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Accord de 1968 : un juriste français explique pourquoi l’Algérie peut saisir La Haye

Avant même le vote, ce jeudi, d’une résolution dénonçant l’accord de 1968, et alors que plusieurs responsables politiques français – de Patrick Stéfanini à Eric Ciotti, en passant par Edouard Philippe – appelaient à remettre en cause le document signé le 27 décembre 1968, une voix s’était élevée pour mettre en garde contre cette orientation. Dans une analyse détaillée, publiée sur le site du Club des juristes, Serge Slama, professeur de droit public à l’Université Grenoble-Alpes et affilié à l’Institut Convergences Migrations (ICM), estimait, en effet, que la dénonciation unilatérale de cet accord serait non seulement juridiquement infondée mais aussi politiquement contre-productive.

«L’accord franco-algérien de 1968, complété par plusieurs avenants (1985, 1994 et 2001), régit les conditions d’entrée, de séjour et d’emploi des ressortissants algériens en France. Contrairement à ce qu’affirme l’ancien ambassadeur Xavier Driencourt, auteur d’une note pour la Fondapol en mai 2023, cet accord ne peut pas être dénoncé unilatéralement sans violer le droit international», avertissait-il.

Serge Slama rappelait que le texte «ne comporte aucune clause expresse de dénonciation», et qu’en vertu de l’article 56 de la Convention de Vienne sur le droit des traités, un traité ne peut être rompu unilatéralement que s’il en était prévu la possibilité ou si cela découle de sa nature. «Or, écrivait-il, «rien dans la lettre de l’accord de 1968, ni dans les circonstances de son adoption, ne permet de penser que l’intention des gouvernements était de permettre la dénonciation unilatérale de celui-ci.»

L’universitaire soulignait également que cet accord visait à apporter «une solution globale et durable aux problèmes relatifs à la circulation, à l’emploi et au séjour des ressortissants algériens sur le territoire français», selon les termes mêmes de son préambule. Dès lors, rompre ce cadre sans concertation constitue «une violation du droit international», exposant la France à une éventuelle saisine de la Cour internationale de justice (CIJ) de La Haye.

Si, théoriquement, «un Etat veut dénoncer un accord, il le peut toujours », rappelait le juriste, mais cela ne peut se faire qu’«en respectant certaines formes et délais» et «sans ouvrir préalablement des négociations bilatérales». C’est pourquoi, selon lui, la logique proposée par Xavier Driencourt – «dénoncer d’abord, négocier ensuite» – relève d’«une curieuse conception des relations diplomatiques».

Au-delà de l’aspect juridique, Serge Slama insistait sur les effets paradoxaux qu’aurait une telle décision. Il rappelait que les accords franco-algériens s’inscrivent dans la continuité des accords d’Evian de 1962, qui prévoyaient la liberté de circulation et d’installation des ressortissants algériens en France. L’accord de 1968 a précisément été conçu pour encadrer cette liberté, notamment en instaurant des quotas de travailleurs et un certificat de résidence.

Dès lors, «en cas de dénonciation de l’accord de 1968, et de ses différents avenants, cela aurait pour effet de rétablir les facilités de circulation des Algériens pour se rendre en France», écrivait-il. Autrement dit, rompre l’accord assouplirait les conditions d’entrée et de séjour au lieu de les restreindre.

L’argument selon lequel les Algériens relèveraient ensuite du «droit commun des accords de Schengen» est, selon Slama, tout simplement faux : «L’entrée des Algériens en France pour des courts séjours (moins de 3 mois) est déjà régie, depuis 1995, par la convention d’application des accords de Schengen», observait-il. En revanche, les accords d’Evian «instauraient non seulement un régime de liberté de circulation mais aussi de liberté d’installation». Une dénonciation risquerait donc, paradoxalement, de rétablir un régime plus «permissif».

Autre idée reçue battue en brèche, celle selon laquelle les Algériens bénéficieraient d’un régime particulièrement avantageux. Serge Slama nuançait fortement cette perception. Selon lui, «le statut des Algériens reste bloqué à l’état du droit français issu de la loi Chevènement de 1998», faute de renégociation depuis 2001.

Si certains avantages existent – accès facilité à la carte de résident, conditions du regroupement familial, prise en compte de la kafala –, ils ne compensent pas la rigidité d’un cadre obsolète. Comme le soulignait le juriste, «il n’est pas acquis qu’en cas de renégociation de l’accord de 1968, les Algériens aient plus à perdre qu’à gagner à un rapprochement de leur statut avec le droit commun».

