Par Nabil D. – Rien de tel qu’un mirage diplomatique pour détourner l’attention d’un quotidien qui se délite. Le régime marocain s’est, en effet, une nouvelle fois illustré dans l’art bien rodé de la communication triomphaliste, en présentant aux Marocains une double «victoire» qui, à l’examen, n’existe que dans le récit fabriqué par les appareils de propagande du Makhzen.
Premier épisode : la résolution 2797 du Conseil de sécurité de l’ONU sur le Sahara Occidental. Rabat s’est empressé d’y voir une consécration de son plan d’autonomie, allant jusqu’à faire croire à une avancée décisive dans un dossier enlisé depuis près d’un demi-siècle. Pourtant, la réalité est plus prosaïque. Le texte ne consacre en rien la proposition marocaine comme solution unique ou privilégiée. Il la cite simplement comme une option parmi d’autres. Une mention qui ne modifie rien au statut international du conflit.
Le dossier sahraoui reste bel et bien devant la Quatrième Commission de décolonisation de l’ONU, qui continue de considérer le territoire comme non autonome. Autrement dit, aucun basculement diplomatique, aucun changement de paradigme, rien qui permette de parler de «triomphe». Mais dans un contexte politique tendu, il fallait offrir à l’opinion marocaine un récit euphorisant, un anesthésiant bienvenu pour faire oublier les fractures sociales qui s’élargissent.
Deuxième épisode, plus rocambolesque encore : la prétendue suppression par la Russie du visa pour les ressortissants marocains. De nombreux médias proches du pouvoir se sont précipités pour annoncer que Moscou ouvrait largement ses portes au Maroc et à dix autres pays africains et maghrébins, en prenant soin, détail révélateur, de souligner l’exclusion de l’Algérie, éternel rival.
Or, les faits contredisent totalement la version du Makhzen. Le haut responsable russe cité n’a jamais affirmé que la Russie supprimait le visa pour les Marocains. Il a déclaré que les Russes, eux, pourraient désormais entrer dans onze pays africains sans visa. Une nuance de taille, transformée en contrevérité flagrante par les relais marocains du pouvoir. Non seulement les Marocains ne bénéficieront d’aucune facilitation, mais la situation s’apparente à ce que vivent déjà les citoyens marocains avec l’ensemble des pays de l’Europe : les Européens voyagent librement au Maroc, tandis que les Marocains doivent franchir l’obstacle du visa, souvent humiliant, pour espérer faire le chemin inverse.
Ce nouvel emballement propagandiste pourrait prêter à sourire si le contexte social n’était pas si grave. Car pendant que les médias officiels célèbrent des victoires imaginaires, le peuple marocain ploie sous le poids de la vie chère, du chômage, de l’inflation et d’un système qui ne cesse de creuser les inégalités. Les illusions diplomatiques servent alors de calmant narratif, de récit rassurant pour masquer l’absence de réformes profondes et l’érosion du pouvoir d’achat.
Le Makhzen semble convaincu qu’un peuple assailli par les difficultés finira par se satisfaire d’annonces creuses, à défaut d’espoirs concrets, mais aucune manipulation sémantique ou récupération politique ne peut transformer un revers diplomatique en victoire, ni un mensonge en horizon.
N. D.
