«Hasbara» sous licence : le Makhzen antenne des officines israéliennes de guerre de l’information

Maroc Israël
La propagande maroczaine est conçue dans les officines israéliennes. D. R.

Cet article s’inspire d’un autre qui éclaire la nature du Makhzen. L’auteur y développe brillamment la thèse de la «monarchie des Cassandres», décrivant comment le régime de Rabat multiplie les prophéties de malheur et les mises en garde apocalyptiques pour justifier sa mainmise sur le Sahara Occidental. Cette lecture est particulièrement instructive, non seulement pour comprendre la nature anthropo-politique du Maroc alaouite, mais aussi pour saisir les rouages des mécanismes de domination néocoloniale à tendance sionisante. Nous allons, ici, compléter cette analyse en mettant en lumière un élément fondamental : les agitations «cassandriennes» du Makhzen ne sont pas le fruit d’une stratégie propre, mais sont largement dictées en sous-main par l’entité sioniste. Elles s’inscrivent dans la guerre 2.0 ; une doctrine de guerre informationnelle que certains qualifieront de guerre hybride ou de guerre de 4e génération.

Autrement dit, le comportement du Makhzen ne relève pas d’une simple gesticulation politique opportuniste, mais fait partie intégrante d’une stratégie globale de manipulation et de mécanismes bien rodés. Ainsi, l’Algérie-bashing en France, l’instrumentalisation de l’islamisme ravageur des années 90, la construction artificielle du mythe d’un royaume alaouite millénaire, ou encore le pillage culturel du patrimoine algérien par cette «non-nation» qu’est le Maroc, ne sont que des partitions d’une même symphonie funeste, orchestrée selon des principes bien définis, que j’appelle les méthodes sionisantes». Cet article se veut une clé de lecture pour aider nos compatriotes à décoder l’actualité et ses enfumages, en leur fournissant des outils pour décrypter les dynamiques sous-jacentes.

Propagande sionisante : Rabat à l’école de l’infiltration cognitive

Le régime marocain se complaît à se présenter en Cassandre incomprise, prétendant avertir le monde du péril que représenteraient l’Algérie et le Front Polisario. Mais derrière cette posture grotesque se cache un appareil de propagande redoutablement efficace, dont les mécanismes ne sont pas nés à Rabat. Bien au contraire, les méthodes employées (manipulation de l’information, inversion accusatoire, diabolisation systématique de la cible) s’inspirent directement des stratégies éprouvées de l’entité sioniste en matière de guerre médiatique. Depuis des décennies, que dis-je, depuis des siècles, Tel-Aviv excelle dans l’art de travestir ses conflits politiques en croisades sécuritaires, présentant systématiquement ses ennemis comme des terroristes fanatiques ou des menaces existentielles pour la civilisation.

Pour le curieux, ces «méthodes sionisantes» remontent au XIXe siècle : il suffit d’examiner les grands titres de la presse mondiale (The Washington Post, The Times et consorts) et d’analyser le profil de leurs dirigeants. Un examen attentif de leur ligne éditoriale révèle un schéma constant mais négligé par les observateurs : alors que l’orientation politique de ces journaux évolue en fonction des circonstances et des intérêts du moment, et que l’industrie médiatique a subi de multiples révolutions, une seule constante demeure. Cette constante peut se résumer par la célèbre formule BHLienne : «C’est bon pour Israël». Cette constante dévoile un processus d’infiltration cognitive, visant à modeler la perception collective et à imposer un récit victimaire, où le sioniste est perpétuellement présenté comme opprimé, en danger, toujours en quête de légitimité. Très peu d’intellectuels ont perçu cela comme une véritable méthode de domination, un instrument stratégique façonnant les décisions des puissants et orientant les dynamiques géopolitiques à leur avantage.

