Médiation algérienne dans le dossier libyen : l’Etat a-t-il mandaté l’islamiste Mokri ?
Le président du Mouvement de la société pour la paix (MSP), Abderrazak Mokri, se trouve depuis hier, jeudi, en Tunisie, où il a rencontré le leader du mouvement Ennahdha tunisien, Rached Ghannouchi, chez lui, ainsi que l’ambassadeur d’Algérie à Tunis, Abdelkader Hadjar, révèle Mokri sur sa page Facebook. Si le chef du MSP n’en dit pas plus sur cette visite, il est clair que celle-ci s’inscrit dans le cadre des efforts de médiation entamée conjointement par l’Algérie et la Tunisie en vue de ramener les différentes factions islamistes libyennes à accepter un compromis avec les autres protagonistes de la crise qui secoue la Libye depuis maintenant six ans.
Cette implication du principal parti islamiste algérien dans une sorte de diplomatie parallèle encouragée par Alger pour soutenir le processus de paix en Libye, bien qu’elle ne soit pas encore totalement assumée, restera une première dans les annales de la diplomatie algérienne. Politiquement, le MSP tentera immanquablement de tirer des dividendes directs de son engagement aux côtés de l’Etat algérien, à l’orée d’une échéance électorale importante. Déjà que ce parti, allié à d’autres formations islamistes, multiplie les initiatives et les déclarations affichant son intérêt pour une entrée au gouvernement, à l’issue d’un scrutin qui devrait, selon les prévisions de Mokri, conforter la position du camp islamiste.
Tout a commencé par la visite effectuée le 22 janvier dernier par Rached Ghannouchi à Alger où il a été reçu par le président Bouteflika. Le chef du mouvement Ennahdha avait affirmé qu’il menait une diplomatie parallèle dans le cadre des efforts tous azimuts menés par les deux pays en vue de trouver une solution politique à la crie libyenne qui menace la stabilité de toute la région.
Cette visite sera suivie, deux jours plus tard, par un déplacement, tenu au début secret, du chef de cabinet de la présidence de la République, Ahmed Ouyahia, à Tunis, où il rencontré chez le leader islamiste tunisien Rached Ghannouchi un dignitaire islamiste libyen, Ali Salabi, en présence d’Abdelkader Hadjar.
Ouyahia a assuré son interlocuteur libyen de l’engagement de l’Algérie pour une solution politique et négociée à la crise qui secoue ce pays voisin, «loin de toute ingérence étrangère». Il a soutenu que seule une réconciliation interlibyenne était susceptible de mettre fin à la situation actuelle, mettant en exergue l’expérience algérienne dans le domaine de la concorde civile et de la réconciliation nationale qui, selon les termes du chef de cabinet de la Présidence, ont «permis à l’Algérie de tourner la page de la tragédie nationale».
De son côté, le prédicateur libyen a pris acte devant Ouyahia que «l’Etat algérien a pour orientation la réconciliation libyenne, l’arrêt de l’effusion de sang et la stabilité du pays, cette orientation et les positions de l’Algérie sont explicites et claires». Il ajoute que «l’Algérie est contre l’ingérence étrangère et pour le dialogue libyen-libyen et la stabilité du pays, parce que la stabilité de la Libye est indispensable à la stabilité de la région».
R. Mahmoudi
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