Affaire Khalifa : l’ancien milliardaire devant ses juges en mars
Le procès de l'ancien milliardaire Abdelmounème Rafik Khalifa se tiendra en mars devant le tribunal de Blida, selon des sources judiciaires à Alger répercutées par l’hebdomadaire Jeune Afrique mais sans que la source donne une date exacte du procès. L'ex-patron du groupe éponyme sera jugé dans le cadre de l'affaire Khalifa Bank pour laquelle il a déjà été condamné, en 2007, par contumace à la réclusion à perpétuité. Elle avait commencé par la découverte par la Banque d’Algérie d’un trou financier de 3 milliards de dollars au niveau de la caisse principale de cette banque privée. Réfugié à Londres depuis 2003, Abdelmoumène Rafik Khalifa a été extradé en décembre 2013 du Royaume-Uni vers l'Algérie et immédiatement incarcéré dans une prison de la capitale. Condamné pour «association de malfaiteurs, vol qualifié, détournement de fonds, faux et usage de faux», neuf autres inculpés avaient également été condamnés par contumace à vingt ans de prison ferme dans ce premier procès. Impliqué également en territoire français, l’ex-patron du groupe Khalifa avait été condamné, en octobre 2014, par un tribunal français à cinq ans de prison pour avoir organisé «le pillage» de sa société juste avant sa liquidation, en «la vidant de certains de ses actifs les plus significatifs», notamment des propriétés et des voitures de luxe, et dans une affaire impliquant deux des entreprises de son holding (Khalifa Airways et Khalifa Rent Car) implantées à Puteaux (Nanterre). Lors du procès de première instance, en 2007, plusieurs témoins, dont des ministres occupant des portefeuilles de souveraineté et soupçonnés d’avoir accordé des facilités au golden boy, avaient reconnu publiquement les actes qui leur étaient reprochés. Mais cela n’avait aucunement entraîné de poursuites judiciaires à leur encontre. Beaucoup d’Algériens ont encore en mémoire la fameuse phrase de Mourad Medelci, ministre des Finances à l’époque des faits : «Je n’étais pas assez intelligent.» Nombreux sont également ceux qui se souviennent de la déclaration d’Abdelmadjid Sidi-Saïd, patron de la Centrale syndicale : «J’assume !» affirmant de ce fait avoir lui-même mis l’argent de la Cnas dans les caisses de la Banque Khalifa. D’autres noms pourraient être également convoqués lors de ce procès en appel qui promet bien des surprises, dont ceux de Abdelmadjid Tebboune, limogé au lendemain du procès de 2007 mais qui a récupéré son fauteuil de ministre de l’Habitat, et de Abdesselam Bouchouareb, un des pontes du RND. L’audience de mars prochain sera-t-elle en mesure d’éclairer définitivement les Algériens ? Ou, à défaut d’une vérité assumée par les décideurs, devra-t-on s’en tenir encore à des déclarations d’ex-ministres de la République et même d’officines occidentales qui ont tendance à dévoiler des indiscrétions sur la voie publique ? Dans une intervention au forum du journal Echourouk, l’ancien ministre de l’Economie Abdelatif Benachenhou disait s’être opposé au démantèlement de la Khalifa Bank et de Khalifa Airways, et qu’il avait plaidé pour la nationalisation du Groupe et la récupération de ses actifs. Selon lui, il y avait eu une forte opposition de «certaines voix qui demandaient de radier le nom Khalifa des registres de l’histoire». Ali Bennouari, l’ex-ministre délégué au Trésor a, lui, carrément accusé les Français d’être derrière la liquidation du groupe Khalifa. Par ailleurs, un câble Wikileaks sur une entrevue, le 31 janvier 2007, entre un expert financier algérien et l’ambassadeur Robert S. Ford laissait dire que les Américains soupçonnaient que la liquidation de Khalifa relevait d’un deal entre les dirigeants algériens et le renseignement français, «justement pour laisser le champ libre aux banques françaises en Algérie». Selon Wikileaks, Khalifa était devenu trop grand en un tout petit laps de temps, et les Français, qui voulaient avoir leur part du gâteau, ont misé sur l’imprudence du play-boy Abdelmoumène pour appuyer leur thèse et faire tomber la banque. Wikileaks avait-il raison ? En tout cas, les banques françaises Société Générale et BNP Paribas ont ouvert, entre-temps, près d’une centaine d’agences en Algérie.
Rafik Bahri