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Quand la France rappelle à Israël que critiquer le sionisme n’est pas antisémite

Une contribution du Dr A. Boumezrag – Trois idéologies – colonialisme, sionisme, islamisme – continuent de faire du monde un terrain de jeu pour adultes irresponsables. Elles se disputent le podium de la vertu et de la certitude, chacune persuadée que son mythe vaut mieux que celui des autres. Le colonialisme, ce premier-né pompeux et paternaliste, croyait que les peuples à dominer avaient surtout besoin d’être «éclairés». Le sionisme, son cadet exigeant, voulait réparer une histoire et s’approprier des collines, des frontières et des symboles comme on collectionne des timbres. L’islamisme, dernier de la fratrie, arrive comme un élève turbulent, brandissant le divin pour justifier que tout le reste est mauvais, sauf lui.

Et puis, dans ce théâtre d’ombres et de certitudes, un geste improbable se produit : la France, à l’ONU, ose distinguer ce qui n’était jusque-là que confusément amalgamé dans l’opinion publique. Pour la première fois, un Premier ministre français affirme : «Critiquer le sionisme ne revient pas à être antisémite.» Le monde diplomatique retient son souffle. Enfin, la nuance ! Enfin, la logique ! Ou du moins, enfin, un Président et son gouvernement qui se permettent d’ouvrir un espace de pensée sans recevoir une volée de flèches pour blasphème politique.

Le colonialisme : l’art de faire semblant de civiliser

Premier-né et toujours imbu de lui-même, le colonialisme a longtemps prétendu sauver le monde en brandissant ses livres de philosophie, ses fusils et son civisme à deux vitesses. L’humanité, selon lui, devait être «éclairée», et si vous refusiez la lumière, c’était votre faute.

Aujourd’hui, il s’est recyclé. Fini le fusil, place au partenariat économique, à la charte des droits humains, et aux «missions humanitaires» qui coûtent des millions pour laisser intact le statu quo. Le colonialisme moderne est comme ce professeur sévère qui distribue des bonnes notes pour mieux continuer de vous tenir en laisse : la façade change, la domination reste.

Le sionisme : un mythe sous contrôle

Ah, le sionisme. Né de l’exil et de la persécution, il se voulait refuge et réparation. Mais le rêve d’un peuple s’est heurté à d’autres histoires, à d’autres mémoires, et la promesse est vite devenue une carte géopolitique. Chaque colline, chaque frontière, chaque décision est devenue un symbole et un récit à défendre, parfois par la diplomatie, parfois par la force.

Et là, à l’ONU, une scène presque surréaliste se joue : la France dit à Israël que l’on peut critiquer le sionisme sans être antisémite. Le choc. Le tabou est levé. Enfin. Imaginez le banquet diplomatique : couverts brillants, serveurs en uniforme, et voilà que quelqu’un ose dire : «Vous pouvez discuter de votre idéologie sans attaquer votre peuple.» Silence. Malaise. Puis, quelques applaudissements polis. Un exploit digne d’un funambule sur un fil de haute tension : fragile, historique, et légèrement ridicule pour ceux qui pensaient que le mot «sionisme» était sacré.

L’islamisme : quand le divin devient arme

Troisième enfant de ce trio infernal, l’islamisme surgit dans le monde moderne comme un gamin vindicatif dans une classe déjà saturée de certitudes. Sa mission : purifier, imposer et transformer la foi en instrument de pouvoir. Les promesses de paix et de communauté deviennent rapidement des slogans et des armes. De Gaza à Kaboul, la morale divine sert à légitimer la violence politique. Mais ne nous y trompons pas : il ne fait que recycler la logique de ses aînés. Absolutisme, dogmatisme, morale auto-proclamée : le copier-coller des mythes est impressionnant. Et, comme toujours, le reste du monde doit s’adapter ou périr sous le poids de ces récits.

