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Le constat des Africains à Alger : «C’est maintenant que commence la marche vers la justice historique»

Par Houari A. – Après deux jours d’échanges denses et de témoignages d’experts, la Conférence internationale sur les crimes du colonialisme en Afrique s’est achevée à Alger sur un message clair : l’heure est venue pour le continent africain de reprendre la main sur son récit historique et sur son destin politique.

En clôturant les travaux, le ministre des Affaires étrangères, Ahmed Attaf, a souligné que cette rencontre n’avait rien d’un simple rendez-vous académique. Selon lui, les débats ont marqué un tournant dans la manière dont l’Afrique envisage son passé colonial, mais surtout son avenir. «Ce n’était pas une commémoration symbolique, mais un moment fondateur où l’Afrique s’est replacée au centre de sa propre histoire», a affirmé le chef de la diplomatie.

L’un des enseignements majeurs du colloque est que les effets du colonialisme, loin d’appartenir exclusivement au passé, continuent d’imprégner les trajectoires économiques, les rapports de force et les modes de gouvernance du continent. Les participants ont insisté sur l’existence d’un système d’héritages coloniaux toujours opérant, façonnant les inégalités et les dépendances actuelles.

Pour Attaf, il ne s’agit plus de se limiter à des condamnations morales. L’enjeu est désormais de bâtir un véritable projet politique, juridique et économique permettant aux Etats africains de redevenir acteurs et non plus spectateurs des dynamiques internationales qui les concernent. «Nous passons de la description de la souffrance à la construction de la puissance», a résumé le ministre.

Les travaux ont également mis en avant l’idée que la mémoire n’est pas un patrimoine neutre, mais un attribut de souveraineté. L’Afrique, ont affirmé plusieurs intervenants, ne peut plus accepter que son histoire soit racontée de l’extérieur. Reprendre le contrôle de cette mémoire, c’est aussi renforcer la capacité du continent à se positionner sur la scène internationale.

Cette démarche ne se limite d’ailleurs plus aux frontières africaines. Attaf a salué l’émergence d’un front solidaire incluant les Caraïbes et l’Amérique latine, régions marquées par les mêmes logiques de domination et d’effacement historiques. Ensemble, ces espaces pourraient constituer le noyau d’un futur bloc d’influence au sein des institutions internationales – Nations unies, instances judiciaires mondiales, systèmes financiers – afin de peser davantage dans les débats sur la justice historique.

Le ministre a souligné que le sous-développement persistant de l’Afrique n’est pas seulement le résultat de facteurs internes, mais la conséquence directe de politiques coloniales méthodiques. De ce constat découle une ambition, celle d’obtenir une justice qui dépasse la question des réparations financières pour englober une redéfinition des règles du développement mondial et une remise en cause des dépendances économiques qui brident encore le continent.

A l’issue de la conférence, Attaf s’est dit convaincu que l’Afrique dispose désormais des outils théoriques, juridiques et humains nécessaires pour mener ce combat sur la durée. La véritable valeur de ce rendez-vous, a-t-il conclu, résidera dans la capacité des Etats africains à transformer l’élan de ces journées en une stratégie unifiée et durable : «C’est maintenant que commence réellement la marche vers la justice historique.»

H. A.

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