L’école, un danger grandissant pour nos enfants ?

La violence en milieu scolaire n’est pas un fait récent. Toutefois, c’est devenu un problème social d’une importance croissante. Selon une étude sur les indices de violence au sein et aux alentours des établissements scolaires, récemment élaborée par le CLA, pas moins de 300 cas de violence ont été recensés entre septembre 2013 et décembre 2013. On entend de plus en plus parler de violences entre élèves, agressions contre les professeurs, saccages ou dégradations des locaux scolaires… Le phénomène ne cesse de prendre de l’ampleur. «La violence en milieu scolaire est un phénomène universel qui ne date pas d’hier et dont aucun pays n’est à l’abri. Elle ne cesse d’évoluer, de prendre toutes les formes et de toucher toutes les catégories de la société. Cependant, son ampleur, sa complexité ainsi que le degré de gravité de ses répercussions dépendent des spécificités socioculturelles, économiques et des choix politiques de chaque pays. Ce phénomène qui se réduisait auparavant à des cas de «petites» violences entre élèves, agressions contre les professeurs ou dégradations des locaux scolaires cède la place aujourd’hui à des faits bien plus graves. Cas de consommation d’alcool, cas de consommation de drogue, cas de vente de drogue, cas de viol, cas de meurtre, cas de suicide, cas de menace, cas d’enlèvement… Ces violences qui donnent froid au dos laissent entendre que l’école algérienne n’a été épargnée d’aucun mal. Qu’ils soient acteurs ou victimes, nos enfants auraient vécu, subi ou commis au moins 300 actes de violence durant le premier trimestre écoulé. Ce rapport basé sur le traitement médiatique de ces cas démontre que les écoliers, collégiens et lycéens ne sont pas plus protégés sur les bancs scolaires qu’ailleurs. Si 60% des cas de ces faits se sont produits au sein des établissements scolaires, il n’en demeure pas moins que 64% de ces cas sont liés à des affrontements ayant lieu dans des espaces entourant ces établissements et qui ne sont pas sans engendrer des règlements de comptes dans l’enceinte de l’établissement même. Ce rapport note qu’un grand nombre de cas de violences recensés à l’extérieur de l’établissement sont provoqués par des éléments étrangers et par des délinquants qu’il serait difficile de catégoriser que ce soit sur la base d’âge, de niveau social ou intellectuel. Ces éléments sont généralement des détracteurs sexuels, des trafiquants de drogues ou des voleurs à l’arraché. Par ailleurs, on ne saurait dire que la violence au sein des établissements scolaires est un phénomène urbain par excellence, et ce, malgré l’absorption d’environ 68% des cas par les villes. Il est vrai que, quantitativement, c’est le milieu urbain qui connaît le plus de dérapages et ceci serait dû en premier lieu à la condensation démographique et à d’autres spécificités socioculturelles.
Ce qu’il faut savoir cependant c’est que, les cas les plus graves et les plus complexes sont recensés dans le milieu rural où viol et enlèvement sont devenus monnaie courante. Il est à noter dans ce sens que la violence physique domine à la fois le milieu rural et celui urbain. En totalité, une centaine de cas allant de simples accrochages au meurtre ont été relayés par la presse durant l’année scolaire 2012-2013. Ces chiffres, bien que basés sur des médias qui sont enclins à traiter davantage des faits de viols et de meurtres que ceux comportant de simples injures, ne sont pas à écarter de toute réflexion. Une chose demeure sûre, à l’heure actuelle, l’école algérienne va mal et ce n’est pas uniquement en raison d’un système éducatif en quête d’une réforme qui éclipserait ses multiples défaillances. Malgré le danger qui guettait l’enfant à l’école, le citoyen algérien gardait foi en ce système éducatif et ne craignait pas de savoir son enfant sur les bancs scolaires. Ceci ne semble plus être le cas aujourd’hui. Le manque de sécurité devenant alarmant et la violence banalisée à tous les niveaux, l’école algérienne n’est pas tenue responsable des aberrations dans lesquelles elle baigne. En tout cas, pas au même niveau que toute une machine sociale qui ne cesse de donner naissance à des aberrations dont les conséquences chez le citoyen ne peuvent se traduire pour des violences. La violence des jeunes dans les établissements scolaires est devenue intimement liée à une question de société d’où émanent les principales causes. Selon le rapport élaboré par le CLA, puisque l’espace extérieur aux établissements d’enseignement est celui qui connaît la plus forte proportion de cas de violence enregistrés il est donc naturel que les raisons non éducatives soient en tête des principales causes de violence. Mais la prédominance des cas de violence découle de deux facteurs principaux.
– Premièrement, le rapport souligne l’impact de la forte pression qu’exerce l’environnement malsain et qui a trait à abolir chez le jeune toute valeur de respect.
– Deuxièmement, l’acceptabilité des éléments affiliés à l’espace scolaire (l’élève, l’enseignant et le corps administratif) de se retrouver eux-mêmes éléments propagateurs de violence demeure elle aussi une forte raison d’attiser la violence.
De façon plus concrète, cette vulnérabilité provient chez l’élève de divers facteurs dont les plus éminents sont la frustration et le manque de sens de l’éducation, le déclin de l’attractivité de l’école et l’ignorance des valeurs de respect et de tolérance. Chez l’enseignant, il serait plutôt question de manque des outils didactiques et la surcharge des classes ainsi que les problèmes sociaux qui ont tendance à influencer son comportement lors de l’exercice de ses fonctions. Quant au corps administratif, le rapport lui reproche le manque d’expérience et l’insuffisance de leurs compétences de gestion. Les établissements scolaires ont un rôle important à jouer pour se protéger et protéger les élèves de la violence. Mais paradoxalement ils représentent également un endroit propice où germe la véhémence. Ainsi, le rapport a listé les différents types de violences que les jeunes peuvent subir. Chiffres à l’appui, il nous apprend que 40% des cas de violence ont un risque qui va de simple à moyen et est réparti entre actes de vol, vandalisme et menaces. Il est vrai que la violence au niveau des