Le Maroc échoue à faire changer de position à Washington sur le Sahara Occidental
L’intense lobbying mené durant l’année 2017 par le Maroc pour influencer la position des Etats-Unis sur la question sahraouie a été marqué par un échec, en dépit des sommes importantes dépensées à Washington pour infléchir la politique américaine au Sahara Occidental, souligne l’agence de presse sahraouie SPS.
Rabat a essuyé un nouveau revers diplomatique lorsque le Sénat a rejeté en octobre dernier une disposition du budget fédéral américain pour l’année 2018 autorisant le Maroc à dépenser une aide financière des Etats-Unis au Sahara Occidental.
La mesure adoptée par le Congrès, sur inspiration du lobby marocain au sein de la Chambre des représentants, revenait à reconnaître le Maroc comme puissance administrante dans les territoires occupés, mais se trouve en contradiction avec la position de l’Administration américaine qui a marqué en 2016 son refus catégorique de mettre en œuvre cette disposition.
Il a fallu l’intervention du Sénat pour mettre en échec cette tentative de dévier une position officielle constante de l’Administration américaine.
Plus affirmative, la chambre haute du Parlement américain a relevé dans le chapitre du budget relatif au financement des opérations du Département d’Etat à l’étranger que «rien de la présente loi ne pourra être interprété comme un changement de la politique des Etats-Unis au Sahara Occidental, qui consiste à trouver une solution pacifique, durable et mutuellement acceptable au conflit».
Rectifiant la disposition de la Chambre des représentants, le texte a précisé que tout financement qui sera octroyé aux territoires sahraouis occupés sera géré par la Mission pour l’organisation d’un référendum au Sahara Occidental (Minurso) en consultation avec le Sénat.
Il est on ne peut plus clair que sur ce dossier, le Sénat américain a confirmé que les territoires sahraouis occupés sont sous la juridiction de l’ONU et non pas celle du Maroc.
Rabat, qui espérait un changement dans la position américaine, a misé, par ailleurs, sur la nomination de l’universitaire Peter Pham à la tête du Bureau Afrique du Département d’Etat.
Peter Pham, un habitué du fil de l’agence de presse officielle marocaine (MAP), connu également pour sa proximité avec Rabat, a été l’un des prétendants à ce poste politique d’importance pour l’Afrique.
Mais le lobby marocain a essuyé un deuxième revers diplomatique lorsque la nomination de cet académicien a été bloquée par le Sénat, après les objections formulées par le sénateur de l’Oklahoma, James Inhofe, qui avait estimé que la position de Pham sur ce dossier était «incompatible» avec la qualité de responsable au Département d’Etat, selon des révélations de hauts responsables américains publiées l’été dernier par Foreign Policy.
L’influent sénateur et grand ami du Sahara Occidental a considéré que l’Administration américaine devait prendre une position plus ferme sur le statut des territoires sahraouis occupés.
Après plusieurs mois de tergiversation, l’Administration Trump a nommé en septembre dernier Donald Yamamoto à ce poste, un fin connaisseur de l’Afrique, selon plusieurs observateurs à Washington.
Au demeurant, la position américaine n’a pas changé d’un Iota à l’égard de la question sahraouie, malgré les multiples tentatives du Maroc de la faire fléchir via son lobby au Congrès.
Le Département d’Etat maintient toujours les territoires sahraouis dans sa liste des dépendances et territoires à souveraineté spéciale, dont le statut final reste à déterminer.
Agacés par l’absence de volonté de la part du Maroc de reprendre les négociations, les Etats-Unis n’ont pas caché leur préoccupation de voir le processus de paix bloqué et ont averti en avril, juste après le vote de la résolution prorogeant le mandat de la Minurso, qu’ils allaient «surveiller de près les progrès réalisés sur le terrain», dans un message à peine voilé au Maroc.
Pour Washington, les blocages dressés à la Minurso ont conduit le Conseil de sécurité à concentrer son débat sur «des détails opérationnels très spécifiques», au lieu de s’intéresser à sa véritable mission qui consiste à organiser un référendum d’autodétermination.
«Cette situation doit changer, les parties doivent laisser la mission faire son travail sans ingérence et dans le respect de tous les accords existants», avait alors déclaré Michele J. Sison, l’ambassadrice-adjointe des Etats-Unis auprès de l’ONU.
Le même constat a été ensuite confirmé en novembre par l’Exécutif américain, qui dans un rapport adressé au Congrès a affirmé que les mesures de rétorsion imposées par le Maroc à la Minurso ont «eu comme conséquence de compromettre le fonctionnement» de cette mission onusienne en l’empêchant de s’acquitter de ses fonctions.
S’en est suivi l’appel lancé par le Sénat américain à l’ambassadrice Nikki Haley à «engager le Conseil de sécurité à trouver une solution à ce conflit» vieux de plusieurs décennies. La chambre haute s’est dite «très préoccupée» par le blocage du processus de paix au Sahara Occidental.
Il importe de souligner qu’entre Washington et Rabat, les divergences persistent encore sur le règlement de cette question de décolonisation. Les Etats-Unis, qui ont rendu public en 2017 une partie de leur correspondance diplomatique relative à l’Afrique du Nord, affirment que l’occupation des territoires sahraouis par Hassan II est «une annexion par la force».
Washington voit également d’un très mauvais œil le fait que le Maroc ait sabordé les efforts de deux émissaires américains Christopher Ross et James Baker, en s’opposant également à la nomination d’un nouvel Envoyé personnel américain car jouissant du soutien du Département d’Etat.
Le rendez-vous manqué du roi Mohammed VI avec le président Trump à Miami, en Floride, en avril dernier, annoncé en grande pompe par la presse internationale et marocaine, illustre bel et bien ces divergences.
R. I.
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