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Leçon d’ingratitude

Par M. Aït Amara – Il faudrait un certain talent pour feindre encore la surprise dans la confirmation de la condamnation de l’agent secret français Christophe Gleizes à sept ans de prison ferme. La justice algérienne était disposée à atténuer la rigueur judiciaire qui pèse sur le faux journaliste. On songeait à requalifier, à tempérer, à montrer que la justice d’un Etat peut manier la fermeté sans renoncer à la nuance. Mais comment continuer à jouer les magnanimes quand la main tendue se voit systématiquement mordue ?

La grâce accordée à Boualem Sansal devait être un signal d’apaisement, un moment de dignité politique. Un Etat souverain, disait-on, sait être clément même envers ceux qui le trahissent. Et quel fut le retour ? Une salve de provocations, plus féroces encore, téléguidées depuis les salons parisiens où l’on se repaît de polémiques anti-algériennes. A peine la porte de la prison refermée derrière lui, le traitre gracié se lançait dans une escalade verbale que nul, même parmi ses défenseurs, ne pouvait qualifier d’apaisante.

Puis vint la presse française, qui se lança dans une campagne furieuse, presque compulsive, contre l’Algérie. Ceux-là mêmes qui, quelques semaines plus tôt, invoquaient la miséricorde pour le «vieil homme malade», devinrent soudain amnésiques. Aucune trace de gratitude, aucune retenue, aucune reconnaissance du geste accordé. On avait demandé l’indulgence au nom de l’humanisme, on a répondu par un tir nourri de procès moraux.

Et l’on voudrait que la clémence revienne une seconde fois ? Que la justice algérienne, déjà échaudée, cède à nouveau devant les mêmes supplications qui, hier, n’ont servi qu’à préparer une nouvelle salve d’aboiements médiatiques enragés ?

La fermeté affichée dans l’affaire Gleizes n’est pas un signe d’endurcissement. Elle est plutôt un réflexe de survie morale. On ne demande pas un pardon pour mieux le dévorer ensuite. Le peuple le dit depuis toujours : «Qui a déjà été trahi n’offre pas deux fois la même confiance.» Et l’Etat, lui aussi, finit par apprendre.

L’Algérie n’a aucune obligation de sacrifier son autorité sur l’autel des humeurs parisiennes. La justice n’est pas un instrument diplomatique que l’on manipule au gré des éditorialistes. Elle n’a pas à se plier à des indignations sélectives qui, selon les circonstances, s’abattent sur l’Algérie ou s’en détournent avec une souplesse toute opportuniste.

La séquence qui se joue aujourd’hui n’est pas un incident isolé. Elle s’inscrit dans une longue tradition de condescendance et d’insolence soigneusement entretenues. Ceux qui réclament la clémence n’en respectent plus les règles implicites et ceux qui reçoivent la grâce, bien que ne la méritant pas, la renvoient en défi.

Dans ce théâtre où l’indulgence devient faiblesse et où le pardon sert d’appât, l’Algérie a choisi de ne plus jouer le rôle du naïf. Et cette fois, on ne pourra pas prétendre ne pas avoir été prévenu.

M. A.-A.

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