Pourquoi le Makhzen incarne le régime le plus cynique de l’histoire du Maghreb
Par Mohamed El-Maadi – La monarchie marocaine, dont les origines remontent à une bande de pillards organisés, représente l’un des systèmes les plus cyniques de l’histoire nord-africaine. Le Makhzen, initialement constitué de bandes armées pratiquant le racket systématique des tribus, s’est progressivement institutionnalisé tout en conservant sa nature prédatrice fondamentale.
Cette organisation primitive opérait selon un schéma simple mais redoutable : des razzias violentes étaient menées contre les tribus, les plaçant devant un choix cornélien – soit se soumettre à un «impôt» régulier, forme légalisée d’extorsion, soit continuer à subir des pillages dévastateurs. Cette pratique du brigandage institutionnalisé s’est peu à peu parée d’une légitimité religieuse de façade, le chef des pillards se transformant en «commandeur des croyants», instrumentalisant ainsi l’Islam pour justifier ses exactions.
C’est dans ce contexte historique que s’inscrit la trahison infâme dont fut victime l’Emir Abdelkader, figure noble et respectée, poète et guerrier guidé par des principes moraux élevés. Alors qu’il menait une résistance héroïque contre l’occupation française, l’Emir fut victime de la duplicité caractéristique du Makhzen.
Le sultan marocain, tout en proclamant publiquement son soutien au nom d’une prétendue fraternité islamique, négociait secrètement avec les autorités françaises, prêt à sacrifier l’Emir pour des avantages matériels.
La perfidie atteignit son paroxysme avec l’assassinat du secrétaire particulier de l’Emir Abdelkader, empoisonné lors d’une mission diplomatique au Maroc. Ce meurtre prémédité illustre parfaitement les méthodes sournoises du Makhzen : l’empoisonnement, signature des cours maghrébines, permettait d’éliminer les gêneurs tout en maintenant l’apparence de la cordialité diplomatique.
La «modernisation» du système sous le maréchal Lyautey n’a fait que bureaucratiser cette structure de prédation, créant une cour où l’opportunisme et la servilité sont devenus des vertus cardinales. Le maréchal, fervent royaliste, a transposé au Maroc sa passion pour la monarchie française, mais en préservant les mécanismes d’exploitation et de violence inhérents au système makhzénien.
Cette généalogie violente explique la persistance de certaines caractéristiques du pouvoir marocain : la brutalité dans l’exercice de l’autorité, l’absence de notion de service public, la conception du pouvoir comme droit au pillage et l’utilisation constante de la menace comme outil de gouvernance.
La seule véritable idéologie de cette dynastie alaouite reste l’accumulation des richesses et la jouissance des biens matériels.
Le contraste est saisissant entre l’Emir Abdelkader, incarnation de la noblesse authentique et des valeurs chevaleresques, et ce système politique basé sur la rapine et la duplicité. La trahison dont il fut victime n’était pas un simple accident de l’histoire, mais la manifestation naturelle d’un système dont la traîtrise et la violence constituent l’ADN même.
Cette cour marocaine, à l’image de celles du XVIIe siècle, regorge d’opportunistes, de laquais serviles et de bouffons de service, mais se distingue par sa propension à «sortir la hache» à la moindre occasion. Le Makhzen moderne conserve ainsi les réflexes de ses origines de pillards royaux, maintenant un système où la prédation économique et la répression violente demeurent les principaux outils de gouvernance.
L’épisode de la trahison de l’Emir Abdelkader reste emblématique de cette politique opportuniste où la «fraternité islamique» n’est qu’un voile hypocrite masquant la poursuite d’intérêts matériels immédiats. L’assassinat de son secrétaire par empoisonnement illustre la permanence des méthodes sournoises et létales dans l’arsenal politique du Makhzen.
Cette histoire de trahison et de violence continue de marquer profondément les relations entre les peuples du Maghreb, créant des cicatrices durables et nourrissant une méfiance légitime envers un système qui, malgré son vernis moderne, reste fondamentalement ancré dans ses origines de prédation organisée.
M. E.-M.
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