Dans cette dynamique, la chute du mur de Berlin marque un tournant décisif. Avec l’hégémonie américaine, les forces sionistes ont réussi une OPA totale sur les Etats-Unis, transformant cette grande démocratie en une arme de destruction massive aux mains de psychopathes. Leur méthode ? Une infiltration cognitive minutieuse, destinée à gagner la confiance, susciter la sympathie et diaboliser aux yeux de l’Amérique tout ce qui contrarie leurs intérêts. L’effet de cette pratique est comparable à l’action d’un parasite, qui altère progressivement la psyché de son hôte, modifie sa perception du monde et lui impose un agenda qui n’est pas le sien. C’est ainsi que ces forces, sans Etat, sans nation, sans profondeur historique, ont pourtant réussi à dominer et à dénaturer de grandes nations.

Aujourd’hui, le Maroc applique cette même recette dans le dossier du Sahara Occidental. Chaque gesticulation du Makhzen porte la signature sioniste, tant les procédés utilisés rappellent la «hasbara». A une nuance près : alors que les premiers architectes du sionisme faisaient preuve d’une subtilité diaboliquement fine, leurs exécutants marocains, en serviteurs zélés mais décérébrés, ont troqué l’art du camouflage contre une grossièreté atavique.

Cette similitude n’a rien donc de fortuit. Rabat s’appuie désormais directement sur l’expertise sioniste pour affiner sa propagande. Une récente enquête espagnole a ainsi révélé l’existence d’une filiale de la société israélienne Team Jorge – un groupe privé spécialisé dans la manipulation et la désinformation en ligne – installée au Maroc, avec deux bureaux (l’un à Rabat, l’autre à Agadir) opérant «en collaboration directe» avec les services secrets marocains. Leur mission ? Espionner les voix dissidentes, collecter des données et diffuser des faux récits calibrés, notamment contre toute personne liée de près ou de loin à la cause sahraouie. Ce déploiement s’ajoute à d’autres apports logistiques made in Israel, comme le tristement célèbre logiciel espion Pegasus (créé par la firme israélienne NSO), dont le Maroc s’est servi pour surveiller journalistes, militants et responsables et parlements étrangers.

Autrement dit, le Makhzen est une antenne des officines israéliennes de guerre de l’information, disposant de moyens technologiques et médiatiques inouïs. Il en résulte une propagande aussi agressive qu’efficace, calquée sur les procédés de diabolisation utilisés ailleurs. Là où Israël accuse ses ennemis palestiniens d’utiliser des enfants comme boucliers humains ou d’être les marionnettes de l’Iran, le Maroc recycle exactement les mêmes éléments de langage, adaptant ce récit au contexte sahraoui et à son principal soutien, l’Algérie. Le décor change, mais la mécanique reste identique : il s’agit de fabriquer de toutes pièces une image monstrueuse de l’Algérie, de la discréditer aux yeux de l’Occident et, à terme, de la briser définitivement. Peu importe la cohérence ou la vérité des accusations : ce qui compte, c’est l’impact psychologique et politique.

Accusations à géométrie variable : du djihadisme aux enfants-soldats

Depuis un demi-siècle, Rabat adapte, en effet, ses accusations au gré des menaces qui obsèdent l’Occident à chaque époque, quitte à embrasser la contradiction la plus totale. L’histoire récente du conflit du Sahara Occidental offre un florilège de ces retournements opportunistes. Au lendemain du 11 septembre 2001, alors que la «guerre contre le terrorisme» s’impose comme priorité planétaire, la presse marocaine s’empresse de lier le Front Polisario au djihadisme d’Al-Qaïda. Une semaine à peine après les attentats, certains journaux de Rabat vont jusqu’à affirmer, sans ciller, qu’Oussama Ben Laden aurait visité les camps de réfugiés sahraouis à l’été 2001. L’accusation est tellement grotesque qu’elle restera confinée aux bas de page de quelques tabloïds, suscitant plus de rires que d’effroi. Qu’à cela ne tienne, dans les mois qui suivent, les autorités marocaines persistent et signent en orchestrant une campagne visant à «coller l’étiquette de mouvement terroriste» au Polisario. Le Makhzen ira même jusqu’à recruter les services d’un polémiste français d’extrême-droite, Aymeric Chauprade, pour tenter de donner du crédit académique à sa thèse d’une collusion Polisario-Al-Qaïda. L’objectif est clair : profiter du traumatisme du 11-Septembre pour transformer la lutte d’indépendance sahraouie en appendice du terrorisme international, et ainsi s’attirer la sympathie automatique de Washington et de ses alliés.