écoles ne date pas d’hier, mais il faut souligner qu’elle a connu une recrudescence hors normes surtout lorsqu’on se réfère aux chiffres fournis qui indique que 80% des cas de violence sont jugés très graves allant de coups et blessures, enlèvements, viol et assassinat. Le CLA s’est attardé dans ce nouveau rapport sur une nouvelle tendance inquiétante, celle du suicide qui a été enregistré parallèlement avec la période des examens. Il est naturel, tant que la question de la violence à l’école et ses environs est tentaculaire comportant des dimensions complexes, de voir naître des réactions correctives, des mesures et des procédures profondes et soutenues sur le long terme. En effet, et afin d’asseoir cette politique de prévention, le CLA, outre les campagnes de sensibilisation, fait appel à plusieurs acteurs sociaux pour compléter les mesures et dispositifs qu’ils doivent être mis en œuvre et aussi à la direction générale de la Sûreté nationale pour asseoir la sécurité des personnes et des établissements scolaires. Ceux-ci souffrent à leur tour de violences pratiquées par les élèves en détruisant les espaces verts et les tables, en souillant les murs avec des écrits, etc. Le rapport explique que ce genre de comportement est commis contre l’établissement pour ce qu’il représente comme institut public. La violence en milieu scolaire se compose majoritairement d’atteintes aux personnes, mais elle se réfère également aux biens et à la sécurité de l’établissement. La plupart des incidents graves enregistrés relèvent de la violence verbale et de la violence physique. Au cours des trois dernières années scolaires, la part et le nombre des agressions verbales sont restés assez stables en moyenne.
La part des violences physiques a augmenté
Les autres atteintes aux personnes restent exceptionnelles : les atteintes à la vie privée. Le racket et la violence à caractère sexuel représentent chacun entre 8% et 12% des actes de violence recensés. Des cas de « filmer des actes» (acte qui consiste à filmer l’agression physique d’une personne à l’aide ou n’importe quelle action d’un téléphone portable) ont été enregistrés. Les évolutions pour ces quelques faits augmentent statistiquement depuis 2010-2011. Les atteintes aux biens se répartissent entre les vols, les dommages aux locaux ou au matériel et aux biens personnels.
Enfin, les atteintes à la sécurité correspondent à des comportements illégaux ou à risque n’impliquant très souvent aucune victime. Ces faits sont plus rares que les atteintes aux personnes ou aux biens et se traduisent essentiellement par l’introduction.
Les incidents graves selon leur nature
Types d’incidents graves 2010-2011 2011-2012 2012-2013
Atteintes aux personnes 80,5% 82,6% 83,9%
Violences physiques 46,4% 47,5% 57,9%
Violences verbales 58,2% 69,5% 70,3%
Atteinte à la vie privée 3,6% 4,1% 5,3%
Violence sexuelle 2,3% 2,5% 2,6%
Racket 20,8% 21,9% 32,0%
Filmer des actes 10,2% 12,2% 12,5%
Atteintes aux biens 22,6% 33,4% 40,2%
Dommage aux locaux ou au matériel 15,2% 16,4% 16,5%
Dommage aux biens personnels 13,1% 23,3% 23,5%
Atteintes à la sécurité 7,2% 9,1% 10,2%
Consommation de stupéfiants 3,5% 3,8% 4,9%
Trafic de stupéfiants 1,2% 1,5% 1,8%
Port d’arme(sans violence) 3,2% 3,5% 5,6%
Port d’arme(avec violence) 3,0% 3,2% 3,4%
Consommation d’alcool 3,6% 3,8% 4,1%
Suicide et tentative de suicide 0,5% 0,9% 0,9%
La vie en société est souvent source de conflits en raison des intérêts divergents, des besoins et des valeurs qui ne sont pas toujours les mêmes. L’école est une institution de la société, elle reproduit souvent ses conflits de valeur, ses problèmes. L’école Algérienne société en miniature n’est pas en reste. Les conflits éclatent souvent entre acteurs de l’éducation, élèves, enseignants, membres de l’administration et parents d’élèves. Ils sont souvent résolus par la violence avec diverses manifestations :
– Violence verbale ou psychologique avec des injures entre élèves, élèves et enseignants. Ils sont légion les élèves qui sont victimes de cette forme de violence de la part des enseignants. Très souvent quand ils ne peuvent plus supporter humiliations et critiques, ils abandonnent l’école.
– Le harcèlement sexuel, la discrimination sont une autre forme de violence que l’on retrouve en classe et à l’école. Les filles et certains élèves handicapés sont les plus exposés à cette forme de violence. Ceux ou celles qui osent tenir tête à l’enseignant se voient octroyer de mauvaises notes et renvoyés.
– Le viol : phénomène très isolé dans les écoles, inconnu dans certaines localités . Il y ‘a un exemple récent : une élève a été victime d’un viol collectif de la part de ses camarades dans une grande ville.
– Les mouvements de grève auxquels participent souvent des délinquants non élèves se terminent souvent par des casses, du vandalisme caractérisé. Les élèves s’en prennent souvent aux édifices publics, aux bâtiments de l’école, aux matériels pédagogiques, hélas !
– Les vols, les rackets se rencontrent surtout dans l’école primaire. Des bandes d’élèves sont s’adonnent à ces extorsions et ceux qui ne s’y plient pas sont souvent battus.
– Les châtiments corporels : c’est une pratique très courante dans les écoles algériennes. Les conséquences sont souvent graves ;
– L’apparition des armes blanches (couteau, coupe-coupe, etc.) dans nos écoles est très inquiétante et témoigne de l’ampleur du phénomène.
La sonnette d’alarme est tirée et le CLA, malgré les campagnes et l’apport des autorités, reproche la réticence du ministère et des parents d’élèves qui ne participent pas autant pour la réussite du processus.
Pourtant, il semble que, à part constater les dégâts, il n’y ait pas de véritable plan de lutte contre la violence, à l’échelle d’une ville ou d’une agglomération.Il serait grand temps que des instances de concertation rassemblent, autour d’objectifs précis, tous les acteurs concernés : gouvernement, wali, chef de daïra, élus locaux, magistrats, policiers, gendarmes conseillers d’éducation et chefs d’établissements scolaires, parents, média et bien entendu élèves ; pour affronter la bête. Faute de quoi, si nos enfants sont laissés à leur propre peur… On sait bien que quand un animal a peur il devient méchant.
Bachir Hakem 
Professeur de mathématiques au lycée Colonel-Lotfi (Oran)

