Le «nouvel antisémitisme» est une inversion de la critique du sionisme
Par Youcef Benzatat – Le «nouvel antisémitisme», forgé en France par le lobby sioniste et ses relais intellectuels et médiatico-politiques, s’applique à toute critique contre la volonté d’Israël d’annexer intégralement la Palestine : en repoussant ses habitants vers les pays voisins ou vers l’étranger et, au mieux, en les confinant dans des ghettos sous un régime d’apartheid comme à Ghaza, lorsque ceux-ci auraient pu échapper aux massacres planifiés et exécutés méthodiquement par les soldats de l’armée israélienne ou les extrémistes religieux armés.
Toute dénonciation de séquestration de la population palestinienne dans les prisons israéliennes, des crimes commis contre des enfants, des femmes, des civils désarmés, des secouristes de la protection civile palestinienne en intervention sur les scènes de crime, des journalistes et des humanitaires activant dans les champs du massacre, comme cela se produit tous les jours en territoire palestinien occupé, est qualifiée hypocritement de «nouvel antisémitisme».
Contrairement à l’antisémitisme «traditionnel» – répandu depuis des siècles en Europe, qui a fini par produire l’une des barbaries la plus inhumaine de l’histoire contre le peuple juif, le nazisme – le nouvel antisémitisme se présente comme un jeu de brutes dans une fiction médiatico-politique dont l’intrigue se caractérise par l’inversion de la place du bourreau et de la victime.
Le faire-valoir de cette victimisation s’appuyait dans un premier temps, grossièrement, sur le droit à la légitime défense par des assassinats ciblés, l’exécution sommaire par des snipers et l’achèvement de blessés agressés arbitrairement sur la voie publique et parfois en violation de leurs domiciles. Une légitime défense justifiée sournoisement par la présence «indue» de Palestiniens, trop nombreux sur le territoire à annexer.
Or, le propre de la fiction est d’être vraisemblable, alors que dans ce jeu de brutes l’esthétique de la réception se heurte à la conscience morale de l’opinion et débouche sur la désaffection et la désapprobation.
L’opinion mondiale est aujourd’hui excessivement indignée, écœurée et consternée par les scènes de la barbarie israélienne contre la population civile palestinienne que véhicule sur internet des images diffusés en boucle au quotidien.
Dès lors que cette vielle fiction ne fait plus recette, il a fallu changer complètement de stratégie narrative dans une nouvelle diégèse où les personnages et le décor seront déplacés sur les lieux même où la désaffection s’est produite.
L’avènement du nouvel antisémitisme est la détermination de cette translation vers un nœud mondial de la fabrication de l’opinion, qui est au demeurant sous influence et bassement prise en otage. Il aura fallu inventer le fantasme du péril islamique et la haine «génétique» du juif par les musulmans, y compris par leur justification dans les textes canoniques, pour que toute critique contre la barbarie israélo-sioniste émanant d’un musulman et, par extension, de tout sympathisant avec la cause palestinienne, puisse être assimilée à de l’antisémitisme. Cette rhétorique s’appuie sur la répétition du mensonge (tikrar) jusqu’à ce qu’il s’érige en vérité et que la diabolisation des musulmans puisse affecter l’adhésion de l’opinion. Dans cette nouvelle narration du mensonge et de la propagande, l’antisionisme est considéré systématiquement comme la négation d’Israël, quand bien même cette équivoque est rejetée explicitement. La confusion de l’antisionisme avec l’antisémitisme est le prélude à l’avènement de ce nouvel antisémitisme.
Comme si les textes canoniques des autres religions monothéistes sont exemptés de toute référence à la violence et à la stigmatisation de l’autre et à toute prétention totalitaire. Il est tout à fait naturel qu’ils expriment le contexte de violence dans lequel ils sont apparus. Leur interprétation résulte, cependant, des conditions socio-politiques de chaque génération de croyants.
Cette perversion du sens de la religion musulmane – telle qu’elle est perçue aujourd’hui par les croyants hors de portée des manipulations géopolitiques et nationalistes – et la stigmatisation des musulmans à des fins propagandistes au profit de la colonisation de la Palestine s’apparentent à une échelle d’autisme qui annonce un nouveau fascisme qui ne dit pas son nom.
C’est ce nouveau fascisme qu’il faudra neutraliser pour préserver la paix dans le monde, avant qu’il ne soit trop tard, face à la menace de l’apocalypse qui se profile dans une confrontation généralisée et dans le recours aux armes de destruction massive.
Y. B.
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