Oui, la guerre, c’est la France… impérialiste
Quand un grand ponte de l’establishment doit descendre dans l’arène se colleter avec ses acolytes c’est qu’il y a de l’eau dans l’essence, dit-on par ici. Le citoyen Dominique de Villepin, ex-commis de la ploutocratie de Paris, particulièrement guerrière ces temps-ci, a publiquement pris parti contre l’aventure militaire française au Mali. L’ex-ministre Dominique de Villepin, héritier de l’ère Raffarin, rentier de l’ère Chirac et prostré de l’ère Sarkozy, s’est commis d’un écrit plein de finesse et d’hypocrisie. Son propos, tout de fil blanc cousu, va comme suit : Ne refaites pas les erreurs du passé et apprenez de vos billevesées, bande de demeurés… Non, la guerre ce n’est pas la France, déclame-t-il. Tout cela coule de source, ma foi. L’impérialisme français arrogant, revanchard et pédant, après avoir été complice dans la destruction de la Serbie, du Kosovo, de l’Afghanistan, de Djibouti, de la Côte d’Ivoire, de la Libye, de la Syrie, de la Somalie, s’attaque aujourd’hui au Mali… pensant probablement que, la proie étant plus démunie, le chacal (ou le Rafale !) en aura vite fini.
Dominique sait d’expérience l’engrenage de la dépendance à la souffrance (des peuples néo-colonisés) et il le dit d’un air déconfit : «Tirons les leçons de la décennie des guerres perdues, en Afghanistan, en Irak, en Libye. Jamais ces guerres n’ont bâti un État solide et démocratique. Au contraire, elles favorisent les séparatismes, les États faillis, la loi d’airain des milices armées. Jamais ces guerres n’ont permis de venir à bout de terroristes essaimant dans la région. Au contraire, elles légitiment les plus radicaux. Jamais ces guerres n’ont permis la paix régionale. Au contraire, l’intervention occidentale permet à chacun de se défausser de ses responsabilités. Pire encore, ces guerres sont un engrenage. Chacune crée les conditions de la suivante. Elles sont les batailles d’une seule et même guerre qui fait tache d’huile, de l’Irak vers la Libye et la Syrie, de la Libye vers le Mali en inondant le Sahara d’armes de contrebande. Il faut en finir.»
Que de sagesse ! Notez que monsieur de Villepin ne dit pas que les impérialistes français devraient s’abstenir de s’immiscer dans les affaires intérieures de leurs néo-colonies d’Afrique ; en effet, ce n’est pas ce que l’ex-candidat à la candidature suprême préconise. Il dit simplement que l’espionnage, le magouillage, la manipulation des pions dans la région, quelques strapontins et quelques valises diplomatiques bien garnies sont plus payantes que force ni que rage.
La recette militaire a été essayée sans succès, elle n’a donné que révoltés enragés, destruction des infrastructures, famine chez les futurs esclaves salariés à bientôt exploiter, moins d’affaires, moins de ressources minières à exproprier et moins de marchés à s’emparer. Pourquoi ne pas tenter la solution toute de diplomatie emberlificotée ?
Lisez plutôt : «Il faut aussi une dynamique régionale, en mobilisant l’acteur central qu’est l’Algérie et la Cédéao en faveur d’un plan de stabilisation du Sahel. Il faut enfin une dynamique politique pour négocier en isolant les islamistes en ralliant les Touareg à une solution raisonnable. (…) Telle est la responsabilité de la France devant l’histoire.» Autrement dit, faire faire la guerre de la «mère patrie» par les soldats des néo-colonies. Africains contre Africains pour le bien des métropolitains. Les pontifes français sont prompts à charger leur nation des missions du trublion que personne pourtant ne souhaite leur voir assumer. Bien entendu quelques «mécréants» diront que les intérêts de la France au Mali sont plus immédiats, plus sonnants et trébuchants et plus pressants que le ponte ne veut bien l’avouer. Ces éternels palabres africains où le maître doit à la fin, de toute façon, donner de la cravache et du goupillon, ne garantissent nullement que les pillards puissent conclure leur larcin.
«L’intervention française, baptisée Opération Serval, du nom d’un félin africain, a été décidée après que les islamistes d’Ansar Dine eurent pris plusieurs positions dans le sud du pays, notamment la région de Konna, et menacé de prendre la capitale Bamako, et donc d’avoir un contrôle total du pays (ce qui aurait placé cette organisation – qui est sous le contrôle dont on ne sait qui dans la région – en position de force pour les négociations de la cession du butin de radiation, ndlr). »
Une situation qui posait un problème à la France, non pas pour les raisons «humanitaires» si chères à Bernard Kouchner et autres BHL de ce monde, mais plus vraisemblablement parce que la société Areva, groupe industriel français spécialisé dans les métiers du nucléaire, en particulier l’extraction de minerai d’uranium, bataille depuis plusieurs années pour obtenir l’exploitation de quelques 5 000 tonnes de minerai qui se trouvent à Faléa, une commune de 21 villages et 17 000 habitants, située dans une région isolée à 350 kilomètres de Bamako, capitale du Mali.
Ah, si tous ces politiciens, ces militaires et ces terroristes-djihadistes à leur solde – le problème avec les mercenaires djihadistes c’est qu’ils se vendent au plus offrant et comme les soldats ils sont sans foi ni loi – seule l’odeur de l’argent les fait changer de camp ; si tous ces gens avaient entendu le chaman du Nord-Mali que nous avons interviewé récemment : «Mes frères, déclara le sorcier malien, croyez-vous que le nouveau Président puissant, ce monsieur Hollande de France, tirera leçon des massacres afghan et irakien et syrien et libyen ? Aucunement, et nous les attendons bientôt avec leurs armées et leur équipement de mort, venir engraisser les ploutocrates obséquieux qui tiennent lieu de Président-polichinelle à Bamako, notre capitale, entouré de son armée de pacotille en guenille, toujours prête à faire feu sur les paysans maliens, à violer les femmes et à recruter leurs enfants-soldats.»
Et le vieux marabout de conclure assis dans sa case de l’Azawad envahi : «Que tous ces preux demeurent chez eux parmi les leurs en pleurs et qu’ils laissent le Malien palabrer avec le Malien, le Noir discuter avec le Blanc, le Touareg avec le Bambara, le Bobo et le Dogon. Qu’ils laissent le chrétien africain négocier avec le musulman africain et qu’ils nous laissent en paix. Tous ces étrangers ont assez saccagé nos contrées pour ne pas insister et blesser davantage notre fierté. Dites au Président à Paris, fils de colonialistes proscrits, ce monsieur Hollande "socialiste", de ne plus s’en faire : nous Maliens, nous saurons régler cette affaire sans détruire la terre-mère qui nous appartient.
La France hors du Mali. L’Afrique aux Africains.
Robert Bibeau
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