Quelques années plus tard, changement de décor et de diable à abattre. Au tournant des années 2010, l’obsession sécuritaire glisse du côté de l’Iran et de ses alliés chiites. Le discours officiel marocain recycle le script en vogue. En 2018, le ministre des Affaires étrangères, Nasser Bourita, annonce en grande pompe la rupture des relations diplomatiques avec l’Iran, accusant Téhéran et le Hezbollah libanais de former et d’armer le Front Polisario via l’ambassade d’Iran à Alger. Il prétend même que des missiles sol-air de type SA-9 et SA-11 ont été livrés en secret aux combattants sahraouis. Cette volte-face géopolitique, survenant alors que l’administration américaine de Donald Trump intensifie sa croisade contre l’influence iranienne, laisse perplexe plus d’un observateur. Où sont passés les islamistes sunnites d’hier ? Désormais, le Polisario serait un proxy chiite téléguidé par Téhéran. Par quel prodige le mouvement sahraoui aurait-il pu ainsi muter du marxisme-léninisme au khomeynisme, puis du salafisme «benladéniste» au chiisme du Hezbollah ? s’interrogeait ironiquement un chercheur dès 2004. Cette incohérence flagrante révèle ce que l’auteur appelait déjà «l’alchimie du mensonge» du Makhzen : une capacité à réinventer l’ennemi en fonction de l’air du temps, quitte à enchaîner sans rougir les accusations les plus contradictoires.

La dernière incarnation de cette stratégie caméléon se joue aujourd’hui sur le terrain sensible des droits de l’enfant. Depuis quelques années, Rabat brandit l’épouvantail des «enfants-soldats» pour émouvoir l’opinion internationale. En 2021, lors d’une session onusienne du Comité de décolonisation, l’ambassadeur marocain Omar Hilale a théâtralement exhibé des photos de jeunes Sahraouis en tenue militaire, en accusant l’Algérie et le Polisario de «former des enfants de 10 ans à tuer» dans les camps de réfugiés de Tindouf. Hilale va jusqu’à comparer ces adolescents à de futurs «terroristes, comme ceux de Daech», endoctrinés et entraînés pour commettre des atrocités. Le parallèle, aussi outrancier soit-il, vise une fois de plus à associer la cause sahraouie à l’horreur absolue du moment – en l’occurrence, la barbarie de Daech – afin de la disqualifier. Sauf que là encore, le storytelling ne résiste pas à l’analyse. Les fameuses photos brandies par le diplomate marocain provenaient des médias du Polisario eux-mêmes et montraient des mineurs participant à des défilés ou des colonies de vacances, sans preuve d’un enrôlement systématique de combattants enfants. Qu’importe : le récit des «enfants-soldats du Polisario» est désormais repris en boucle par la machine médiatique pro-Rabat, tout comme furent colportées en leur temps les fables du «Polisario qaïdiste» ou «agent du Hezbollah».

Ces variations successives soulignent l’incohérence patente de la propagande marocaine. Hier présenté comme une guérilla marxiste à la solde de Moscou, puis comme une milice islamiste affiliée à Ben Laden, aujourd’hui comme un repaire de bourreaux d’enfants, le Polisario a été affublé de toutes les tares possibles et imaginables au gré des nécessités du Palais. A force de crier au loup de manière changeante, la «monarchie des Cassandres» de Rabat finit par se décrédibiliser elle-même. Ses «prédictions» ne sont pas celles d’une Cassandre clairvoyante qu’on refuse d’écouter, mais plutôt celles d’un menteur compulsif qui pratique le précepte de son maître qui veut que plus le mensonge est gros, mieux il passera. Une stratégie de court terme qui trahit la tutelle idéologique sous laquelle se place cette officine néocoloniale.

