Le wali de Boumerdès à Chabet El-Ameur : «Je suis déçu !»
En rupture avec les visites protocolaires, la visite du nouveau wali de Boumerdès, Madani Fouatih Abderrahmane, ce jeudi 3 novembre à Chabet El-Ameur, a permis à ce dernier de découvrir l’incroyable faillite locale et celle de quelques membres de l’Exécutif de wilaya qui ont abandonné les projets de développement à leurs blocages bureaucratiques. «Je suis déçu !» ne sera pas, hélas, la seule remontrance à l’adresse du personnel censé incarner l’action de l’Etat dans cette commune sinistrée.
Il est dix heures quand le cortège du wali arrive au premier point de la visite. La petite fille innocente en robe kabyle et le plateau portant un litre de lait dans son vulgaire emballage, porté par une élue, ne suffiront pas à amadouer le premier responsable de la wilaya manifestement décidé à secouer le cocotier. La présentation de la directrice des travaux publics sur la modernisation de la RN 68 et différents chemins de wilaya suscitent des remarques précises, des questions pointues qui renseignent sur le niveau d’information du nouveau wali quant aux projets en question. La directrice s’en sort tout de même bien. Ouf ! Malheureusement, la suite sera moins glorieuse.
Visitant la nouvelle cité à l’entrée sud-est de la commune, composée de logements sociaux graduellement réalisés et en cours de distribution, le wali donne des instructions. «Attribuez le plus vite possible les logements habitables aux demandeurs qui ouvrent droit et terminez l’éradication des chalets sans laisser aucune brèche pour de nouveaux contentieux.»
Direction le «centre-ville». La halte au niveau de l’usine d’un investisseur privé produisant des chaussettes en fil d’Ecosse sera la dernière étape sereine de la visite. Dès que le wali, descendu du bus transportant sa délégation, foule le sol du chef-lieu de commune, le spectacle affligeant d’un grand chantier en détresse lui saute aux yeux. C’est qu’il vient de rendre visite à la famille du défunt Seddiki Rabah, citoyen décédé devant son domicile, début octobre, empalé sur les tiges de ferraille d’un regard dans la rue principale sans éclairage public.
APC et DUC défaillants
Les explications fournies par l’entrepreneur chargé de l’aménagement urbain, au milieu de la foule de citoyens suivant pas à pas la visite du wali, révoltent le premier responsable de la wilaya. Il interpelle aussitôt le directeur de l’urbanisme et de la construction, maître d’ouvrage défaillant à l’instar de l’Exécutif communal qui n’ont pas daigné accorder un suivi technique et la vigilance nécessaire pour ces travaux en cours de réalisation.
«Je suis déçu !», lâche le wali, ébranlé par les preuves criardes de la négligence et de la faillite de l’Etat qu’il représente. «Ces citoyens ont donc raison de se soulever contre votre gestion!» Réflexion spontanée qui ne l’empêche pas de prendre des décisions d’urgence. «Je convoquerai dans l’immédiat l’entreprise et tous les responsables concernés pour éliminer les entraves et accélérer les travaux jusqu’au revêtement des routes (…) pas question de 24 mois de délai, on ne va pas élever des gratte-ciel que je sache !»
Tous les projets bloqués
La suite de l’inspection confirme la faillite. Un marché couvert livré en août 2014 mais toujours pas ouvert, une antenne de la Protection civile dont les travaux de fondations sont à l’arrêt depuis quatre années, le projet d’une piscine semi-olympique qui peine à être lancé malgré un semblant de terrassement, la bibliothèque communale à l’arrêt au niveau du sous-sol alors que le budget a été épuisé en raison de contraintes imprévues… «C’est votre mauvaise gestion qui a conduit à ce crime économique» tranche le wali à qui le P/PC explique que l’enveloppe a été consommée et qu’il faudrait encore le même montant pour terminer la réalisation. Malaise général. Le wali ne cache pas sa stupéfaction. Plus que de la colère.
Le wali choqué
Invité à faire une pause au niveau du siège de la commune, il boycotte la collation offerte par un exécutif local qui n’assume pas ses missions essentielles au service du développement. La visite se termine devant l’immeuble LSP déstabilisé par un terrassement irresponsable. Bâtiment à réformer mais encore occupé par des résidents pourtant relogés officiellement dans la nouvelle cité. Imbroglio que le wali n’arrive pas à comprendre. C’en est trop pour ce dernier qui quitte la commune après avoir mesuré l’humiliante offense aux institutions de la République infligée par des commis de l’Etat et des élus incompétents. Le comité citoyen de Chabet El-Ameur, qui a animé la protestation pacifique citoyenne réclamant la venue du wali, regrette de ne pas avoir pu présenter sa plate-forme de revendications, ni écouter le bilan de l’Exécutif. Il faudra peut-être que le wali, pourtant expérimenté, se remette du choc chabétois après sa visite dans la commune sinistrée de plus de 35 000 âmes.
Akli Tira
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