Un remaniement et des questions

Par Rabah Toubal – Etant donné que l'état de santé du président Abdelaziz Bouteflika ne s'est pas amélioré – les séquences diffusées par la chaîne française France 24, à l'occasion de la dernière visite du MAE français, Laurent Fabius, à Alger, confirmant ce diagnostic –, l'organisation d'une élection présidentielle anticipée devient urgente et impérative. Le remaniement du 14 mai 2015 n'est donc qu'un réaménagement du gouvernement, dans la perspective d'une guerre de positions et de succession annoncée, que le pouvoir voudrait mener dans les meilleures conditions possible pour lui et son candidat, qui s'avère être, de plus en plus, Saïd Bouteflika, le frère cadet de l'actuel président de la République, pour tout un faisceau de raisons objectives et subjectives. La cacophonie qui a eu lieu au ministère des Affaires étrangères est révélatrice de l'intensité de la confrontation qui oppose les différents clans au pouvoir et où tous les coups sont permis. En tout état de cause, les fonctionnaires du MAE ont été étonnés par la restructuration brutale de leur ministère au profit de l'ancien ministre délégué chargé des Affaires maghrébines et africaines, M. Abdelakader Messahel, dont les prérogatives ont été accrues considérablement, aux dépens de celles du ministre des Affaires étrangères, M. Ramtane Lamara, qui ont été réduites, au point de devenir quasiment protocolaires. C'est pour cette raison, d'ailleurs, que certains fonctionnaires des AE ont considéré cette basse manœuvre comme une tentative du pouvoir de tirer le tapis sous les pieds de M. Lamamra et de le neutraliser. Ils connaissent les capacités et les compétences professionnelles de l'un et de l'autre. C'est pour cela qu'ils ont été pratiquement choqués par ce réajustement qui ne pourrait être interprété que comme une tentative d'amoindrir le rôle important que M. Lamamra a joué à la tête de la diplomatie algérienne et qui a sûrement jeté la lumière sur les carences et lacunes dont souffrait la diplomatie algérienne avant sa désignation en 2013. Ils considèrent aussi que cette tentative malheureuse va certainement avoir des conséquences et des retombées négatives sur ses commanditaires, dont elle va précipiter le départ. Le président Abdelaziz Bouteflika était-il au courant de ce réajustement aux AE notamment et l'aurait-il approuvé ? Rien n'est moins sûr. Personnellement, j'en doute, sinon, tel qu'on connaît Bouteflika, il ne serait jamais revenu sur sa décision, quoi que cela lui en coûtât. Cela signifie donc qu'il n’était pas au courant de la manœuvre qui a eu lieu aux AE ou, du moins, ses instructions ont été dévoyées par son entourage. Quoi qu'en pensent ceux qui veulent tourner la page de «l'incident du bicéphalisme au MAE», il a durablement terni l'image et la réputation de notre pays. En conclusion, ce remaniement ministériel, chargé d'arrière-pensées et de calculs politiciens, qui se sont retournés contre leurs auteurs, constitue un virage décisif important dans la vie politique algérienne, à court et moyen termes, car il a permis de tirer la sonnette d'alarme chez les concurrents de ceux qui sont au pouvoir et surtout chez le peuple algérien, qui a découvert, avec une grande inquiétude, l'ampleur de la vacance sidérale qui règne au sommet de l'Etat.
R. T.

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