préjugés et de leurs rancœurs. Son nom même, qui sonne comme une défaite mal assumée, semble prédestiné à incarner cette figure du diplomate déchu, réduit à monnayer sa bile dans des cercles toujours plus restreints d’auditeurs complaisants.
A l’heure où la diplomatie internationale nécessiterait plus que jamais des analyses fines et nuancées, Driencourt persiste dans son rôle de Cassandre au petit pied, multipliant les prophéties apocalyptiques avec la régularité d’un métronome déréglé. Son cas devrait servir d’étude dans les écoles diplomatiques : comment ne pas terminer sa carrière, ou l’art de transformer une retraite dorée en exercice public d’auto-humiliation.
Mais peut-être faut-il voir dans cette agitation permanente la manifestation d’une forme de désespoir existentiel : celui d’un homme qui, ayant perdu son statut et son influence, tente désespérément de se maintenir sous les projecteurs en jouant les Docteur Tant-Pis de la géopolitique. Un spectacle aussi affligeant que révélateur de la vacuité intellectuelle qui peut se cacher derrière les plus beaux costumes de la République.
M. E.-M.
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