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Indignation à la carte 

Par Mrizek Sahraoui – Finalement, c’est la haine de l’Algérie qui dicte l’indignation à la carte, devenue ces derniers temps une constante nationale de cette France nostalgique et donneuse de leçons, dont Xavier Driencourt en est devenu l’un des principaux porte-étendards.

Voyons voir, selon un rapport du Sénat, la France compte plus de 2 000 ressortissants emprisonnés à l’étranger, dont une vingtaine condamnés à mort. Il n’est pas question ici d’évoquer toutes les affaires, mais deux parmi l’ensemble nous intéressent, car présentant des similitudes.

D’abord, celle de Christophe Gleizes, «journaliste sportif» arrêté en Algérie le 28 mai 2024, puis condamné à 7 ans de prison, mais qui pourrait bénéficier d’une grâce à titre humanitaire, comme ce fut le cas de son «compatriote», le triple agent Boualem Sansal. Ensuite, celle de Laurent Vinatier, arrêté à la terrasse d’un café à Moscou, le 6 juin 2024, lequel croupit en prison préventive en Russie, et sur qui plane une peine de 20 ans de réclusion au regard des griefs qui lui sont reprochés.

D’un côté, des cris d’orfraie et un tapage médiatique tous azimuts, de l’autre, un silence assourdissant, indifférence générale et oubli intégral. Cette dichotomie criante dans le traitement médiatique et politique des deux affaires révèle en réalité la nature profonde d’une certaine France, comprendre le régime macroniste en place, cette classe politique nostalgique et héritière des tortionnaires Jean-Marie Le Pen et Paul Aussaresses, et des relais médiatiques, les uns et les autres connus pour leur haine, leurs délires et divagations, ainsi que pour leur penchant viscéral à s’acharner contre l’indocile «ancienne colonie», attisant une attrition permanente des relations franco-algériennes.

Le nom de Christophe Gleizes résonne sur les plateaux, est prononcé dans les stades. Celui de Laurent Vinatier ne dit pas grand-chose au peuple français, et son affaire est totalement inconnue du grand public. Le chercheur travaille pour le compte d’une ONG suisse sur laquelle ne pèse aucun soupçon ni ne connaît de controverses, contrairement à Christophe Gleizes, dont la mission en Kabylie a été commanditée et publiquement revendiquée dans le média d’extrême-droite Frontières par celui qui se présente comme le «vice-président», rien que cela, de la secte classée terroriste du MAK.

Une logique à deux vitesses donc qui pose les questions brutales : le sort d’un Français compte-il moins à Moscou ou ailleurs qu’à Alger ? La vie d’un Français a-t-elle un prix différent selon qu’il soit condamné par la justice d’un «ennemi» désigné et l’opportunité politique offerte ? Christophe Gleizes est partout. Il bénéficie d’une couverture médiatique conséquente, orchestrée par les chaînes de l’oligarque breton Vincent Bolloré, oligarque dont les méthodes en Afrique, de la gestion des ports à l’influence politique, font l’objet d’enquêtes judiciaires pour corruption. 

Cette couverture est relayée avec haine et véhémence par l’extrême-droite française et la droite réactionnaire qu’incarne Bruno Retailleau, l’ex-ministre de l’Intérieur. En revanche, aucun comité de soutien n’accompagne Laurent Vinatier, pas de grands débats, pas d’éditoriaux enflammés. C’est silence radio chez les courtisans obséquieux de Bolloré qui préfèrent consacrer du temps d’antenne à une intox grotesque : la prétendue traque des «bûches de Noël» par les autorités algériennes. 

D’évidence, ce tintamarre médiatique autour de l’affaire Gleizes, comme l’a été celle de l’agent Sansal, vise bien un objectif géopolitique : salir et diaboliser l’Algérie. Il révèle aussi moins une indignation sincère qu’un récit politique bien rodé, celui véhiculé depuis des années maintenant par un certain Xavier Driencourt, dont le passe-temps favori à l’obsession est de dénigrer l’Algérie.

En vérité, ce qui intéresse tout ce beau monde, ce n’est pas tant le sort de Christophe Gleizes, mais le fait qu’il soit détenu en Algérie. C’est ce détail qui fait s’élever les voix, qui justifie les aboiements sans conséquences du maire du Havre, ville par où transite la cocaïne qui inonde la France, du voyou des Alpes Maritimes qui profite sans scrupule de l’argent public, et d’une vague Valérie Boyer, épave politique usée jusqu’à la corde, en mal d’audience et de lumière des protecteurs, par ailleurs, amie du plus grand mégalomane que le monde connaisse : le président fantoche de la «république fédérale» fantôme de Kabylie. 

Parloter sur l’Algérie est un commerce qui rapporte gros, mais jusqu’à quand ? Sûrement jusqu’en 2027. Une certitude, cela n’en révèle pas moins la faillite morale d’une caste politique et médiatique frappée d’une cécité au point de ne pas voir le déclin de la France et les multiples problèmes auxquels sont confrontés les Français. 

M. S.

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