Donald Trump : quand le bizness-spectacle sert de masque aux objectifs géopolitiques

Donald Trump
Donald Trump. D. R.

Une contribution d’Ali Akika – Après avoir loué les mérites et le génie de Trump avec son slogan «la paix par la force», les «experts» le peignent aujourd’hui comme un éléphant dans la pièce. Au lieu de tenter de décrypter sa stratégie et les objectifs de l’Etat qu’il préside, nos «spécialistes» se satisfont de métaphore comme les apprentis écrivains usent et abusent d’oxymores. Mettons toutes les cartes sur table, connues ou secrètes des Etats-Unis, qui expliquent et motivent les bouleversements stratégiques que l’on voit se dérouler à ciel ouvert. Ainsi, tout le monde sait aujourd’hui que les Etats-Unis veulent demeurer les gendarmes du monde. On sait aussi que les seules puissances montantes après la Seconde Guerre mondiale sont la Russie et la Chine. Le premier réflexe de l’Oncle Sam fut de profiter des divergences idéologiques entre ces deux pays à l’époque communistes, pour les diviser.

Le président Nixon envoya en 1971 le rusé Kissinger pour préparer son voyage en Chine en 1972, qui, en définitive, fut plus «rentable» pour la Chine. Zhou Enlai, fin diplomate d’une grande culture, fit reconnaître par les Etats-Unis Taïwan comme territoire chinois et fit entrer son pays au Conseil de sécurité de l’ONU. En 2022, avec la guerre en Ukraine, les Etats-Unis tentèrent une nouvelle fois de créer des bisbilles entre la Russie et la Chine. Les habituels «perroquets» avaient misé sur la démarche de Joe Biden pour réaliser leur rêve, en oubliant simplement l’histoire et la géographie qui unissent la Chine et la Russie. Echec de Biden d’éloigner la Chine de la Russe ! L’Etat profond américain connu pour son sens du pragmatisme changea alors de fusil d’épaule. Car d’autres obstacles venaient de s’ajouter à la puissante amitié relationnelle russo-chinoise. Les BRICS étaient entrés d’une façon fracassante sur la scène internationale, à la fois économiquement, mais aussi sur le plan financier, menaçant la domination du dollar – lire mes articles sur les menaces de taxer de 100% les BRICS qui n’utiliseraient pas le dollar dans leurs transactions commerciales.

Coincé entre les dangers d’une guerre nucléaire qu’ils ne peuvent pas gagner et la compétition économique et scientifique de nouveaux rivaux, Chine, Inde et Russie, l’Oncle Sam va tourner son regard vers deux régions où il possède des atouts à faire valoir. C’est évidemment l’Ukraine qu’il va sortir de sa manche. Depuis que l’avenir des Etats-Unis se joue dans le Pacifique, l’Europe n’est plus aux yeux des Américains qu’un vaste marché de consommateurs riches. Il faut dire que, dès le départ, les Etats-Unis étaient contre la construction européenne, un nouveau rival économique et, à défaut de s’y opposer, ils ont essayé de la contrôler par le biais de la perfide Albion, la Grande-Bretagne. Avec la sortie du Brexit, l’Oncle Sam choisit l’Allemagne comme cheval de Troie pour affaiblir l’Europe et la rendre toujours dépendante. Le dynamitage de gazoduc Russie-Allemagne a permis aux Etats-Unis de faire coup double. Obliger l’Allemagne d’acheter le gaz américain deux fois plus cher et de l’inciter à délocaliser sa puissante industrie aux Etats-Unis pour bénéficier du prix du gaz américain très peu cher aux Etats-Unis. Et le «généreux» Trump ne fera pas payer les taxes de douane aux produits allemands des usines installées aux Etats-Unis.

Après cette liste des raisons historiques, politiques, économiques et géostratégiques qui sont à l’origine de la tempête et du chaos créés par Trump, il n’est pas inutile de dessiner la nature de la riposte de l’Oncle Sam pour sauver son dollar et sa puissance économique. A vrai dire, en jetant un coup d’œil sur les pays du Vieux Continent, on comprend l’origine de leur développement et puissance. L’Europe, lieu de naissance du capitalisme et héritière des sciences d’ailleurs (boussole, poudre, parchemin, médecine) mais dépourvue de matières premières, s’aventura dans des continents inconnus par-delà les mers et les océans pour s’approvisionner et garder jalousement les routes maritimes de la circulation des marchandises. De nos jours, les Etats-Unis, bien que possédant un sous-sol riche en tous minerais, tente de faire ce qu’a fait la vieille Europe. Mais comme Trump est un homme «civilisé», il ne veut pas conquérir par la force. Il se contente d’acheter même des pays ou de leur faire «honneur» en les ajoutant au drapeau étoilé américain.