Un agenda dicté par Israël et les puissances néocoloniales

Si les accusations du Maroc varient avec le temps, le fil conducteur, lui, reste constant : il s’agit toujours de coller à l’agenda de ses parrains étrangers. Rabat ne fait qu’exécuter les partitions écrites en coulisses par ses alliés stratégiques, l’entité en tête, avec l’appui des puissances occidentales héritières de l’ordre néocolonial. Chaque inflexion de langage du Makhzen correspond à une attente ou une faveur vis-à-vis de ces protecteurs. L’exemple de l’épisode Iran-Hezbollah est à cet égard emblématique. En rompant bruyamment avec Téhéran en 2018 et en agitant l’épouvantail du Hezbollah au Maghreb, le Maroc a, en réalité, apporté sa pierre à l’offensive géopolitique menée à ce moment-là par Washington, Tel-Aviv et Riyad contre l’axe Iran-Syrie-Hezbollah. D’ailleurs, le Hezbollah ne s’y est pas trompé : dans son démenti cinglant, le mouvement libanais a dénoncé une décision marocaine prise «sous pression américano-israélienne et saoudienne». Autrement dit, Rabat a obéi aux mots d’ordre de ses sponsors, quitte à couper les ponts avec l’Iran sans la moindre preuve solide à présenter.

Cette soumission aux desiderata des alliés s’est vue une nouvelle fois lors du marchandage diplomatique de 2020. Le 10 décembre de cette année-là, le président américain Donald Trump annonce la reconnaissance officielle par la Maison-Blanche de la «souveraineté marocaine» sur le Sahara Occidental, en échange de quoi le Maroc accepte de normaliser ses relations avec Israël. Le fameux «deal du siècle» version marocaine se fait donc sur le dos du peuple sahraoui : les droits de ce dernier à l’autodétermination sont bradés comme monnaie d’échange pour satisfaire l’agenda de l’administration Trump et de Netanyahou. La manœuvre consacre le rôle de tremplin régional que joue le Maroc pour Israël : en intégrant le royaume chérifien dans le giron des Accords d’Abraham, Tel-Aviv consolide son front anti-iranien et brise un peu plus l’isolement régional auquel il faisait face, tout en offrant à Rabat le lot de consolation d’un soutien américain sur le Sahara. Le véritable gagnant de l’opération n’est certainement pas le Maroc – encore moins la paix dans la région –, mais bien Israël, qui étend ainsi son influence géopolitique en Afrique du Nord grâce à un allié docile.

Parallèlement, le Maroc continue de bénéficier du soutien tacite d’anciennes puissances coloniales comme la France, toujours promptes à défendre le «plan d’autonomie» marocain à l’ONU ou à bloquer les résolutions contraires aux intérêts de Rabat. Paris, empêtré dans sa vision dépassée d’un Maroc «gendarme» du l’Afrique francophone, a longtemps fermé les yeux sur les dérives de la monarchie et maintenu une bienveillance diplomatique à son égard. Ce soutien inconditionnel de la France, ainsi que d’autres alliés occidentaux, fait partie intégrante de la stratégie néocoloniale et le rôle assigné à Rabat. Il permet au royaume de se sentir protégé sur la scène internationale malgré ses entorses au droit, et de se passer d’un réel compromis avec les Sahraouis.

Là encore, ce n’est pas tant le génie diplomatique marocain qui est en jeu qu’une certaine convergence d’intérêts avec des puissances néocoloniales soucieuses de conserver des positions d’influence. Le Maroc offre des bases militaires, des contrats alléchants et la promesse d’un «stabilisateur» dans une région stratégique. En échange, ses parrains ferment les yeux sur la répression au Sahara Occidental et entérinent de fait l’occupation. Une telle alliance de convenance explique que la propagande du Makhzen ait pu prospérer sans trop de contestation extérieure. Du moins, jusqu’à présent.

En conclusion, le récit interchangeable de cette non-nation obéit toujours à la même finalité de ses maîtres coloniaux : «Cassez cette Algérie que je ne saurais voir !»