Convergences et ironies du destin

Ces trois idéologies partagent un point commun : elles veulent «sauver» le monde, ou du moins, imposer leur idée du monde. Le colonialiste illumine, le sioniste répare, l’islamiste purifie. Toutes trois se croient dépositaires de la vérité absolue et justifient leurs excès au nom d’une morale supérieure. Le cynisme ? C’est qu’en cherchant à imposer l’ordre, elles créent chaos et résistance, qui, à leur tour, nourrissent la revanche et la continuation des mythes. Une boucle infinie, un manège macabre où le seul gagnant est l’Histoire elle-même… qui, d’un air sarcastique, observe ses enfants se disputer les décombres.

Le tabou français : brisé avec élégance

Le geste français à l’ONU est à la fois symbolique et ironique. Après des décennies de prudence diplomatique, de peur de vexer et de respect exagéré des «sensibilités historiques», la France dit enfin ce qu’un esprit sain aurait dû savoir : critiquer une idéologie politique ne tue personne, et encore moins un peuple.

Cyniquement, on pourrait se demander : fallait-il vraiment aller jusqu’à l’ONU pour rappeler ce qui est évident ? Mais voilà : dans le monde des diplomates, l’évidence a un prix, et ce prix, la France vient de le payer avec un geste audacieux, ironique et profondément nécessaire.

La fatigue des mythes

Pendant ce temps, les peuples s’épuisent. Les «ismes» ne sont plus que des machines à ressasser les rancunes et à justifier la violence. Les promesses de gloire, de pureté ou de réparation se sont effritées, laissant derrière elles des populations lassées, désabusées et parfois cyniques à leur tour.

Mais il reste l’humour noir : quand les dieux meurent, l’homme invente des idéaux ; quand les idéaux s’effondrent, il invente des tabous ; et quand les tabous tombent, la parole se libère. La France vient de secouer un voile poussiéreux et de rappeler que penser n’est pas un crime.

Le colonialiste voulait éclairer, le sioniste réparer, l’islamiste purifier. Trois rêves, trois blessures, un même héritage : celui d’un monde qui croit toujours au salut par l’idéologie.

Et là, dans le vacarme des promesses brisées, un petit acte de lucidité : distinguer la critique d’une idée de la haine d’un peuple. Un geste minuscule ? Peut-être. Historique ? Certainement.

 «Les mythes ne meurent pas, ils changent seulement de drapeau.» (Albert Camus.)

L’Algérie, laboratoire des illusions par les « ismes»

L’Algérie, théâtre des expérimentations des «ismes», nous rappelle que rien n’est gratuit : la colonisation l’a «civilisée» avec une guillotine. Le communisme l’a «socialisée» avec une faucille. Le terrorisme l’a «islamisée» avec un sabre. Le libéralisme l’a «corrompue» avec des dollars. Et la démocratie l’a «poignardée» avec une plume.

De la main au fusil à la main au clavier, la plume reste l’arme la plus redoutable… si l’on ose s’en servir.

A. B.

4 Commentaires

  1. « Trois idéologies – colonialisme, sionisme, islamisme – continuent de faire du monde un terrain de jeu pour adultes irresponsables. » avance A. B..

    je persiste et signe:

    L’impérialisme, le sionisme, l’islamisme (qu’il soit soft ou radical ou djihadiste ou n’importe quoi) et le séparatisme ont, malgré les apparences, des intérêts convergents pour ne pas dire identiques.

    – En effet, l’islamisme sert l’impérialisme dans la mesure où les intérêts bien compris du capital financier mondial, fraction dominante du moment du capital mondial, requiert un monde sans frontières (composé de micro-états vassaux) où les capitaux peuvent se mouvoir à la recherche de retours sur investissements optimaux. L’islamisme, portés par des couches sociales archaïques (voir les états archaïques du golfe, par exemple), croyant que le commerce crée la richesse est le meilleur rempart contre toute velléité de désengagement d’États nationaux de l’emprise de la soi disant mondialisation.
    – Quant au sionisme (basé, entre autres, sur des textes religieux admis comme sacrés par les musulmans eux mêmes), il est inutile de ressasser que la pérennité de l’entité sioniste et la garantie de sa domination perpétuelle sur ses voisins proches et lointains, requièrent que cette entité soit entourée de micro-états vassaux (voir le plan Yinon) basés sur la religion et/ou sur l' »ethnie » (d’où la convergence d’intérêts entre l’entité sioniste et le mouvement séparatiste MAK). Ainsi, cette entité raciste basée sur la religion fera oublier sa nature de vestige colonial qui doit disparaître en tant que tel et n’apparaîtra pas comme un anachronisme.

