Par Kamel M. – Le 21 novembre 2022, Maître Mohamed Ziane, avocat et figure historique de la défense des droits de l’Homme au Maroc, a été arrêté. La justice venait de confirmer en appel sa condamnation à trois ans de prison ferme. A 80 ans, il croupit aujourd’hui derrière les barreaux pour avoir réclamé ce qui devrait être une évidence dans toute démocratie : que la lumière soit faite sur la gestion des richesses du Maroc, notamment les revenus du phosphate. La monarchie et la classe politique détournent ces ressources, privant le peuple de ses bénéfices légitimes, dénonce l’avocat octogénaire.
L’affaire, pourtant emblématique, est passée sous les radars dans les médias occidentaux, et particulièrement en France. Là où la condamnation de l’agent Boualem Sansal a déclenché indignations et débats médiatiques, jusqu’après la grâce présidentielle pour raisons humanitaires, le sort de Maître Ziane est resté dans l’ombre. Silence assourdissant des chaînes d’information, mutisme des éditorialistes et des députés français. Le contraste est saisissant. Il ne s’agit pas d’un oubli, mais d’un véritable blackout médiatique. La France, qui se gargarise des droits de l’Homme, choisit de fermer les yeux lorsqu’un avocat marocain âgé est emprisonné pour avoir dénoncé la corruption et exigé des comptes.
Ce silence n’est pas neutre. Il révèle une hiérarchie implicite de l’indignation. Certains régimes sont jugés «tolérables» parce qu’ils servent des intérêts stratégiques, économiques ou diplomatiques, tandis qu’un Etat jaloux de sa souveraineté comme l’Algérie déclenche des tempêtes médiatiques. Dans ce contexte, Me Ziane devient un symbole de la justice bâillonnée et d’une liberté d’expression contingentée par les intérêts géopolitiques. Son crime, en réalité, est d’avoir osé dire tout haut ce que beaucoup pensent tout bas, à savoir que la richesse nationale marocaine est siphonnée au profit d’une minorité et au détriment des citoyens.
A 80 ans, Maître Ziane n’a plus rien à perdre, sinon sa dignité et sa liberté. Mais sa détention pose une question fondamentale sur le traitement des défenseurs des droits humains au royaume du couple Mohammed VI-André Azoulay, et sur la responsabilité morale des pseudo-démocraties de la rive nord de la Méditerranée. «Laisser un homme âgé pourrir en prison pour avoir demandé des comptes est à la fois inhumain et profondément révélateur des limites de l’engagement occidental pour les droits de l’Homme», dénoncent des Marocains en exil.
La France, qui se targue de son rôle de phare des libertés, montre ici ses failles et son hypocrisie. Le faux écrivain Boualem Sansal bénéficie de la médiatisation et d’une intervention politique humanitaire, tandis que Maître Ziane reste oublié, invisible dans les colonnes et les plateaux. Ce double standard est symptomatique d’une politique de communication qui priorise l’opinion publique et les alliances stratégiques plutôt que la justice et la solidarité humaine.
L’histoire de Maître Mohamed Ziane n’est pas un simple fait divers judiciaire. Elle est le symbole d’une lutte pour la transparence, la justice et la liberté d’expression sous le régime moyenâgeux de Rabat, et d’un aveuglement volontaire de la France et des médias occidentaux face aux réalités du royaume. La détention d’un avocat octogénaire pour avoir exigé que le peuple connaisse le destin de ses richesses devrait alerter toute conscience citoyenne.
K. M.