Isoler le Maroc : les options pour l’Algérie

Face à cette dynamique malsaine où le Maroc sert de courroie de transmission aux agendas étrangers, quelle stratégie l’Algérie peut-elle adopter ? Comment contrer une propagande surpuissante adossée à Tel-Aviv, Washington et Paris ? La riposte passe d’abord par une remise à plat réaliste de la diplomatie algérienne, en jouant sans complexe la carte de la realpolitik. Il s’agit in fine de «démonétiser» l’utilité stratégique du Maroc aux yeux de ses sponsors, afin de l’isoler progressivement de leurs soutiens indéfectibles. Concrètement, Alger doit œuvrer pour rendre le soutien à Rabat moins avantageux, voire coûteux, pour des pays comme la France ou Israël, tout en se posant elle-même en partenaire alternatif fiable auprès des grandes puissances mondiales.

Avec Paris, Alger peut exploiter les multiples épisodes de félonie où l’entité alaouite a clairement pris parti pour l’entité sioniste. Alger dispose de leviers stratégiques pour encourager ce décrochage : sa position de principal fournisseur de gaz en Méditerranée occidentale et son rôle-clé dans la stabilité au Sahel la rendent incontournable pour les intérêts européens. En renforçant la coopération énergétique et sécuritaire avec la France et, plus largement, l’Europe, Alger peut inciter Paris à adopter une posture plus équilibrée sur la question du Sahara. Autrement dit, faire comprendre aux décideurs français que leur intérêt bien compris n’est plus de mettre tous leurs œufs dans le panier chérifien.

Cependant, le levier le plus puissant réside dans le dialogue avec la «vraie» France, celle des Français de la profondeur, ceux qui ont porté le mouvement des Gilets jaunes. Ce soulèvement n’est pas une simple révolte passagère, mais le précurseur d’une transformation profonde en devenir, annonçant l’émergence d’une France plus souveraine, en phase avec la vision algérienne. Parmi ces Français, nombreux sont ceux qui entretiennent un lien historique, culturel et parfois familial avec l’Algérie. Alger doit s’inspirer des fondateurs de la Révolution de libération, qui ont su transformer leur double culture algéro-française et leur connaissance intime de la société française en un véritable «butin de guerre». De la même manière que ces révolutionnaires ont exploité leurs liens profonds avec la France pour démanteler la domination coloniale de l’intérieur, l’Algérie d’aujourd’hui doit cultiver ses connexions avec cette France en mutation, pour bâtir une alliance dépassant les cercles du pouvoir et remettant en question les logiques néocoloniales.

Vis-à-vis d’Israël, l’exercice est plus délicat, étant donné la nature antinomique de cette entité avec l’ADN anticoloniale et souverainiste de l’Algérie. Néanmoins, l’Algérie peut s’attacher à neutraliser l’influence israélienne en œuvrant sur deux tableaux. D’une part, en continuant de dévoiler sur la scène internationale le rôle néfaste joué par Israël dans la déstabilisation du Maghreb – révélations sur Team Jorge, condamnation de la course aux armements encouragée par Tel-Aviv dans la région, etc. –, afin de discréditer le rapprochement maroco-israélien aux yeux de l’opinion publique arabo-africaine. D’autre part, en développant ses propres canaux de discussion pragmatiques avec Washington et certaines officines néocoloniales du Golfe, de sorte à court-circuiter l’exclusivité dont jouit le Maroc auprès du lobby pro-Israël. Car, au bout du compte, c’est à Washington que tout se joue pour la cause sahraouie : l’appui américain a permis à Rabat de marquer des points décisifs, et c’est en reprenant pied dans le jeu diplomatique à Washington que l’Algérie pourra espérer rebattre les cartes.

