Les sermons de la petite classe dirigeante à la grande classe dérangeante

La bourgeoisie s'agite pour prôner au peuple la sujétion à un système inique. D. R.

Par Mesloub Khider – Voilà qui en dit long sur la déliquescence de l’«intelligentsia» algérienne. La petite bourgeoisie intellectuelle et affairiste repue et pansue, consciente de l’imminente extinction de ses privilèges sous les effets conjugués de la crise économique et politique, pour sauver sa rentière et confortable existence parasitaire, s’agite partout pour prôner au peuple miséreux algérien en lutte, la résignation, la soumission, la sujétion à ce système inique et cynique.

Consciente du délabrement de la situation économique, effrayée par le grondement des révoltes sociales, cette classe parasitaire aux abois tente désespérément d’étouffer l’explosion de rage des travailleurs algériens par des appels à la tempérance. Effarouchée par le spectacle (car pour elle c’est un spectacle, elle qui ne pourra jamais être «acteur» de l’Histoire) des multiples salutaires grèves et manifestations menées contre les mesures antisociales et la dégradation des conditions de vie (survie), cette parasitaire catégorie sociale petite bourgeoise, souvent réfugiée au chaud en Occident ou barricadée dans ses résidences cossues d’Alger, ne manque aucune occasion pour occuper les médias afin de fustiger, stigmatiser, voire conspuer les luttes de nos valeureux et courageux travailleurs algériens en butte aux attaques antisociales sans précédent.

Mais ces piètres plumitifs, ces voix de leurs maîtres, ont beau s’époumoner pour appeler à l’apaisement du climat social, ils ne peuvent contenir la tempête sociale, endiguer la résistance du peuple travailleur algérien frappé de plein fouet par la crise économique, museler la voix de tous les protestataires solidaires avec tous les sacrifiés impécunieux de l’Algérie. Car l’Algérien, épris de justice sociale, est un perpétuel révolté. Pour sa dignité, il est prêt à laver son honneur même au péril de sa vie. Il l’a prouvé dans le passé, à l’époque coloniale ethnocidaire, il le prouve aujourd’hui, à cette époque capitaliste génocidaire. Rien n’arrêtera sa détermination à vivre dignement : ni les calomnies, ni les stigmatisations, ni les bastonnades, ni les répressions, ni les prisons, ni les cimetières. Et cette catégorie petite bourgeoise frileuse et stipendiée ne pourra jamais égaler cette majorité d’Algériens courageuse, frondeuse, grondeuse, baroudeuse, et même dans sa lutte et sa misère, joyeuse. Aucun sermon lénifiant ne pourra dissuader le vrai peuple algérien à poursuivre son combat pour vivre dans la dignité.

– La modération des revendications sociales et économiques qu’elle conseille aux Algériens ne trouve sa justification que dans l’adoration de sa richesse acquise par ses coutumières prévarications et malversations.

– Elle nous ordonne de bannir la division de l’Algérie pendant qu’elle multiple ses comptes bancaires bénis accumulés dans les autres pays.

– Tandis qu’elle nous déconseille de recourir à de radicales salutaires solutions pour résoudre définitivement nos problèmes qu’elle a contribué à répandre, elle se livre aux pires froids calculs les plus sophistiqués pour mieux pérenniser sa parasitaire existence rentière.

– Elle nous suggère de demeurer fatalement pragmatistes malgré notre cauchemardesque existence pour mieux persister à mener une vie de rêve dans son Algérie dorée et adorée.

– Elle nous invite à nous fédérer pour préserver l’Algérie, mais dans la perpétuation de la division et la misère sociales.

– Elle nous enjoint de rejeter la désunion des Algériens pendant qu’elle réunit pour son seul profit les richesses de l’Algérie.

– Elle feint de déplorer la perte des valeurs morales alors qu’elle est la première à les avoir transmuées en marchandises et converties en devises cotées aux bourses mondiales.

– Elle accuse les Algériens de s’être à fond détournés de la politique alors qu’elle est la première responsable de la politique du détournement de fonds, cause de cette désaffection politique.

– Elle reproche aux Algériens leur incivisme, alors que c’est son incivilité immorale financière érigée en modèle pédagogique qui en est responsable.

– Elle nous enjoint de prier immobiles le ciel pour soulager notre misérable existence pendant qu’elle soulage son volumineux et pécunieux portefeuille sous d’autres cieux par l’acquisition de biens immobiliers.

– Elle nous convie à respecter les lois de la République alors que sa République autocratique s’est établie depuis l’indépendance sur l’irrespect et la négation du droit… de l’homme algérien.

– Elle nous invite à nous armer scolairement pour réussir notre vie professionnelle alors qu’en Algérie la vie professionnelle réussit surtout aux roublards dénués de toute instruction scolaire.
– Elle prône la solidarité entre tous les Algériens alors qu’elle est la première à ériger l’égoïsme en modèle d’existence.

– Elle nous incite à cultiver la fierté nationale mais en omettant de nous fournir une existence digne pour irriguer et fertiliser cette fierté.

– Elle bâtit à profusion des mosquées pour soi-disant notre bien spirituel tandis qu’elle s’ébroue avec effusion dans ces lieux de plaisir où coulent à flot les divers spiritueux.

– Elle nourrit notre progéniture aux plats indigestes de l’école arabe islamisée instaurée en Algérie pendant qu’elle se restaure avec ses héritiers aux plus raffinées écoles étrangères servies dans les plus prestigieuses langues européennes.

– Elle nous invite régulièrement à participer massivement aux imposantes élections présidentielles mais le même massif et imposant président s’invite toujours au même fauteuil pour prolonger sa réélection avec la même infime participation électorale.

– Elle nous enseigne de vénérer l’unique Livre saint pour enrichir notre misérable vie de spiritualité pour le plus grand profit de notre religieuse Algérie pendant qu’elle révère, elle, uniquement ses multiples livres d’épargne sales, qu’elle amasse dans diverses banques mondiales, pour son plus grand enrichissement personnel.

– Elle nous recommande la tempérance dans nos revendications salariales et sociales tandis qu’elle ne temporise pas ses efforts pour remplir davantage ses coffres-forts.

– Elle nous rappelle constamment à notre devoir de vigilance pour la défense de la patrie alors qu’elle est la première à défoncer la patrie à coups de braquages financiers intérieurs et d’opium du peuple.

– Elle nous dispense des leçons de morale pour mieux nous conduire dans la vie mais elle se dispense de s’appliquer cette conduite morale pour mieux nous infliger ses rançons du pays en échange de notre liberté servile.

– Elle nous enjoint de vénérer la mémoire de notre glorieuse révolution nationale algérienne pour mieux nous faire oublier qu’elle nous réserve encore le même sort que l’ancien colon.

M. K.