Enfin, l’universitaire contestait l’idée selon laquelle l’accord empêcherait la France de contrôler les flux migratoires. Il relevait qu’entre 2017 et 2022, le nombre de visas délivrés aux Algériens est passé de 411 979 à 131 264, conséquence directe d’une décision politique de Paris. «On ne peut donc valablement affirmer que l’accord de 1968 prive le législateur et le gouvernement français de la possibilité d’agir significativement sur les flux en provenance de l’Algérie», concluait Serge Slama.

Loin d’être un instrument de souveraineté, la dénonciation unilatérale de l’accord franco-algérien de 1968 serait, selon ce professeur, une rupture illégale, diplomatiquement risquée et politiquement inefficace, qui risquerait d’ouvrir plus de portes qu’elle n’en fermerait.

H. A.

46 Commentaires

  1. Ces voyous en cols blancs et tafioles de l’Assemblée Nationale voudraient voler nos terres rares afin de payer leurs dettes abyssales comme en 1830.

    Qu’ils restituent plutôt notre Trésor national (240 tonnes d’argent, 62 tonnes d’or)
    au lieu de yoyotter n’importe quoi ainsi que les canons de BABAMARZOUK.

    Assez de vol car les receleurs étaient bien français en comparaison avec le musée
    du Louvre.

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    • Si l’on commence à mettre en cause les arriérés historiques il faut donc le faire pour les deux pays. Conquête française de 1830 à 1962 ; conquête arabe de 680 à 1830.

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      • Marcel,
        Si j’ai bien compris votre commentaire l’Algérie a conquis la France de 630 à 1830 !!!!

  2. question simple: si les algeriens ont bcp de facilités pour obtenir droit de séjour en france alors pourquoi y a ces centaines ou ces milliers ont « OQTF » ?

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    • De la Grande NUMIDIA à la Grande ALGERIA, TAHYA nôtre vaillante Armée Nationale Populaire digne héritière de nôtre glorieuse Armée de Libération Nationale !!!

      عسكرية، و عسكرية، و ثم عسكرية، و أيضا عسكرية، و ستبقى عسكرية الي يوم الدين

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  3. On verra ce que donne le procès en appel de marine le pen dans l’affaire des assistants parlementaires du fn.
    Quant à jordan bardella, il est obligé de se laisser pousser quelques poils au menton pour faire oublier son amateurisme et paraître crédible aux yeux de l’opinion publique.
    Ce serait bien de voir le rn au pouvoir, manière de les voir se planter.

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  4. Serge Slama est un vrai spécialiste du droit, c’est évident.
    Mais la réalité française, chacun le sent, chacun le sait, c’est qu’en 2027, il est plus que probable que la droite de la droite gagne les élections. Pour pas dire le RN mais il y a aucune différence entre la droite et le RN sur les questions portant sur la relation avec l’Algérie.
    Prenant exemple sur Trump, c’est gens là vont passer en force, soit par un vote soit par un référendum mais la question de l’accord de 1968, sera posé tres rapidement, c’est une certitude.
    Et peu importe les arguments de juristes, l’Algérie doit se préparer, j’imagine que la diplomatie algérienne est déjà prête, a ce que cette accord soit questionné en France.
    Et ce n’est un secret pour personne, ni une surprise, en France, la très grande majorité des français maintenant est a droite et si on leur posait la question, ils supprimeraient cet accord.

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  5. (…)
    Ce qui vient de se produire à Paris n’est pas une simple manœuvre parlementaire : c’est une rechute morale, une fièvre coloniale mal contenue. Le Rassemblement National, ce parti à la mémoire souillée, a voté une résolution pour dénoncer les accords franco-algériens de 1968. Derrière le vernis du “patriotisme législatif” se cache l’odeur âcre d’une revanche historique. Ce n’est pas une initiative diplomatique, c’est un exutoire idéologique.

    Le RN, héritier direct des rancunes de l’OAS et des ratés de l’empire, poursuit la même croisade : humilier l’Algérie, stigmatiser les Franco-Algériens, travestir le passé pour légitimer la haine. Ces députés recyclent les cendres d’une guerre perdue et tentent d’en faire de la cendre politique. Ils n’ont pas digéré la défaite de 1962, alors ils la rejouent sur les bancs de l’Assemblée.