Alger a donc tout intérêt à développer une alliance constructive avec les Etats-Unis, sans renier ses principes mais en faisant valoir ses atouts stratégiques. L’administration Trump est ouverte à continuer et intensifier les échanges avec Alger, consciente du rôle de l’Algérie dans la stabilité régionale, la lutte antiterroriste au Sahel et l’approvisionnement énergétique de l’Europe. Mieux encore, Alger peut jouer sur la corde sensible de Trump : les affaires. C’est là une opportunité que l’Algérie doit saisir pour mieux défendre ses intérêts régionaux. En se positionnant comme un pilier de stabilité, un partenaire fiable et une opportunité pour le business américain, Alger peut progressivement réduire la dépendance de Washington vis-à-vis du duo Maroc-Israël. Par exemple, une coopération sécuritaire renforcée entre l’armée algérienne et l’AFRICOM (commandement américain en Afrique) sur les questions sahéliennes, ou un engagement algérien sur des dossiers internationaux aux côtés des Occidentaux, pourraient convaincre Washington de ne plus voir le Maroc comme son seul interlocuteur maghrébin de confiance. Il ne s’agit pas de troquer une tutelle contre une autre, mais de diversifier les partenariats pour que plus aucune puissance ne considère le soutien au Maroc comme irremplaçable ou indispensable.

En parallèle, l’Algérie doit continuer à mobiliser le droit international et les organisations multilatérales, domaines où elle conserve un net avantage moral sur le Maroc. La cause sahraouie reste inscrite à l’ONU comme une question de décolonisation non résolue, et la légalité internationale penche du côté du principe d’autodétermination. Alger, en tandem avec le Front Polisario, peut donc persévérer à délégitimer l’occupation marocaine dans les forums mondiaux, en exposant patiemment les faits et en démontant les mensonges propagés par le Makhzen. A terme, la vérité historique et juridique finit par reprendre ses droits – même face au meilleur des «spin doctors». L’important est de ne pas laisser le champ libre aux «Cassandres» de Mohammed VI et de contre-attaquer sur le terrain de la communication avec la même détermination qu’eux.

Enfin, chaque Algérienne et chaque Algérien doit se sentir concerné. Car, dans cette guerre 2.0, le soldat n’est plus un combattant armé et entraîné au maniement des armes à feu, et le champ de bataille ne se limite plus aux fronts traditionnels. L’ennemi aujourd’hui, c’est le mensonge, l’infiltration cognitive, la manipulation des esprits. Sa logistique ? Les médias, les think tanks, les relais d’influence pour assurer le service après-vente du récit dominant. Une guerre où les balles sont remplacées par les mots, où la propagande prend le pas sur les offensives militaires et où les perceptions, modelées dans l’ombre, ont plus d’impact que n’importe quel arsenal. L’antidote à cette guerre insidieuse ? L’éducation, la culture, l’esprit critique. S’armer de savoir, maîtriser l’art de la rhétorique pour démasquer les sophistes et déconstruire leurs stratagèmes. Occuper tous les terrains de communication, en particulier les réseaux sociaux, qui conservent encore une relative autonomie face aux narratifs des dominants. Car la véritable résistance ne se joue plus uniquement sur le terrain, mais dans les consciences, dans la bataille des idées, sur les plateformes numériques, dans les débats et face aux récits imposés.

En définitive, la «monarchie des Cassandres» de l’entité alaouite n’est qu’un colosse en carton, agité comme une marionnette par les qui on sait. Cette non-nation doit son existence à sa vassalité aux puissances néocoloniale. Sans ces puissances, elle retourna en poussière, comme la décrivait Lyautey avant de créer le Maroc alaouite. Déjouer ses manœuvres exige de l’Algérie un savant dosage de fermeté sur les principes et de souplesse dans les alliances. C’est en isolant progressivement le Maroc de ses parrains et en le privant de la rente stratégique que ceux-ci lui versent, qu’Alger réussira à faire tomber le masque de Cassandre derrière lequel se drape le Makhzen. La vérité, soutenue par des faits historiques constants finira par percer le brouillard de la désinformation.

L’Algérie, forte de son bon droit et d’une diplomatie modulaire, a les cartes en main pour renverser la dynamique actuelle et replacer la question sahraouie dans sa véritable lumière : celle d’une lutte anticoloniale légitime, qu’aucune campagne de propagande, fût-elle inspirée par les plus habiles conseillers en marketing politique israéliens, ne pourra indéfiniment étouffer.

F. B.

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