Les menaces de sanctions économiques et financières sont appelées à briser les récalcitrants. Comme ni la politique de la carotte ni celle du bâton n’a de prise sur Poutine, il préfère l’inviter à le rencontrer en Arabie Saoudite et, plus tard, il projette d’inviter Xi Jinping à se joindre au duo russo-saoudien. Un conclave Russie, Etats-Unis, Arabie Saoudite et Chine, trois plus grands producteurs de pétrole et la Chine, grand consommatrice de pétrole, a un goût de «coexistence pacifique» qui fait «oublier» la lutte des classes. Pas si vite. Ce conclave ressemble plutôt à la réunion de Yalta en 1945, sans la présence de Churchill, dont le pays colonisa la Chine. La Chine devenue deuxième puissance économique s’assoit de nos jours à la place de l’Angleterre. Pied de nez de la sacrée histoire qui n’a pas la mémoire courte et se rappelle au souvenir des conquérants d’hier. Ainsi, aujourd’hui, ce ne sont pas les vieux pays adversaires de l’Oncle Sam qui sont «menacés» par Trump, mais des pays du monde «civilisé», Canada, Groenland, Ukraine, des endroits gorgés de richesses du sous-sol et non loin des routes maritimes, notamment celles de l’Arctique où la Russie et la Chine sont présentes.

Coller aux baskets et surveiller ces deux puissances rivales, tel est l’objectif des Etats-Unis. L’impérialisme américain n’est donc pas mort ; il s’adapte aux nouvelles réalités du monde. En revanche, il traite mal ses amis et alliés, et nos «spécialistes» ont bien été obligés d’utiliser le mot «impérialisme» qui ne fait pas partie de leur lexique habituel.

S’agissant de Gaza en Palestine, Trump convoite ce territoire pour faire du bizness avec les riches clients de sa Riviera-mirage, mais surtout pour étancher éventuellement sa soif de gaz et de pétrole gisant dans la mer de Gaza. Et, enfin, les Etats-Unis s’installant dans leur fantasme à Gaza, paieront Netanyahou avec les bombes capables de percer les montagnes iraniennes pour concrétiser son rêve, empêcher ce pays de vielle civilisation d’avoir sa bombe atomique. Sauf que Netanyahou peut toujours rêver car cette région se prête certes aux miracles et mirages dans le désert, mais surtout a fait déguerpir les Croisades et fascina Napoléon, grand stratège devant l’Eternel.

J’arrête là cette parenthèse de Gaza, qui mérite qu’on lui consacre un article conséquent, d’autant que les féodaux des pays arabes semblent découvrir qu’ils sont dans le viseur de Netanyahou. L’allusion de ce dernier à construire et déplacer un Etat palestinien en Arabie Saoudite est à prendre au sérieux. N’oublions pas qu’avec le projet Balfour, on se contenta d’un foyer juif en Palestine. Aujourd’hui, c’est toute la Palestine qui est menacée sans parler des terres du Liban et de la Syrie. Les accords d’Abraham ont été ourdis pour neutraliser les pays de la région et protéger Israël.

Pour conclure, un mot sur la notion de transaction commerciale chère à Trump. Dans les médias, du spécialiste galonné jusqu’au journaliste frais et moulu, on a l’impression que ce beau monde a adopté et élu cette technique de négociation de Trump au rang de l’art de guerre d’un Sun Tzu ou d’un Carl Von Clausewitz. Ce beau monde oublie simplement que Trump agit sur le terrain de la politique en écoutant les stratèges de l’Etat profond et Trump est chargé d’enrober et de vendre ses objectifs en usant des techniques du show télévisé qui fut le premier métier de Trump. Ce beau monde s’est emparé d’un mantra, un lieu commun de la société de spectacle pour éviter d’aborder les réalités de l’histoire et les rapports de force qui en découle.

Il faut dire que leurs notions teintées de psychologie de bazar nourrissent un «sentiment d’hostilité» à l’encontre de Trump depuis que ce dernier tourne le dos à l’Europe et veut imposer la paix à l’Ukraine à coups de dollars. Adieu donc veaux, vaches et «paix par la force» imposée à Poutine. Hélas pour ces spécialistes, il aurait mieux fallu pour eux de prendre en compte en temps de guerre la notion «l’intention hostile» qui a la préférence de Car Von Clausewitz (1), un jeune officier autrichien qui combattit Napoléon.

