Prêcher dans le désert ?
Par R. Mahmoudi – Aussi louable soit-elle sur le principe, l’instruction donnée à tous les imams à l’échelle nationale de consacrer le prêche de la prochaine prière du vendredi aux «menaces sécuritaires» auxquels notre pays est exposé et à sensibiliser les citoyens sur le danger qui nous guette à nos frontières risque d’être sans aucune incidence. D’abord, la question telle qu’elle est présentée est trop vague, trop politique pour qu’un simple citoyen puisse se sentir directement concerné. Comment l’Algérien peut-il concrètement se mobiliser pour faire face à une menace dont il sait pertinemment qu’elle vient de l’extérieur ou des fins fonds du désert ? Comment lui expliquer exactement son rôle dans pareil cas ? Quelles sont les orientations qui vont être relayées par ces imams ? Le ministre des Affaires religieuses, dans sa directive, n’en dit pas plus, mais connaissant le conformisme de nos imams, on ne s’attend pas à un travail d’ijtihad (effort personnel) dans ce domaine. Au mieux, les prêcheurs pourront s’étaler sur l’hérésie de la violence pratiquée au nom de la religion et rappeler la vraie signification du djihad, au sens large du terme, c'est-à-dire le devoir religieux et non pas la guerre sainte. Au pire, ils pourront sombrer dans un discours de propagande à la gloire du président de la République qui leur aura inspiré ce dars (leçon de morale). Ce prêche n’aura de sens que s’il porte très clairement sur l’exhortation de la jeunesse, par des fatwas tout aussi précises, à se détourner des idées colportées par les organisations qui prônent la violence, en leur inculquant la culture de la paix, de la tolérance, du respect de la différence et des valeurs communes à l’humanité. Il n’aura de sens que s’il suggère une voie susceptible d’empêcher une radicalisation accrue d’une partie de cette jeunesse livrée à elle-même et qui, comme toujours, devient la proie facile des groupes terroristes. Or, pour mener un tel travail, un seul prêche ne suffira certainement pas.
R. M.
Comment (28)
Les commentaires sont fermés.