Lourde dette morale
Par Mohamed El-Maadi – L’histoire a cette particularité implacable de rattraper ceux qui tentent de la fuir. La France, dans sa posture hautaine face aux crimes coloniaux en Algérie, incarne aujourd’hui le parfait exemple d’une nation qui confond grandeur et déni, dignité et arrogance.
La position française sur le Sahara Occidental révèle une autre facette de cette diplomatie à la dérive. Macron, cédant aux pressions de ces lobbies parisiens qui dictent la politique intérieure et étrangère française, s’est empressé de récompenser le silence assourdissant de Mohammed VI face au massacre des enfants palestiniens. Un marché cynique où le sang des innocents s’échange contre des positions diplomatiques, illustrant parfaitement cette politique du donnant-donnant qui caractérise désormais la diplomatie française. Le monarque marocain, en «bon élève» du système, a bien compris que son mutisme sur la tragédie palestinienne lui vaudrait les faveurs d’une France aux principes désormais négociables.
Quant à l’affaire Sansal, jugé et condamné en Algérie, toute éventuelle discussion sur une grâce devra nécessairement inclure le retour en Algérie du terroriste du MAK et de l’ancien ministre de l’Industrie. C’est une condition non négociable. La justice algérienne n’acceptera aucun marchandage à la carte. Les criminels, qu’ils soient de plume, économiques ou terroristes, doivent tous répondre de leurs actes devant les tribunaux algériens.
L’Etat algérien ne peut se permettre le moindre recul. Sa crédibilité serait en jeu.
Le spectacle navrant d’une diplomatie française qui tergiverse sur la reconnaissance des crimes contre l’humanité perpétrés pendant la période coloniale illustre une myopie politique consternante. Cette valse-hésitation entre demi-excuses et relativisme historique ne fait qu’alourdir la facture d’une lourde dette morale qui ne cesse de s’accroître.
Qu’on se le dise clairement : il ne s’agit pas ici de «mémoire partagée» ou de «réconciliation des mémoires». Ces concepts creux, inventés par une diplomatie frileuse, ne sont que des échappatoires face à une réalité historique implacable. Les massacres de masse, la torture systématisée, les déplacements forcés de populations ne relèvent pas de la mémoire mais de faits historiques documentés, prouvés, irréfutables.
L’Algérie, forte de ses 50 milliards d’euros de contrats potentiels et de ses partenariats diversifiés, n’est pas en position de quémandeuse. La justice algérienne, désormais indépendante et déterminée, ne pliera pas devant les pressions diplomatiques françaises. Les criminels économiques et les terroristes devront répondre de leurs actes devant les tribunaux algériens.
Les nouvelles générations algériennes, décomplexées et mondialisées, regardent avec consternation cette France qui s’accroche à ses mythes coloniaux comme un naufragé à son radeau. Pendant que Paris s’enlise dans ses contradictions, Alger construit son avenir avec des partenaires qui ne portent pas le fardeau de ce passé sanglant.
La question n’est plus de savoir si la France reconnaîtra ces crimes contre l’humanité, mais quand et à quel prix. La justice, qu’elle soit historique ou pénale, n’est pas négociable.
L’establishment français doit comprendre que ni la reconnaissance historique ni la justice ne sont des monnaies d’échange. On ne marchande pas avec les crimes contre l’humanité, pas plus qu’avec les détournements de fonds publics ou le terrorisme. Cette vérité fondamentale semble échapper à une classe politique française qui confond encore diplomatie et chantage.
Le message est limpide : la France doit choisir entre la reconnaissance de ses crimes historiques et la coopération judiciaire d’une part, ou l’isolement diplomatique et économique d’autre part. Le peuple algérien, échaudé par trop de promesses non tenues, attend des actes concrets. Le président Tebboune le sait : sa légitimité et celle de son mandat en dépendent.
L’histoire, elle, peut attendre : elle a cette patience infinie des vérités qui finissent toujours par s’imposer. Mais le peuple algérien, lui, a assez attendu. Il exige justice, tant pour les crimes du passé que pour ceux du présent.
M. E.-M.
Comment (6)