Le torchon brûle entre la Mauritanie et le Maroc
Le Premier ministre marocain, Abdelilah Benkirane, a été instruit par le roi Mohammed VI pour se rendre en urgence aujourd’hui en Mauritanie pour rencontrer le président mauritanien, Mohamed Abdelaziz. La raison de ce voyage qui n’était pas du tout prévu au programme ? Essayer de réparer le énième et grave impair diplomatique causé par le très grossier et immature Hamid Chabat, secrétaire général du parti Istiqlal qui s’est remis à rêver et à voix haute du « grand Maroc ».
Connu depuis longtemps pour ses mufleries et ses sorties politiques hasardeuses, Hamid Chabat avait affirmé samedi dernier d’une manière irresponsable, lors d’une rencontre syndicale de son parti, que «la Mauritanie est une terre marocaine». «C’est pour affirmer l’attachement du Maroc à préserver des relations amicales et fraternelles avec ce pays que Abdelilah Benkirane effectue le déplacement en Mauritanie», ont reconnu les services de la primature marocaine.
Afin d’éviter d’amener l’Etat mauritanien à croire que Hamid Chabat bénéfice du soutien du palais royal, le ministère marocain des Affaires étrangères avait pris le soin de dénoncer plus tôt les propos de Hamid Chabat, en rejetant «vigoureusement ces déclarations qui portent atteinte aux relations avec un pays frère et démontrent une méconnaissance profonde des orientations de la diplomatie marocaine, tracées par le roi Mohammed VI et qui prônent le bon voisinage, la solidarité et la coopération avec la Mauritanie sœur». Et d’ajouter que le Maroc «déclare officiellement son respect total des frontières connues et reconnues par le droit international de la République islamique de Mauritanie et son intégrité territoriale».
Ainsi qu’il fallait s’y attendre, les déclarations aussi choquantes que déplacées de Chabat ont provoqué l’ire des autorités mauritaniennes. Dans un communiqué incendiaire, diffusé dimanche 25 décembre, l’Union pour la république (UPR), le parti au pouvoir en Mauritanie, s’attaque dans les termes les plus vifs à Hamid Chabat et, plus largement, à l’élite politique du Maroc. Le comportement de Hamid Chabat serait, selon l’UPR, symptomatique «de la dégénérescence et de la faillite politique au Maroc», et trahirait «le manque de vision stratégique des élites marocaines».
Pour l’UPR, «parler de la subordination de la Mauritanie au Maroc est une tentative d’exporter les crises et les échecs partisans internes». «Ceux qui sont familiers avec l’histoire savent que nous (les Mauritaniens, ndlr) sommes le tout, et eux (les Marocains, ndlr) la partie, et que nous sommes les bâtisseurs de Marrakech et les vainqueurs de Sagrajas», lit-on dans le communiqué. Et l’UPR d’appeler «tous les leaders de l’Istiqlal et les élites du Maroc à présenter des excuses à la population mauritanienne», tout en se réservant «le droit de réponse approprié».
Cette sortie hasardeuse de Chabat risque d’envenimer des relations déjà tendues avec son voisin mauritanien. Surtout lorsque l’on sait que Mohamed Abdelaziz a la rancune tenace. Elle risque également de ternir davantage l’image du Maroc, qui est déjà connu en Afrique pour sa politique étrangère extrêmement belliqueuse. Le peuple sahraoui en sait, d’ailleurs, quelque chose.
Khider Cherif
Comment (44)