    Mais qu’on se le dise : derrière la posture “patriotique”, il y a la lâcheté. Celle d’un parti corrompu, gangrené par les affaires financières et les trahisons internes, qui cherche désespérément un souffle en ravivant les vieux démons coloniaux. Le RN ne lutte pas pour la France : il lutte pour sa survie politique. Il agite l’Algérie comme un chiffon rouge pour séduire les véritables maîtres du pays, ces réseaux économiques et médiatiques qui prospèrent sur la peur et la fracture.

    Quant à sa présidente, elle pourra bien multiplier les sourires feints et les discours “dédiabolisés”, elle ne se débarrassera jamais du fardeau paternel. L’histoire ne l’absoudra pas. Le nom qu’elle porte reste lié à une époque d’exactions et de négationnisme. Derrière la façade policée se tient la même idéologie : celle qui nie à l’Algérien sa dignité et à la France sa vérité.

    Ce vote, loin d’être anodin, vise à affaiblir les fondements moraux d’une relation déjà fragile. Il tente de faire oublier que l’Algérie n’a jamais sollicité la pitié, mais le respect. Paris veut faire trembler Alger ? Qu’il sache que le droit international, lui, n’a pas peur des postures électoralistes. L’Algérie n’a plus à subir le caprice d’une extrême droite déguisée en parti républicain.

    En vérité, ce n’est pas l’Algérie que le RN veut humilier. C’est la France qu’il défigure, encore et toujours, en y distillant le poison de la rancune coloniale. L’histoire jugera ces pyromanes du passé qui, faute de vision, préfèrent l’incendie des mémoires.

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  6. Je ne lèverai même pas le petit doigt pour ce bled paumé qu’est la france . L’Algérie n’a pas que cela à faire . Bon débarras !

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  7. J’espère que l’Algérie va être procédurière à souhait juste pour leur donner une leçon de Droit et qu’on rigole un peu de leurs postures ridicules.

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  8. Comme le rappelle @dr kelso , la france n’est pas le centre du monde . D’un monde vaste si besoin est bosser avec des pays crédibles .

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  9. J’ai émigré en Papouasie et j’ai toujours cette nette impression de compter pour du beurre dans cette dichotomie ALGéRIE-FRANCE ?

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  10. l’Algérie doit couper toute relation avec cette france enjuivée et en déclin, dégager toutes les entreprises francaises, c’est le minimum

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  11. Bonjour, dénonciation illégale ? Vous croyez que le droit international est respecté ? On vie dans un monde incertain et c’est la loi du plus fort… continuons les exercices de préparation de l’ANP.

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    • @Juliene On veut la rupture totale et définitive des relations diplomatiques (et de toute sorte de relations) avec un pays ENNEMI,toxique et totalement inutile pour l’Algérie et croyez-moi c’est le rêve et le souhait d’une écrasante majorité du peuple Algérien.
      La France n’est absolument pas le centre du monde et ne pas avoir de relations avec ce pays ennemi ne sera pas pénalisant pour l’Algérie.
      L’ennemi c’est l’ennemi

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  12. L’Algérien, s12, descendant des Chouhada et des Moujahidines, est un guerrier et un soldat par nature depuis sa naissance. C’est pourquoi le peuple est l’armée et l’armée est le peuple.

    عسكرية، و عسكرية، و ثم عسكرية، و أيضا عسكرية، و ستبقى عسكرية الي يوم الدين

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  13. Il est trop tôt pour observer les conséquences de cette décision de la France. Je pense que l’affaire a été « bouclée » dans la précipitation, sans tentative de négociation avec la partie algérienne, signataire de cet avenant du traité qui régit les règles appliquées spécifiquement (soit-disant) aux ressortissants algériens.
    Mais tout le monde sait que les clauses de cet accord de 1968 n’ont jamais été appliquées (affirmation en connaissance de cause, car victime d’un acharnement administratif par dissimulation du document qui était en ma faveur selon les accords de 1968).
    Attendons la réaction des autorités algériennes pour pouvoir se faire une idée plus claire dans les suites à donner à cette affaire.

