Document – Le message du FLN historique qui prouve que l’Algérie n’est pas antisémite
Dans tous les organes d’information pro-israéliens qui pullulent sur la Toile et leurs relais politico-idéologiques, l’Algérie est cataloguée parmi les quatre ou cinq pays «les plus antisémites» de la planète aux côtés de l’Iran, du Liban et de la Syrie. Un cliché qui remonterait à la guerre de 1967, dans laquelle l’Algérie avait pris une part active, au double plan diplomatique et militaire. Depuis cette date, le soutien de l’Algérie à la cause palestinienne s’est illustré par des prises de position systématiques en faveur de la résistance contre l’occupation israélienne et, par ricochet, contre toute forme de normalisation avec l’entité sioniste.
Plus qu’un cliché, le classement de l’Algérie comme pays antisémite est une hérésie lorsqu’on sait que le FLN historique avait toujours considéré les juifs d’Algérie comme citoyens algériens à part entière, comme l’atteste un document rare, signé par Krim Belkacem, ministre des Forces armées et vice-président du GPRA. Ce document démonte toute la littérature qui est faite sur un soi-disant antisémitisme algérien et discrédite à la fois les islamistes qui, s’arc-boutant sur des interprétations étriquées des textes sacrés, distillent une image stéréotypée des juifs au point d’en faire l’ennemi numéro un de l’Algérien, confondant sciemment juif et Israélo-sioniste.
Dans cet appel écrit dans un style direct et concis, et d’une pertinence telle qu’il mérite d’être porté au plus grand nombre, le GPRA exhorte les juifs algériens à participer à la libération du pays, qui est le leur, et surtout à éviter les pièges de l’OAS. D’entrée, l’auteur du texte écrit : «L’indépendance de l’Algérie est proche. L’Algérie est la patrie de tous les Algériens, sans distinction de confession. Vous êtes des Algériens au même titre que les autres citoyens algériens. L’Algérie indépendante restera votre patrie», les rassure-t-il.
Dans le paragraphe qui suit, le GPRA invite les Algériens de confession juive à exprimer leur adhésion massive au combat libérateur et à ne pas suivre les ultras et les démagogues», allusion aux criminels de l’OAS qui avaient, en pleines négociations d’autodétermination, déclenché leur politique de la terre brûlée pour empêcher le processus d’indépendance d’aboutir. «Leurs intérêts ne correspondent pas aux vôtres», les prévient-il. «Le colonialisme veut votre division. Nous voulons l’union, parce que l’Algérie est la patrie de tous les Algériens», insiste le rédacteur de l’appel, avant d’en appeler à la conscience des juifs algériens : «Unissons-nous pour la paix», et de s’engager solennellement pour assurer la protection de cette communauté : «Le Gouvernement provisoire de la République algérienne vous garantit votre avenir ainsi que celui de vos enfant.»
Cet appel du cœur à l’adresse des juifs d’Algérie fait suite à de nombreuses démarches initiées par la direction de la Révolution en vue de rassurer cette communauté que l’occupant français a toujours essayé de séparer du reste de la collectivité nationale, d’abord en leur octroyant d’«office» la citoyenneté française à travers le fameux décret Crémieux de 1870. Dans une lettre au grand Rabbin et membre de la communauté israélite d’Algérie, daté du 1er octobre 1956, le FLN estimait déjà que «le moment est venu où chaque Algérien d’origine israélite, à la lumière de sa propre expérience, doit sans aucune équivoque prendre parti dans cette grande bataille historique».
Et de leur rappeler leur rôle dans la grève des commerçants à laquelle le FLN avait appelé quelques semaines auparavant. «Vous n’ignorez pas, chers compatriotes, que le FLN, inspiré par une foi patriotique élevée et lucide, a déjà réussi à ruiner la diabolique politique de division qui s’est traduite dernièrement par le boycottage de nos frères commerçants mozabites, et qui devait s’étendre à l’ensemble des commerçants israélites. Cette double tentative que nous avons étouffée dans l’œuf était, comme par le passé, ourdie par la haute administration et mise en application par une poignée d’aventuriers escrocs au service de la police», lit-on encore dans le document.
S’ensuit un rappel de l’évolution historique de la communauté juive en Algérie qui laisse à méditer : «Depuis la Révolution du 1er Novembre 1954, la communauté israélite d’Algérie, inquiète de son sort et de son avenir, a été sujette à des fluctuations politiques diverses. Au dernier Congrès mondial juif de Londres, les délégués algériens, contrairement à leurs coreligionnaires de Tunisie et du Maroc, se sont prononcés, à notre grand regret, pour la citoyenneté française. Ce n’est qu’après les troubles colonialo-fascistes du 6 février, au cours desquels ont réapparu les slogans antijuifs, que la communauté israélite s’est orientée vers une attitude neutraliste. Par la suite, à Alger notamment, un groupe d’Israélites de toutes conditions a eu le courage d’entreprendre une action nettement anticolonialiste (…). Ceux-là n’ont pas oublié les troubles antijuifs colonialo-racistes qui, sporadiquement, se sont poursuivis en pogroms sanglants jusqu’au régime infâme de Vichy. La communauté israélite se doit de méditer sur la condition terrible que lui ont réservée Pétain et la grosse colonisation : privation de la nationalité française, lois et décrets d’exception, spoliations, humiliations, emprisonnements, fours crématoires, etc.»
R. Mahmoudi
(Voir le fac-similé du message dans la rubrique «Documents»)
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