 

Comment (5)

    mellah hocine
    26 décembre 2013 - 21 h 51 min

    Jeune,on te dit à l’école,
    Jeune,on te dit à l’école, par exemple, qu’il faut aimer, ne pas mentir, ne pas voler, ne pas salir, ne pas tricher. C’est vrai ce qu’on te dit, mais tu constateras de toi-même que tu ne vas pas retrouver dehors, tout ce qu’on te dit dedans. Car tu vas découvrir des choses pas du tout belles, ni du tout grandes. Tu verras alors, mais tu verras les grands, faire de mauvaises choses, ou dire des choses avec des mots pas vraiment grands, mais plutôt gros.
    Ne t’étonne donc pas, quand tu vois le contraire de ce qu’on te dit en classe. Ainsi, tu les vois jeter leurs ordures et n’importe quoi, n’importe quand et n’ importe où, se conduire mal, ou mal conduire, ou mal conduits. C‘est à dire mal menés et malmenés. S’il t’arrive de voir dans la rue, de telles choses, ne fais pas attention ; tu comprendras, quand tu seras grand. Et si tu répètes ce que disent les grands, si tu fais ce qu’ils font, ils diront alors que tu n’es pas éduqué. Qu’on ne t’a pas éduqué. Mais moi je sais, souffle de candeur, que tu ne feras pas comme eux. Oui, la culture de l’esprit est déclinée au profit de celle déchaînée des intestins et de certains instincts.
    Si aujourd’hui trop de jeunes se détournent de l’école, s’en disent dégoûtés ou préfèrent vouloir apprendre un métier tout de suite plutôt que de rester dans une structure scolaire, se croyant inadaptés, ou incapables de continuer, ou non « doués », c’est peut-être une réalité à laquelle on n’a pas prêté suffisamment attention. Les jeunes ont quelque chose à dire, il faut qu’on les écoute. Ils ont quelque chose à apporter, y compris aux professeurs, il faut qu’on sache le prendre en compte. Les enfants ont des aspirations qui ne sont pas partagées par tout le monde et que peut-être certains maîtres ne comprennent pas;mais ces aspirations sont celles de la jeunesse, il faut en tenir compte.