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  14. J’apporte ici, mon témoignage :
    Résidence :
    -Arrivée en France en 1973 avec un statut d’étudiant.
    – 1973-1975 ( passeport +autorisation de séjour)
    -1975 certificat de résidence de 3 ans obtenu difficilement!
    Travail :
    – Impossible de trouver un CDI en bureau d’études, n’étant pas français.
    Prestations sociales :
    -néant (célibat), le reste des prestas réservées aux français.
    2025, je vis toujours en France et je n’ai pas l’impression d’être privilégié par rapport aux autres nationalités étrangère.
    Il était temps d’abroger cet accord qui n’accorde presque plus rien aux algériens depuis belle lurette et donne du grain à moudre aux ennemis de l’Algérie! cet accord est mort de sa plus belle mort à l’arrivée de la gauche au pouvoir en 1981,qui a accordé les mêmes droits à tous les étrangers (carte de 10 ans, acquisition de commerce etc..).Effectivement , avant cette date, les algériens immigrés bénéficiaient d’avantage très relatifs ,à savoir carte de résidence de 3 ans qui leur permet de résider et travailler partout sur le territoire français, alors que les autres nationalités avaient une carte de séjour et une carte de travail valable uniquement dans le département de séjour, ouverture de commerces surtout les débits de boisson, interdite aux autres nationalités, aucuns droits aux prestations sociales, ces derniers sont exclusivement réservés aux français. Alors tout ça pour ça, il n’ y a pas de quoi faire un fromage!!

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  15. Les avenants de 2001 et 1994 ont été abrogés oar la partie Algérienne. On va bientôt s’entre-choquer avec celui de 1984..

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  16. Pourquoi voulez-vous que l’Algérie saisie la Haye, il s’agit d’honneur ou quoi, depuis longtemps Giscard a vidé les accords de leurs substances , il y a une coquille vide comme l’a dit Tebboune, l’Algérie ne va pas s’abaisser a ce point, depuis Giscard on voit les attentes devant les guichets pour obtenir un visa ou l’Algérie a une dignité ou bien non , honneur a l’Algérie de jeter cette France de sa pensée et même de l’effacer de sa mémoire et jeter tout ce qui est français dans la poubelle comme ont fait plusieurs pays et installé deux bases atomiques russe et chinoise en face de la Méditerranée et on vas voir la tremblante des français et les autres, et qui va venir pleurer.

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  17. Les accords de1968 sont déjà dénoncés sur le terrain depuis des années.Les préfectures agissent à leur guise et enfreignent ces accords de différentes manières.Beaucoup de recours administratifs sont ignorés par ces administrations.

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  18. La meilleure réponse à ces sous hommes c’est de les strangler économiquement. On verra si après ils continueront leur cirque quand le peuple sortira dans les rue s et quand leur sous hommes d affaires ne feront plus de bénéfices, mais pour que cela se produise il faut des hommes aux boules d’acier en face.

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  19. Quelle est le coût exact de cette procédure + ses conséquences ? .combien de temps cela peut il durer?. Cela en vaut il la peine ?.
    Un cabinet établi ou?.
    Est ce que des français y travaillent?..etc etc

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  20. Il ne sert à rien à la france de jouer à la provoc. C’est écrit qu’elle doit dégager de notre vue n’en déplaise aux harkis, aux néo colonisés mais surtout aux néo-cons.

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  21. Étant Algérienne née dans les années 90 bien loin de nuremberg et de ces accords de 68 pense sans ambages n’avoir rien avoir avec tous ça.

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  22. Que l’Algérie, maintenant prend le devant pour se développer, avec bien entendu tous ses enfants. Ne plus compter sur aucune autre relation.

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  23. Juste pour ne pas rester ignare et sait-on jamais j’incluerai ce vote dans le même pot à la nouvelle position de l’onu quand au sujet sahara occidental, au discours » »reconciliant du roi Med 6 et enfin l’intention de Trump puis je continuerai dans le même esprit d’y rajouter les événements et intentions associables et puis enfin faire une analyse pour essayer de voir ce qui se prépare(rai) contre nous. Leur dénominateur et/ou guide commun est capable de tout de l’imaginable et du non imaginable sans oublier l’horreur.

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  24. L’Algérie donnerait de l’importance à une « coquille vide » en saisissant inutilement la Haye! C’est comme si elle se positionnait en « victime » alors que c’est la France qui est victime de ses propres conneries.
    Chiche qu’elle dénonce tous les accords avec l’Algérie !!!

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  25. Un pays toxique et compliquée comme la france ne doit plus être pour l’Algérie un fardeau.
    Rompre les relations tant diplomatiques qu’économique.
    Chacun sa route et bon débarras de ce pays stupiee appelé stupide , névrosés , des ignares frustrés.

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  26. driencourt croit vraiment forcé le passage plutôt mettre la pression pour nous ramener à la table de négociations ????.
    Quelle pauvre type! complètement défoncé à la morphine et vas y te tirer toi une balle dans ta caboche histoire d’abréger tes souffrances sale bâtard de félon

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