Riyad retourne le qamis
Par Kamel Moulfi – Que les Etats-Unis mettent Daech sur la liste des organisations terroristes tout en contribuant au développement de ses appendices en Syrie, au motif qu’ils contribuent à la déstabilisation du «régime» de Bachar Al-Assad, n’étonne plus personne, mais que les Saoudiens en fassent de même, en se lavant les mains du terrorisme wahhabite qu’ils ont créé, entretenu et financé, voilà de quoi surprendre et désorienter les meilleurs observateurs. Que s’est-il passé pour que le grand mufti d’Arabie Saoudite, Abdel Aziz Al-Cheikh, s’en prenne violemment à Daech – traduit par les médias, dans un raccourci significatif, par «Etat islamique» – et à Al-Qaïda, devenus subitement, à ses yeux, l’«ennemi numéro un de l'islam» ? Il y a sans doute, dans ce changement de cap, l’effet de la peur panique chez les parrains américains qui ont donné ordre à l'Arabie Saoudite, elle-même parrain de l'intégrisme islamiste dans les années 80, puis son corrolaire le terrorisme dans les années 90, de retourner son qamis. Le président Barack Obama parle d’une stratégie «à long terme» contre Daech, constatant certainement que les premières frappes aériennes qu’il a ordonnées dans le nord de l'Irak n’ont pas suffi. On dit que le groupe dirigé par Abou Bakr Al-Bagdadi serait composé de dizaines de milliers de combattants et constitué en une véritable armée dotée d’un équipement moderne et puissant qui n’a rien à voir avec les bombes artisanales utilisées généralement par les groupes islamistes armés. Daech ne manque pas d’argent ; ses terroristes touchent une solde appréciable et une pension est versée à leurs familles. Le danger est pris au sérieux jusque par le Conseil de sécurité des Nations unies qui a récemment adopté une résolution pour tenter de tarir les sources de financement et de recrutement de Daech. On comprend que l’Arabie Saoudite, après avoir longtemps joué avec le feu en l’allumant et en l’attisant chez les autres, craigne, aujourd’hui, un retour de flamme qui embraserait la dynastie wahhabite. Si le Premier ministre britannique David Cameron évoque la menace de Daech qui pourrait, affirme-t-il, «cibler les rues britanniques», c’est qu’a fortiori, il y a péril en la demeure dans la région et les dirigeants saoudiens n’ont pas tort de penser que leur royaume est dans l’œil du cyclone annoncé.
K. M.
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