Un dernier mot. Trump se permet de menacer de l’enfer les Palestiniens encerclés dans un bout de terre, d’aider Zelenski en contrepartie de l’accaparement de terres rares, une façon de récupérer les centaines de milliards de dollar investis en Ukraine en matériel de guerre. Face à Kim Jong Un, il y a 4 ans, point de menace et beaucoup de mots gentils, louant l’intelligence du dirigeant nord-coréen. Même comportement de Trump avec Poutine et Xi Jinping. Cette différence de traitement n’est point un hasard, évidemment !

Il est temps que les faiseurs d’opinion se rendent compte que le monde change et que leurs outils d’analyse sont hors sol, parce que leur «dialectique» marche sur la tête, comme dirait un grand philosophe.

A. A.

1) Le sentiment d’hostilité ressemble étrangement au sentiment de l’insécurité devenu une mode en Occident. Le sentiment d’insécurité est par nature subjectif car créé souvent par la peur. Clausewitz le rejette dans le cas de la guerre et lui préfère l’intention hostile car il s’agit de deviner, de cerner l’intention de l’ennemi pour s’éviter toute surprise.

Comment (9)

    Captain
    18 février 2025 - 20 h 20 min

    Merci pour cette contribution fort intéressante.
    Le but des faiseurs d’opinion est de faire et défaire les opinions suivant des schémas de pensée propre à leur maître à penser qui sont sionistes, ceux là même qui les rémunèrent grassement. Leur cadre de lecture restreint le champ de pensée à la doxa sioniste. Hegel et Marx qui ont proposé des systèmes philosophiques cohérents ne restent que des philosophes, certes plaisant à lire pour un esprit cultivés mais néanmoins dépassés, ce ne sont pas des prophètes.
    Je suis d’accord avec vous lorsque vous affirmez que Trump n’est qu’un pantin entre les mains de l’Etat Profond. En effet, Trump ne fait qu’enrober une politique définie à l’avance par les stratèges de l’Etat profond. La vraie question est qui est derrière cet Etat Profond. C’est l’entité sioniste génocidaire.
    Par la voie de Trump, les sionistes estiment qu’ils ont assez dérangé la démographie des Nations Européennes, qui ne sont donc plus des Nations mais des mixtures de peuplades du monde entier dans lesquelles les Juifs peuvent être comme un poisson dans l’eau. Leur but est la domination mondiale : il suffit de lire les Protocoles de leurs Sages machiavéliques (vrai-faux là n’est pas la question).
    Ils considèrent la Chine est leur plus grande menace. De quoi ont-ils maintenant besoin ? d’une armée européenne pour les aider à faire remporter la guerre qu’ils préparent contre la Chine.
    Pour les pousser à se ré-armer et à justifier la pauvreté qui en découle aux yeux de leurs peuples mixées, il leur faillait un prétexte. Ils ont donc abattu la carte de l’Ukraine pour créer un danger russe qui menacerait les capitales européennes.
    Zelinsky, un Juif sanguinaire qui aura été à l’origine du massacre de ses troupes par une puissante Russie voisine certes paternaliste a parfaitement joué sa partition.
    Les USA croient pouvoir pivoter vers l’Asie pour s’occuper de la Chine, sauf que voilà la Palestine n’a pas encore dit son dernier mot et risque d’entrainer les USA dans une nouvelle guerre dont ils ne sont toujours pas prêt de ressortir. La Chine doit donc soutenir les pays du Moyen-Orient à se défendre contre l’axe sioniste.
    L’Algérie ne peut tirer son épingle du jeu uniquement si elle met un terme au népotisme qui absorbe et calcifie toutes les énergies intérieures.

    Je vous invite à lire cet important article de Laurent Guyénot et dépasser Marx.

    https://www.egaliteetreconciliation.fr/Le-pansionisme-machiavelique-de-Leo-Strauss-une-cle-pour-comprendre-le-11-Septembre-65575.html

    Anatole France
    18 février 2025 - 1 h 18 min

    Business is business
    Business as usual

    Anonyme
    16 février 2025 - 18 h 30 min

    Analyse Lucide fondée sur des Faits et des Déclarations irréfragables des Acteurs du « Cirque Géopolitique » qui se déroule sous nos yeux . Cirque que n ont pas voulu et ne veulent pas voir des «  Analystes et Zexperts de Comptoirs » , notamment chez Fafa , accrochés qu ils sont à leur SUFFISANCE Zzzzintellectuelle nourrie d un Racisme latent les enfonçant dans une Inculture Crasse consubstantielle à une Ignorance tout aussi Crasse de tout ce qui n est pas «  Blanc de chez P’tit Blanc » .
    La Médiocrité associée à une SOUMISSION sans pareil à la Secte Zelue des « Dirigeants-Dirigés » de France , d Allemagne , d Angleterre , a tôt fait de semer le Chaos dans leur Société et c’est …..tant mieux pour voir émerger une Élite qui fera barrage à la Fachosphere qui a le vent en Poupe des 2 cotes de l Atlantique ……

