Christine Lagarde : «L’économie algérienne est trop dépendante des dépenses publiques»
L’économie algérienne est devenue «très robuste» grâce à une gestion «avisée» de ses ressources financières mais demeure trop indépendante des revenus pétroliers et des dépenses publiques, a déclaré, aujourd’hui jeudi, à Alger, la directrice générale du FMI, Christine Lagarde. Animant une conférence sur les perspectives de croissance pour l’Algérie et dans le monde, elle a estimé que les «solides» résultats financiers réalisés par le pays dans un contexte mondial de crise sont «le résultat d’une gestion macro-économique avisée et une gestion prudente des réserves de change». L’Algérie a pu ainsi «surmonter les effets de la crise financière internationale et son économie est devenue très robuste», a-t-elle affirmé en s’appuyant surtout sur les indicateurs financiers comme la dette extérieure qui a été réduite à2,5% du PIB, les réserves de change qui atteignent 40% du PIB ou encore la croissance, prévue à 3,5% pour 2013. La «décision judicieuse» de créer le FRR (Fonds de régulation des recettes) en 2000 a aussi contribué à la réalisation de ces performances, selon Mme Lagarde qui a recommandé à l’Algérie de «continuer à épargner pour les générations futures». «L’Algérie sait exploiter de manière sage ses réserves financières», a-t-elle tranché. Mais s’il est capital que l’action publique soit présente pour assurer la croissance, il n’en demeure pas moins que l’économie algérienne reste «très dépendante du secteur des hydrocarbures», a-t-elle cependant averti. La dépendance vis-à-vis des revenus pétroliers, «inégalée» selon elle, n’est pas la seule «source de tensions» pour l’Algérie, mais c’est surtout le fait que le secteur des hydrocarbures ne contribue pas assez à la création d’emplois, a-t-elle estimé. «Les hydrocarbures représentent 40% du PIB algérien et 98% des exportations mais seulement 2% de l’emploi», a-t-elle argumenté évoquant à ce titre «un déséquilibre apparent qui nécessite une meilleure gestion des risques». En plus, la dépendance de l’économie algérienne vis-à-vis des financements et des investissements publics mérite d’être traitée «ardûment», selon elle. «Le financement public ne peut pas continuer à tout faire», a-t-elle dit en reprenant le proverbe algérien qui dit «yed wahda ma t'saffak» (une seule main ne peut pas applaudir). L’Algérie a l’occasion de créer sa propre réussite, mais comme l’économie réelle n’est pas encore capable de prendre le relais de la croissance en Algérie, il serait plus qu’utile, préconise-t-elle, d'améliorer le climat des affaires et l’accès aux services financiers, et réduire la bureaucratie de l’administration pour booster l’investissement privé. Par ailleurs, l’inflation, estimée à 8,9% en 2012, et le chômage, qui a atteint 10% en 2011 avec un taux beaucoup plus important chez les jeunes, risquent de compromettre la croissance économique en Algérie, selon Mme Lagarde. Elle a tout de même reconnu que la question de l’inflation était en train d’être «bien prise en charge» par la Banque d’Algérie mais que l’objectif d’inflation de 5% fixé par le FMI et de 4% par l’Algérie «ne sera pas facile à atteindre». Pour juguler ce fléau, les autorités sont surtout appelées à «continuer de resserrer la politique monétaire et les dépenses courantes notamment les augmentations de salaires» en assurant plus de transparence dans le circuit de distribution, a-t-elle conseillé. En réunissant toutes ces conditions et en tablant sur «une croissance inclusive qui protège les populations les plus vulnérables et qui soit largement partagée», l’Algérie a l’occasion de «créer sa propre réussite», a conclu Mme Lagarde.
R. E.
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