Comment as-tu osé, Braham ?
Par M. Aït Amara – Ainsi donc, toi, le ponctuel, le pointilleux, tu as quitté ta brigade avant l’heure. Sans m’avertir que tu allais être absent. Pour toujours. Ainsi donc, tu as abandonné ton poste, laissé tomber tes lettres, quitté ton clavier sur lequel tes doigts jouaient la musique des mots. Ainsi donc, tu as déserté le lieu où ton rire sarcastique brisait le mur de nos faiblesses quand tu détectais nos imperfections et nous sermonnais en silence à travers ton rappel à l’ordre grammatical. Ainsi donc, nous ne te retrouverons plus sur notre chemin lorsque nous aurons fait se retourner Molière dans sa tombe. Ah, la tombe ! C’était donc ça ! Tu étais pressé de rejoindre celui dont tu maniais la langue avec majesté.
Comment as-tu osé partir sans me prévenir ? Sans que tu aies rempli les formalités de circonstance ? Comment as-tu osé démissionner de la vie alors que le site que tu as vu naître et dont tu as entendu le premier cri te pleure ? N’avais-tu donc pas de cœur ? Comment as-tu osé tourner le dos à ton enfant de cinq ans à peine pour aller te prélasser là-bas, je ne sais où, t’amuser à quelque joute verbale avec je ne sais quel autre génie du syllogisme, et nous regarder d’en haut par-dessus l’épaule ? Qu’est-ce que c’est que cette arrogance, Braham ? N’étions-nous pas assez instruits à tes yeux pour que tu restes encore avec nous le temps d’une dernière correction ? Tu étais si pressé de t’éloigner des imprécis que nous sommes, toi, le méthodique, le rigoureux, le soigneux ?
Comme tu vois, mon cher Braham, je n’ai pas changé ; je te harcèle jusque dans ta tombe pour te fatiguer avec mes remontrances intempestives et mes colères incontrôlées. Comme tu vois, je ne te laisse pas reposer en paix. Car je n’arrive pas à admettre ton absence orgueilleuse.
Ton «directeur»,
M. Aït Amara
Comment (4)
Les commentaires sont fermés.