Mohamed-Larbi Ould Khelifa : «Nous ne sommes pas tous des corrompus»
Dans une contribution parue dans El Khabar et intitulée «Les mutations sociopolitiques en Algérie et dans la région afro-arabe», le président de l’APN, Mohamed-Larbi Ould Khelifa, aborde plusieurs thématiques avec l’aisance d’un académicien, mais du fait de son statut de troisième homme de l’Etat, cette réflexion doit traduire la pensée dominante au sein des centres de décision. Elle se veut un état général des lieux en Algérie et dans son entourage immédiat. En homme politique, il préconise des solutions aux problèmes qui se posent. D’entrée, il reproche aux institutions chargées du contrôle leur inertie face à «la pieuvre de la corruption». Il juge qu’«il vaut mieux ne pas promulguer des lois que d’en promulguer et ne pas les appliquer ensuite, parce que, affirme-t-il, cela conduit fatalement à l’affaiblissement de l’institution et met en doute la crédibilité de l’Etat». «Quel que soit le degré d’objectivité des paramètres adoptés par Transparency International, le classement de l’Algérie à la 150e place (sur 174) appelle un traitement urgent, voire même une thérapie de choc», constate-t-il. Ould Khelifa approuve la campagne de dénonciation dans la presse visant les «barons de la corruption», car cela «aide d’autres institutions à découvrir le nid de corbeaux». Il prévient tout de même contre toute exploitation de cette campagne par ceux qui voudraient «ternir l’image du pays et faire fuir les investisseurs», et contre toute systématisation «qui risque d’emporter des hommes qui se sont sacrifiés pour leur patrie». L’auteur revient sur la genèse de la crise et l’explosion d’octobre 1988, en pointant du doigt les «privatisations au rabais», et les «velléités de vengeance de l’ancien régime». Abordant l’expérience démocratique et ses limites, le président de l'APN avertit contre l’immixtion des puissances mondiales dans nos affaires internes, à travers l’envoi de missions d’observateurs internationaux, afin de tester, dit-il, «les mécanismes d’intervention». Il s’interroge à ce propos sur le soutien apporté par les puissances capitalistes à d’anciens régimes dictatoriaux en Europe en en Amérique latine «dirigés par des militaires pro-américains qui se transmettaient le pouvoir par un droit divin». Revenant sur la question sécuritaire, Ould Khelifa considère que la question de la sécurité nationale «constitue l’intérêt fondamental et permanent de l’Algérie. Elle est, au début de cette décennie, à la tête de toutes autres priorités, et elle demeurera une cause nationale qui doit faire, à l’heure actuelle et à long terme, plus d’unanimité de tout un chacun quelles que soient la position, les partis et les tendances idéologiques, et les raisons du conflit entre elles. Car le plan qui vise à redessiner à nouveau la géographie de la région est en plein essor». Dans le même registre, le président de l’APN attire l’attention sur les conflits inter-ethniques que peuvent se cacher, selon lui, derrière la question linguistique, et dénonce ce qu’il qualifie de «supercherie» dans les émeutes du M’zab, et de manipulation des protestations qui s’élèvent dans le Grand Sud. Il rappelle la question des Touareg, qui, selon ses termes, «ont longtemps fait objet d’évangélisation, d’infiltration et de polarisation par les autorités coloniales». Il considère que «toutes ces bombes à retardement doivent être désamorcées par les soins de notre élite intellectuelle et politique avec prudence». Enfin, sur la question du gaz de schiste qui fait aujourd’hui polémique, Ould Khelifa s’en prend aux défenseurs de l’environnement : «Certains écologistes, écrit-il, ont négligé les visées de nombreux pays du Nord sur cette importante réserve, mais de l’avis de nombreux spécialistes, l’exploitation du gaz de schiste serait plus bénéfique que dommageable.» Il estime, à ce propos, qu’il préférable d’exploiter cet immense gisement «par nous-mêmes que de le laisser aux mains des autres qui ne s’en gardent pas d’ailleurs d’afficher tout haut leur convoitise». Ould Khelifa fait ici le lien avec les déclarations de hauts dirigeants répétées à partir de Paris et du nord du Mali, à propos de la libération du Sahel et du Sahara. «De quel Sahara parle-t-on ? s’interroge-t-il. Est-ce les prémices des dangers qui guettent notre Sud et la relance du plan colonial pour lequel la France créa le ministère du Sahara dès 1957 ?»
R. Mahmoudi
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