Les médias français se repaissent de tueries pour se livrer à l’amalgame islam-terrorisme
Une contribution de Khider Mesloub – Le 1er janvier 2025, à quelques heures d’intervalle, deux horribles tueries de masse ont été perpétrées dans deux pays différents. La première aux Etats-Unis, à La Nouvelle-Orléans. La seconde, en Europe, au Monténégro. La première tuerie a provoqué la mort de 15 personnes. La seconde a fait 12 victimes. Les auteurs de ces deux massacres de masse sont tous les deux des hommes. Ils ont quasiment le même âge, respectivement 42 ans et 45 ans. L’un est américain, dénommé Shamsud-Din Jabbar, converti à l’islam. L’autre, appelé Aleksandar Martinovic, de confession chrétienne.
Ce Monténégrin armé a ouvert le feu dans un restaurant ce mercredi 1er janvier, tuant au moins 12 personnes, dont deux enfants, et en a blessé plusieurs autres, avant de se suicider d’une balle dans la tête, alors qu’il était cerné par la police. Selon une source médiatique monténégrine, il s’agit de l’une des tueries les plus meurtrières de l’histoire de ce petit pays des Balkans. Cette fusillade inédite, qui plus est commise en Europe, au Monténégro, par le nombre de personnes tuées, méritait un traitement exceptionnel par les médias français. L’ensemble des médias français l’ont à peine évoquée.
En revanche, la tuerie de La Nouvelle-Orléans a été abondamment relayée et traitée par les médias français. Pourtant, dans ce pays où les massacres de masse sont un sport national et un spectacle ordinaire, cette tuerie n’avait rien d’exceptionnel. Il s’agirait probablement de la cinq millième, voire dix millième tuerie de masse en quatre décennies. Depuis plus de quarante ans, il y a eu tant de tueries aux Etats-Unis qu’on n’en connaît pas le nombre exact.
La tuerie de masse de La Nouvelle-Orléans, aussi horrible soit-elle, est malheureusement loin d’être un cas unique au pays de l’Oncle Sam. Aux Etats-Unis, il ne se passe pas un jour sans une tuerie de masse.
Dans ce pays connu pour son ultra-violence et la liberté de circulation des armes, n’importe quel citoyen américain déséquilibré peut commettre un carnage. Certains, pour marquer l’opinion et défrayer la chronique, n’hésitent pas à revendiquer leur appartenance à un mouvement islamiste, de préférence classé terroriste. Et, pour donner de la crédibilité à leur affiliation supposée à l’islamisme, d’affirmer commettre leur crime pour «punir les pays occidentaux pour leur mécréance et leurs guerres antimusulmanes».
Sur ce chapitre des massacres de masse, l’extrême-droite américaine est responsable de plus de tuerie qu’Al-Qaïda ou Daech. Pire, aux Etats-Unis, les homicides individuels font infiniment plus de victimes que le terrorisme islamiste.
Sans nous étonner, tant nous y sommes habitués, à chaque tuerie commise par un citoyen américain ou français de confession musulmane, les médias et les dirigeants politiques occidentaux ne manquent jamais l’occasion d’établir, aussitôt, l’amalgame entre terrorisme et islam. D’aucuns, notamment les dirigeants français d’extrême-droite, n’hésitent pas, par leur amalgame encore plus ignominieux, soit à ranger tous les musulmans dans le camp des terroristes, soit à les accuser de complicité implicite.
Or, les populations musulmanes sont les premières et principales victimes du terrorisme islamiste.
Pour autant, depuis la tuerie de La Nouvelle-Orléans, tous les médias français se sont focalisés sur ce spectacle meurtrier ordinaire américain. En effet, depuis trois jours, toutes les chaînes d’information en continu (BFMTV, CNews, LCI, France Info) consacrent l’essentiel de leurs piètres informations et de leurs conversations du Café du commerce à la tuerie de la Louisiane.
Pour quel motif ces chaînes de télévision, comme la presse écrite française, braquent-elles leurs projecteurs sur cette tuerie commise à La Nouvelle-Orléans ? Est-ce parce que cette ville avait appartenu jusqu’à 1803 à la France ? Certainement pas.
La focalisation des médias sur ce fait divers meurtrier s’explique, en vérité, par le patronyme et la confession de l’auteur du massacre de masse.
Le meurtrier américain, Shamsud-Din Bahar Jabbar, né au Texas, de nationalité américaine, est un ancien militaire devenu agent immobilier, converti à l’islam. Du seul fait que l’auteur de la tuerie porte un nom à consonance arabe et est musulman, les médias français ont, comme d’ordinaire, décidé de focaliser l’actualité sur cette tuerie pour se livrer à leur habituel amalgame entre islam et terrorisme. D’aucuns n’ont pas hésité à accuser la religion musulmane d’être la source du terrorisme.
De manière générale, en France, l’instrumentalisation politique du terrorisme vise tout à la fois à alimenter le racisme antimusulman par l’amalgame établi entre islam et terrorisme, et à détourner la colère sociale et la haine des politiques (qui ne manquent pas en ce moment en France) vers une seule communauté : les Français et immigrés de confession musulmane. Cette instrumentalisation permet, surtout, de diviser les travailleurs et les milieux populaires entre «bon Français de souche», laïcs et chrétiens confondus, et les Français et immigrés de confession musulmane.
K. M.
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