Election présidentielle française : tout sauf Macron !
Une contribution de Nacer Achour – «Emmanuel Macron nous méprise, gouvernants comme gouvernés.» (Aminata Traoré, écrivaine malienne). Le devoir et l’honnêteté intellectuelle nous commandent de prendre part dans le débat public en cours, en nous exprimant sur une question d’importance nationale qui engage l’avenir immédiat d’un pays (la France) dans lequel nous vivons et au sein duquel évolue une forte communauté musulmane, en général, et algérienne, en particulier, l’intellectuel étant «quelqu’un qui se mêle de ce qui ne le regarde pas» pour reprendre les propos du grand philosophe existentialiste Jean-Paul-Sartre . L’auteur français de La Nausée considère, en effet, que l’intellectuel ne peut rester passif, à l’écart du monde dans lequel il vit, qu’il peut agir et qu’il se doit de le faire.
Nous n’avons sans doute pas jugé utile, jusqu’ici, de nous impliquer, en tant que citoyen franco-algérien que nous sommes, dans un débat sur une question qui touche à la vie politique de la France, un pays dont le passé, le présent et l’avenir sont forcément liés à ceux de l’Algérie et ce depuis un certain 5 juillet 1830, si ce n’est bien avant, en plus du fait que ces deux pays soient aussi des pays du bassin méditerranéen, donc voisins. Le devoir ainsi que notre attachement à cette terre qui est aussi la terre natale de plusieurs million de citoyennes et de citoyens algériens issus de l’immigration, qui aspirent à y vivre dans la dignité et le respect, nous interpellent plus que jamais car il y va de notre avenir immédiat et de notre devenir dans une société qui ne cesse de connaître de profondes mutations.
Les relations entre ces deux pays sont malheureusement malmenées à nouveau par les propos d’Emmanuel Macron, critiquant, le 30 septembre 2021, le «système politico-militaire» de l’Algérie, se permettant ainsi de s’ingérer dans les affaires internes d’un Etat, oubliant que celui-ci est tout simplement souverain. Des propos qui ont créé la surprise à Alger qui a dû réagir avec virulence dans un sévère communiqué de la Présidence.
Le Président sortant s’est permis non seulement de traiter son homologue Abdelmadjid Tebboune d’otage d’un «système politico-militaire dur» mais il va beaucoup plus loin dans son arrogance en insultant la mémoire des Algériens : «(…) Est-ce qu’il y avait une nation algérienne avant la colonisation française ? Ça, c’est la question», dit-il, avant d’ajouter plus loin : «(…) On voit que le système algérien est fatigué, le Hirak l’a fragilisé», oubliant que la France ressemble de plus en plus à une république bananière qui a perdu son indépendance, où «souveraineté populaire», «citoyenneté», «classe moyenne» sont des concepts qui ne veulent plus rien dire.
La révolte réprimée des Gilets jaunes, cette classe sociale de travailleurs à la limite du seuil de pauvreté, qui bat le pavé chaque samedi pour réclamer plus de justice sociale, consciente d’être victime de domination par une autre classe formée de quelques personnes devenues extrêmement riches en un temps record, est symptomatique d’un Etat malade de sa gouvernance. Un mouvement qui n’a d’ailleurs rien à voir avec un Hirak infiltré et manipulé depuis Paris, Londres et Genève où ils sont protégés par des soi-disant opposants, membres d’une organisation classée terroriste par les autorités algériennes, et menaçant de couper les têtes des généraux d’une Armée nationale populaire qui veille aux intérêts de la nation et à l’intégrité territoriale du pays, menacé par le déploiement israélien à l’Ouest, par l’intensification des relations entre Tel-Aviv et le maréchal Haftar à l’Est et, enfin, par la déstabilisation de la bande saharo-sahélienne au Sud.
Evoquant, à quelques jours du second tour, un «nouveau péril pour la cohésion de la population française», population, soit dit en passant, qu’on pourrait facilement scinder en trois groupes (la classe moyenne qui s’appauvrit de plus en plus, des immigrés déracinés et, enfin, une classe dominante qui n’entend pas perdre ses privilèges), les principales institutions juives de France, dont le Crif, appellent à voter Macron, au second tour, au nom de la défense des «valeurs républicaines».
Et comme il fallait s’y attendre, deux fédérations musulmanes ont exhorté, vendredi 15 avril, les fidèles à «glisser un bulletin au nom d’Emmanuel Macron», emboitant le pas ainsi au Crif et aux autres institutions juives. La Grande Mosquée de Paris organiserait même, mardi 19 avril, un Iftar de «soutien à la réélection du président de la République Emmanuel Macron».
Quand on sait que des candidats de la trempe de François Asselineau qui appelle à faire barrage à Macron auraient été empêchés d’être de la course électorale ; quand on sait que plus du tiers des personnes qui ont voté Jean-Luc Mélenchon ont pour consignes de voter blanc ou nul ; quand on sait que le seul programme de campagne que défend Emmanuel Macron est la diabolisation de Marine Le Pen ; quand on sait que celui-ci n’est pas parvenu au second tour par son impopularité mais qu’il continue de bénéficier du soutien médiatique et financier de qui on sait (ces grandes fortunes mondiales qui font de la politique dans les coulisses), l’espoir du changement est très mince pour ceux et celles qui aiment véritablement ce pays.
Cependant, la diabolisation médiatique de Marine Le Pen va-t-elle fonctionner cette fois-ci ? quand on sait que la fille de Jean-Marie Le Pen a transformé le parti dont elle a hérité, que celui-ci s’appelle désormais Rassemblement National (RN) et que, selon certains analystes, le RN n’est pas un parti d’extrême-droite mais un parti gaulliste.
S’adressant au Algériens, Marine Le Pen se veut rassurante : «(…) et ensuite de nouer progressivement des relations normales d’Etat souverain à Etat souverain (…) je souhaite nouer des relations amicales avec le peuple algérien parce que c’est notre intérêt mutuel et parce que c’est une question au fond plus sentimentale de part et d’autre que rationnelle ou économiquement indispensable pour la France…»
Faisant de la politique, il est tout à fait normal que cette femme de caractère, cette militante courageuse, s’adonne à cet art extrêmement difficile qui est l’équilibrisme. En face, elle a des électeurs qu’elle doit ménager et dont elle espère des voix qui feront la différence le 24 avril prochain.
La stratégie de diabolisation médiatique n’a pas réussi à vaincre Vladimir Poutine, resterons-nous d’éternels dindons de la farce et continuer à être bernés par un système qui est en train de s’effondrer, au point de croire encore que Vladimir Poutine et Marine Le Pen sont des monstres ?
A bon entendeur, salut !
N. A.
Ecrivain (Essonne, France)
(1) Plaidoyer pour les intellectuels
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