    Lee Chung
    16 février 2025 - 18 h 00 min

    Les Européens achètent toujours 10 milliards d’euros de gaz russe par an et les Etats Unis sont assez puissants pour gagner une guerre ( même nucléaire). Trump vient de mettre sur la touche l’Europe dans le dossier ukrainien et il a raison. C’est grâce aux soldats américains et aux milliards du plan Marshall que l’Europe s’est relevée. Quant à ce que raconte Netanyahou c’est juste du bluff

    Eh oui …
    16 février 2025 - 14 h 50 min

    Ah les 😹 quels Boulets ces Européens !!’
    .
    – BIDEN détruit NORTHSTREAM et casse l’Industrie ALLEMANDE
    – BIDEN fait PAYER leurs LÂCHETÉ dans les ACcords de MINSK aux Européens

    – TRUMP soumet l’EUROPE VASSALE
    – TRUMP se retire de l’OTAN et laisse l’EUROPE seule face à POUTINE
    – TRUMP vend son GNL
    – TRUMP prend les TERRES RARES de l’UKRAINE
    – L’ARABIE SAOUDITE prend les TERRES AGRICOLES de l’UKRAINE
    – POUTINE garde les OBLASTS et refait YALTA

    Abou Stroff
    16 février 2025 - 13 h 53 min

    « Donald Trump : quand le bizness-spectacle sert de masque aux objectifs géopolitiques » titre A. A..

    comme à son habitude, A. A. ne laisse rien, absolument rien, aux commentateurs habituels de AP.

    je me contente donc de féliciter A. A. pour sa brillante analyse, bien que je ne sois pas d’accord avec lui sur un seul point.

    en effet, lorsqu’il affirme: « Il est temps que les faiseurs d’opinion se rendent compte que le monde change et que leurs outils d’analyse sont hors sol, parce que leur «dialectique» marche sur la tête, comme dirait un grand philosophe », il surestime les dits faiseurs d’opinion (que nous pouvons observer, sur les chaines de télés françaises, notamment) qui ne sont, en fin de compte, que de piètres idéologues d’un monde ancien (i. e. le monde ancien dominé par la puissance yankee, qui ne veut pas mourir) et dont le raisonnement « biscornu », ridicule et tout à fait stérile rappelle tout (l’onanisme faisant partie de ce tout) sauf la dialectique de ………………………… Hegel.*

    * rappel: malgré sa dialectique qui reposait sur sa tête, Hegel était reconnu par Marx comme un grand penseur.

      akika
      17 février 2025 - 11 h 19 min

      à Abou Stroff.
      Bonjour Abou Stroff.
      Vous avez bien fait de rappeler que Hegel est un monument de la philosophie. Quand Marx ‘’conseille’’ de faire marcher la dialectique sur ses pieds, c’est une façon de nous dire que la science progresse en se basant sur les découvres des œuvres précédentes de l’humanité. J’apprécie souvent vos remarques.Continuer à apporter des précisions pour enrichir les débats. Du reste, je réponds toujours à des électeurs qui dénichent ou sentent une imprécision dans un article de politique internationale et notamment sur la Palestine.

        Abou Stroff
        17 février 2025 - 14 h 32 min

        bonjour, Mister A. Akika!

        remercions AP de nous donner l’opportunité de présenter nos idées et d’aller, souvent, à contre courant de la bien pensance dominante (d’ici, en Algérie et d’ailleurs) qui nous « enfume » avec de la propagande puérile qui ne s’adresse qu’à des niais confirmés, propagande qui nous agresse via les médias mainstream d’ici ou d’alleurs.

        Ceci étant dit, concernant la stratégie de Trump à l’international, je pense que ce dernier est angoissé par la montée en puissance de la Chine et pour éviter qu’un rapprochement* préjudiciable aux intérêts yankees entre la Chine et la Russie ait lieu, trump va faire des concessions substantielles à cette dernière, en ce qui concerne la question de l’ukraine.
        En outre, je pense que l’europe est finie en tant qu’acteur au niveau international, d’où la necessaité pour les dirigeants algériens de prendre en compte cette donnée irréfragable.

        PS: merci pour vos excellentes contributions qui ébranlent les « certitudes » de beaucoup de soi disant penseurs en vogue, ici en Algérie et ailleurs.

        * la même angoisse doit être présente concernant un rapprochement entre l’Allemagne et le Russie, d’où, entre autres les destruction du gazoduc Nord Stream.

    Dr Kelso
    16 février 2025 - 11 h 12 min

    Excellente contribution.
    FREE PALESTINE
    FREE GEORGES IBRAHIM ABDALLAH

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