Stratégie sécuritaire : Alger s’oppose à la multiplication des agendas
Les autorités marocaines multiplient les appels au «renforcement de la coopération et la consécration du dialogue entre les pays de l'Union du Maghreb arabes» en vue de «transcender l'état d'immobilisme et de cloisonnement qui prévaut». Une allusion directe à l’Algérie, accusée à demi-mot par le Maroc de freiner la construction de l’UMA. «Le royaume du Maroc est pleinement convaincu que le meilleur moyen pour relever les défis sécuritaires et les contraintes économiques, auxquels fait face la région maghrébine, consiste à renforcer la coopération et le dialogue entre les pays de la région selon une approche efficiente visant à établir des intérêts communs», lit-on dans un communiqué du ministère marocain des Affaires étrangères, qui appelle à «édifier une union maghrébine fondée sur la consolidation des acquis et la préservation des constantes de l'intégrité territoriale des cinq Etats membres». Cette déclaration faite par Salaheddine Mezouar lors de 32e session du Conseil des ministres des Affaires étrangères de l'UMA dénonce, en outre, «le gaspillage des ressources économiques, naturelles et humaines dont regorgent les pays de la région à cause du gel des structures de l'Union». Le ministre marocain des Affaires étrangères a, dans ce sens, plaidé pour la mise en place d’une «nouvelle organisation régionale», un objectif qui ne peut être atteint, souligne-t-il, «sans une ferme volonté de surmonter les obstacles et les divergences et d'explorer les perspectives de consolidation de l'édifice maghrébin». Salaheddine Mezouar a également souhaité une «unité des rangs» et une «unification de la position de négociation» dans les relations entre les Etats du Maghreb et les partenaires occidentaux, traduire l’Union européenne. Pour Rabat, l’«intérêt commun» des pays maghrébins «[nous] dicte» de ne pas «disperser les efforts» pour ne pas «rater les opportunités qui s'offrent, comme c'était le cas auparavant». Le ministre marocain des Affaires étrangères dit aspirer à la transformation de l’UMA en un «groupement puissant jouissant de la stabilité politique, économique et sociale, et capable de relever le défi du développement». Au-delà des vœux pieux et des discours creux, force est de constater que le Maroc s’empêtre dans son unilatéralisme égoïste nuisible aux intérêts du Grand Maghreb. Face à l'empressement de la monarchie alaouite d'imposer l'intégration par les marchés, privilégiant la circulation des marchandises, pour placer les produits agricoles qu'elle ne peut plus écouler sur le marché européen notamment, l'Algérie a opposé une démarche pragmatique et graduelle, mettant l'accent sur une véritable intégration économique qui s'appuie sur des bases structurelles et qui vise a mettre en complémentarité les capacités productives des pays membres de l'UMA. Si l'Algérie n'est pas contre la tenue du sommet organisé par le Maroc, il faut néanmoins que toutes les conditions de succès soient réunies dans un climat favorable et apaisé, loin de toute hostilité et autres campagnes de dénigrement, laisse-t-on entendre à Alger. Quant à la stratégie sécuritaire maghrébine, l'Algérie se dit contre la duplication des cadres et la multiplication des agendas, notamment ceux qui sont dictés par des considérations futiles de rivalité ou par de simples calculs de gains géopolitiques. Ce à quoi le Maroc œuvre justement. Pour l’Algérie, cette stratégie doit se baser sur l'approche et les recommandations issues de la réunion d'Alger de juillet 2012, et comporter obligatoirement un volet lié à la lutte opérationnelle contre le trafic de drogue, en plus de la lutte contre le terrorisme et les autres formes de criminalité organisée. Les appels de Rabat sont donc loin d’aboutir à un résultat quelconque. Du moins, pas dans l’avenir immédiat.
Karim Bouali