Mohcine Belabbas : «Le problème n’est pas dans la déchéance physique du chef de l’Etat»
Par Hani Abdi – Le président du RCD, Mohcine Belabbas, estime que la destitution du président de la République ne suffit pas pour surmonter la crise. Intervenant à l’ouverture de l’université d’été de son parti à Aokas, M. Belabbas clarifie davantage la position du RCD sur les appels à l’application de l’article 102 de la Constitution pour destituer le président Bouteflika.
«Non, le problème n’est pas seulement dans le feuilleton de l’interminable déchéance physique du chef de l’Etat. Ce n’est pas non plus un problème conjoncturel de vacance de pouvoir qu’il faudra combler», affirme M. Belabbas, assurant qu’il s’agit plutôt d’«un problème structurel dans le processus de décisions à tous les niveaux, de mécanismes de représentations sociales et politiques des citoyens, de légitimité démocratique des institutions, de refondation des dispositifs de médiation politique et d’alternance transparente au pouvoir, et qui ont fini par conduire à un déficit de vie politique et à un désintérêt des citoyens de la chose publique».
Considérant que, plus que jamais, la construction institutionnelle et administrative doit être repensée dans son ensemble, le président du RCD ne voit pas de solutions sans un changement total de système politique. «Ces derniers jours, on assiste sur fond d’une cacophonie dans les plus hautes sphères de l’Etat à une relance médiatique de l’application de l’article 102 de la nouvelle Constitution, une disposition légale qui peut permettre au Conseil constitutionnel d’initier un processus d’empêchement du chef de l’Etat. C’est l’équivalent de l’article 88 de l’ancienne Constitution. A propos de la santé du chef de l’Etat, lors de mon allocution d’ouverture au conseil national de décembre 2012, j’avais indiqué que son état de santé, qui n’est pas pour l’excuser, le rend incapable de gouverner, et sa destitution, en vertu de l’article 88 de la Constitution, est une urgence si on veut freiner la précipitation et l’aggravation de la crise institutionnelle et politique.» «On y est en plein !», souligne le président du RCD, pour lequel «si destitution il y a, elle doit s’accompagner d’une mise à plat du système électoral, faute de quoi, nous aurons un nouveau parrain désigné par les mêmes marionnettistes». Il assure que cette mesure ne peut pas être suffisante.
Mohcine Belabbas rappelle avoir appelé à cette mise à plat du système électoral, il y a cinq ans, «par l’urgence de la dissolution de la police politique par laquelle le régime se maintient à travers un système de surveillance et de contrôle sur les partis politiques, la société civile et plus globalement de toute la population». Il rappelle également avoir produit une proposition de constitution qui a ouvert le débat sur les réformes structurelles nécessaires pour sortir du statu quo mortifère dans lequel baigne notre pays depuis des années.
Pour le président du RCD, le blocage historique que vit le pays est dû à la dilapidation de son potentiel symbolique hérité des luttes victorieuses de notre peuple. «Cette confiscation mémorielle a servi de label et de légitimité qui ont conduit le système à se croire dispensé de valoriser nos potentialités humaines, économiques et naturelles», affirme-t-il, alertant sur «la régression des libertés, qui ne cesse de s’aggraver depuis le viol de la Constitution en 2008». Mohcine Belabbas souligne que dans sa démarche originelle, le RCD a toujours refusé de se complaire dans une attitude de commentateur de la scène nationale.
«Les initiatives et les luttes qu’il a initiées avec leur lot de sacrifices témoignent suffisamment de ce parcours. Souvent, aussi, nos propositions ont été reprises pour être vidées de leur contenu, dénaturées ou réduites à des faire-valoir démocratiques. C’est le cas de la réforme de l’école, de la réforme de la justice ou du rééchelonnement de la dette extérieure en temps opportun», relève-t-il. Il affirme que, pour le RCD, il convient d’agir pour une issue positive et, dans la mesure du possible, rapide à la crise que vit le pays.
«Notre engagement dans le regroupement d’opposition pour construire une transition démocratique est indiscutable. La plateforme de Mazafran, fruit d’une bataille politique de nos militants, met au centre les enjeux et les principes qui doivent présider à un vivre ensemble, d’égalité en droits, de solidarité et des mécanismes d’alternance au cœur desquels doit être institué un organe indépendant d’organisation de la compétition électorale. Mais nous ne sommes pas naïfs, une fois ces principes adoptés par tous, le plus dur est de changer le rapport des forces, à savoir peser pour ramener le pouvoir à la table des négociations», soutient M. Belabbas, selon lequel, l’Algérie est «à la croisée des chemins».
H. A.
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