    PS1: je persiste et signe: l’islamisme est un sous-produit de l’islam. par conséquent, avant de condamner la stratégie de domination des puissances impérialistes et de l’entité sioniste, les « musulmans » doivent réaliser que la seule manière de lutter et de vaincre l’islamisme est de confiner la religion dans la sphère privée où chacun aura tout le loisir d’adorer son Dieu ou de n’adorer personne sans empiéter sur la liberté de l’autre.
    En termes crus, tant que les musulmans, en général et les régimes arabes dont le régime algérien, en particulier, continuent à croire ou croient fermement que leur religion est capable de gérer la « cité », l’islamisme continuera à sévir et à favoriser la déchéance certaine des sociétés sur lesquelles il a une quelconque emprise.
    PS2: la lutte contre le séparatisme requiert à mon sens, la mise en place de lieux et d’instruments de concertation entre différents protagonistes, lieux et instruments permettant de trouver des compromis historiques qui permettraient de mettre en exergue la nécessité du vivre-ensemble. le seul positionnement pertinent me semble être: NOUS NE SOMMES NI ARABES, NI AMAZIGHS, NI MUSULMANS, NOUS SOMMES ALGÉRIENS, AVEC NOS DIFFÉRENCES, POINT BARRE et tout le reste est sujet à discussion.
    PS3: il est inutile de souligner que les islamistes sont des « adeptes » convaincus de la « démocratie » tant qu’ils ne sont pas au pouvoir. Mais dès que les circonstances leur permettent d’exercer un quelconque pouvoir, la démocratie se transforme soudainement en kofr (observons ce qui se passe en Iran, ce qui s’est passé en Égypte sous Morsi, au soudan, etc…) et devient une « valeur » étrangère qui doit être combattue puisque le Bon Dieu aurait tout prévu concernant la gestion de la « cité musulmane ».
    PS4: je pense que le régime algérien est objectivement et subjectivement incapable de lutter efficacement contre l’islamisme et le séparatisme.
    En effet, le régime algérien use et abuse de la religion pour anesthésier la populace. Que ferait, dès lors, de plus la vermine islamiste si elle était officiellement au pouvoir? Rien! Ce qui revient à dire que, pour l’algérien lambda, il n’y a aucune différence entre le régime algérien et la vermine islamiste qu’il est supposée combattre.
    Question à un doro : Comment peut on mobiliser les algériens contre un « ennemi » qui ressemble étrangement au régime en place?

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  2. Chez nous en Algérie , on arrive quand même à critiquer le sionisme, le colonialisme et fort heureusement, mais pas l’islamisme. On répugne toujours , malgré la décennie noire, à le désigner « comme un élève turbulent, brandissant le divin pour justifier que tout le reste est mauvais » , comme le souligne l’auteur de la contribution.

    Cette doctrine idéologique polico religieuse a encore de beau jour chez nous, hélas. Pourquoi ? Eh bien malgré l’article 52 de la Constitution de 2016 qui stipule que .. » les partis politiques ne peuvent être fondés sur une base religieuse, …. eh bien il existe bel et bien des partis politiques islamistes. Allez comprendre pourquoi ???

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    • L’antisémitisme est un racisme et l’antisionisme est une critique légitime d’une doctrine mortifère. L’instrumentalisation de l’antisémitisme à des fins idéologiques est contre-productive. Jouer sur la confusion est dommageable. Dommageable pour ceux qui luttent sincèrement contre l’antisémitisme.

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  3. C’est clair,en France vous pouvez critiquer le Français,le Belge,l’Allemand,le Turque,l’Arabe,le noir Africain et enfin les nationalités du monde entier,mais si vous ouvrez votre bec sur l’Israélien,vite fait vous serez taxé d’antisémite.

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