    mellah hocine
    26 décembre 2013 - 21 h 43 min

    alors réveillons-nous et
    alors réveillons-nous et refusons de participer à la grande farce, en refusant la tricherie, en sanctionnant les tricheurs, en donnant les notes justes.« La fraude généralisée dans certains centres d’examen du bac, dans sa cuvée de 2013, a touché à la crédibilité du baccalauréat.Ce que nous avons vécu au baccalauréat 2013 ne s’est jamais produit depuis l’indépendance. C’est une situation inédite qui mérite qu’on s’y attarde et qu’on comprenne la véritable portée et les conséquences fâcheuses qui peuvent en découler à l’avenir.
    Pour E. Prairat (2), la discipline est « un dispositif et des règles de conduite en vue de garantir les activités dans un lieu d’enseignement. La discipline permet, autorise, facilite, rend possible. Elle permet à l’élève d’entrer dans une culture de la responsabilité, de comprendre que nos actes sont suivis d’effets, et que nous devons apprendre à en répondre. Être discipliné, c’est se donner librement des règles de conduite en fonction de valeurs et d’objectifs à atteindre ».

    Anonyme
    25 décembre 2013 - 18 h 43 min

    B; H. professeur de
    B; H. professeur de mathématique, j’ai lu plusieurs de vos articles, un esprit cartésien tel que le votre devrait pourtant être orienté vers la production scientifique ou, tout au moins, dans la science qui enseignent l’art de transmettre le savoir et le savoir faire, vous, prix dans l’engrenage d’un pays dans le régime n’a que faire de l’école si ce n’est pour l’instrumentaliser, vous vous mettez à dénoncer et à essayez de mettre en garde les rares naïfs à ne pas être au courant de cette triste réalité quant aux conséquences dues à la maltraitance de l’école algérienne pourrait avoir ( a déjà eu ! 92 à … c’est pas fini ! ). On ne peut que rendre hommage à votre courage tout en sachant que votre seule présence dans ce lycée permet aussi au régime de produire un minimum de qualité lequel, finalement, lui permet de perdurer. Des millions, et je n’exagère pas, d’Algériens comme vous, ont quitté le pays pour ne pas participer à destruction du système éducatif algérien ils ont peut être raison car, le régime fera faillite à la moindre baisse du prix du Baril et aujourd’hui, il le sait, la rue ne le ratera pas et le coup des ALi B. et autre barbus n’empêchera pas la rage populaire de le balayer.

    Anonyme
    25 décembre 2013 - 18 h 09 min

    Les vrais dangers c’étaient
    Les vrais dangers c’étaient les mercenaires moyens orientaux que le régime en place avait fait venir pour briser à jamais l’Algérie

    Safiya
    23 décembre 2013 - 17 h 20 min

    Terrible, j’en ai froid dans
    Terrible, j’en ai froid dans le dos. Mais à mon sens, cette violence chez nos enfants et adolescents n’est que la réponse à celle que leur envoient les adultes. Toujours à mon sens, ce sont les enseignants qui en sont les responsables et bien sûr, la tutelle dont ils dépendent. Pour leur grande majorité, ils ne choisissent pas l’enseignement par vocation mais pour la sécurité de l’emploi et à partir de là toutes les dérives sont possibles. Leur manque de déontologie n’est plus à démontrer puisqu’ils négligent sciemment leurs classes pour pouvoir donner des cours particuliers. Là où il y a vénalité, il y a violence. Et tant de choses encore que seuls l’enfant et l’adolescent sont à même de dénoncer si ils n’étaient pas dresser à supporter l’infâme et donc leur seul recours reste la violence.

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