Un ancien reporter de guerre américain : «Daech ne fait que reproduire les crimes de l’Occident»

Chris Hedges, journaliste américain, est l’auteur d’un texte extraordinaire qui fait le parallèle entre le terrorisme islamiste et le terrorisme d'Etat de l'Occident. Avec un grand courage, il montre que les crimes des uns et des autres se ressemblent presque comme deux gouttes d’eau. La ressemblance est dans le spectacle macabre offert aux médias : les vidéos des groupes terroristes de Daech rappellent les scènes de décapitation du Moyen Age, avec leur brutalité archaïque qui suscite la réprobation de tous, sauf des arriérés chez qui, au contraire, elle renforce le sentiment de haine des «autres» ; en face, ou plutôt à côté, les médias occidentaux aux ordres veulent faire croire que les assassinats d’enfants et d’innocents en Afghanistan, en Irak et ailleurs, par les drones, sont «propres» et le fruit d’une haute technologie, mais leur propagande ne trompe pas les esprits lucides heureusement très nombreux sur la planète et dans les pays musulmans notamment. La comparaison est faite par Chris Hedges : «Nous produisons des films à gros budget tels que American Sniper pour glorifier nos crimes de guerre. Ils produisent des vidéos inspirantes pour glorifier leur version tordue du djihad.» Il regarde les choses en tant qu’Américain et trouve la nuance bien mince entre ces deux catégories de crimes : «La ligne qui nous sépare de l'Etat islamique d'Irak et la Syrie (ISIS) est technologique, pas morale», au point où, ajoute-t-il, «nous sommes ceux que nous combattons». Son article amène à renvoyer aux pays occidentaux la question qu’ils ont cru utiliser comme arme contre nous quand l’Algérie affrontait le terrorisme : «qui tue qui ?» Le constat que fait Chris Hedges est évident, mais lui a eu le courage de l’écrire à partir des Etats-Unis. L’assassinat du pilote jordanien, brûlé dans une cage par Daech, lui rappelle les missiles tirés du ciel par les avions américains qui incinèrent des familles blotties dans leurs maisons. «Nous (les Etats-Unis) torturons les otages dans nos sites secrets jusqu’à les étouffer à mort en bourrant des chiffons dans leur gorge. Eux (Daech), ils torturent les otages dans des taudis sordides et les décapitent.» Pour Chris Hedges, les criminels, qui tuent pour le compte du terrorisme islamiste ou du terrorisme d’Etat, se partagent les tâches : «Nous organisons des escadrons de la mort chiites pour tuer des sunnites. Ils organisent des escadrons de la mort sunnites pour tuer des chiites.» Mais, fait-il observer, comme Daech est limité dans sa capacité de guerre, «il doit diffuser dans le monde une version miniature de ce que nous faisons pour les gens du Moyen-Orient». Le procédé de Daech est plus grossier, mais, insiste-t-il, « le résultat est le même». Chris Hedges, qui a été pendant une quinzaine d’années reporter de guerre pour le New York Times, parle en parfaite connaissance de cause. Il est dans la voie de ses concitoyens américains, Howard Zinn qui a dénoncé le recours par les Etats-Unis à la guerre et Noam Chomsky, qui a, tout récemment, dévoilé l’hypocrisie de l’indignation occidentale après les attentats du mois de janvier. Nul doute qu’il exprime le sentiment de beaucoup d’Américains, qui dénoncent et qui résistent, mais dont la voix et l’opinion sont étouffées par la terrible machine médiatique de propagande mise en marche par les fauteurs de guerre. En conclusion, écrit-il, «la terreur est le moteur de la guerre. Et la terreur est ce que tous les côtés dans ce conflit produisent en surabondance».
Houari Achouri

Chris Hedges a passé près de deux décennies comme correspondant étranger en Amérique centrale, au Moyen-Orient, en Afrique et dans les Balkans. Il a sillonné plus de 50 pays et a travaillé pour The Christian Science Monitor, la National Public Radio, The Dallas Morning Nouvelles et The New York Times, pour lequel il a été correspondant à l'étranger pendant 15 ans. Un éditorial de The Wall Street Journal s’en est pris à Hedges pour sa position contre la guerre alors que The New York Times l’a attaqué publiquement pour ses écrits qui démoraliseraient les Américains.
 

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