Une source sahraouie à Algeriepatriotique : «Rabat surveille la santé de Bouteflika de très près»
«Le décès du Président sahraoui a, de nouveau, mis en première page le conflit qui a donné le plus de tourments aux Nations unies à cause de l'interventionnisme français pour défendre les intérêts du Maroc», a affirmé une source sahraouie à Algeriepatriotique. «Fort du soutien français, le Maroc, après avoir réussi à mettre la solution référendaire dans le placard, tente, à présent, de faire échouer la voie qui préconise une solution juste, durable et mutuellement acceptable qui prévoit l'autodétermination du peuple du Sahara Occidental», souligne encore cette source. «Faute de pouvoir imposer la coquille vide de la pseudo-proposition d'autonomie élargie, précise notre source, Rabat s'est accommodé du statu quo forcé par l'éternelle recherche d'une solution mutuellement acceptable que le Makhzen n'acceptera jamais». Ce statu quo permet aux dirigeants marocains «d'attendre une série d'hypothèses qui sont, en réalité, des désirs qu'ils prennent pour des réalités», précise notre source qui note que les dirigeants marocains «regardent vers l'Algérie et le Front Polisario avec le même instrument de vision, à savoir la santé des deux présidents, Abdelaziz Bouteflika et Mohamed Abdelaziz» (décédé et dont l’enterrement est prévu ce samedi à Bir Lahlou, ndlr). «Selon les calculs du Makhzen, les deux pays, l'Algérie et la République sahraouie, vont exploser après la disparition de leurs deux leaders», relève la source sahraouie qui ajoute que «les Marocains pensent aussi qu'ils peuvent y contribuer avec des opérations d'ombre, telles que la propagande noire, l'incitation à la haine, à la division et à l'insurrection».
Ban Ki-moon bouscule le statu quo
Le secrétaire général de l'ONU, Ban Ki-moon, s'est engagé dans une déclaration faite en 2009 à faire tout son possible pour résoudre le conflit du Sahara Occidental. Sa décision d'accomplir sa promesse dans la dernière année de son mandat a bousculé le statu quo dont s'accommodait le gouvernement du Maroc. «Face à la détermination du diplomate sud-coréen, Rabat n'a trouvé de prétexte, pour repousser la visite de Ban Ki-moon, que d'avancer que l'agenda du roi était rempli», ironise notre source, qui rappelle que les Marocains «ont même refusé d'autoriser l'atterrissage de son avion à Laâyoune pour l'inspection du contingent de la Minurso dont le quartier général se trouve dans la capitale sahraouie». «Dans ce bras de fer, relève notre source, le Maroc a pu compter sur le soutien de la France, mais pas sur celui des Etats-Unis». Pour elle, «tout le travail de lobbying mené par les Marocains et leurs amis à Washington était peine perdue». Notre source indique qu’Ahmed Charaï et Saïd Temsamani, présentés comme des experts consultants et sous les ordres directs de Mourad El-Ghoul, le directeur de cabinet de Yassine Mansouri, le patron de la DGED (les services secrets marocains, ndlr), ont mobilisé des congressistes, des journalistes généreusement payés comme Joseph Braud et Richard Miniter, ainsi que des personnalités connues des milieux sionistes, dans le but d'amener l'administration américaine à adopter une position "plus compréhensive" avec le Maroc». «Au lieu de se montrer plus "conciliant" avec Rabat, Washington a présenté, en 2013, un projet de résolution proposant l'élargissement des prérogatives de la Minurso à la surveillance des droits de l'Homme et a fait preuve de fermeté face à l'affront commis par le Maroc en expulsant la composante civile de la Minurso», souligne notre source. La position du Maroc et de la France «a mis l'ONU dans une situation peu enviable qui risque de mettre le feu dans toute la région», fait-elle remarquer.
Serrer les rangs face à l'arrogance de Rabat et Paris
Mais cette dernière se dit convaincue que «les attentes marocaines concernant la situation interne du Front Polisario sont infondées». Elle explique cela par le fait que «les 40 ans de conflit et les velléités du Maroc et de son allié inconditionnel, la France, ont appris aux Sahraouis à souder leurs rangs». «Avec les années, poursuit notre source, les rivalités ont laissé place à la sérénité et au désir de s'unir en vue de faire face à l'arrogance de Rabat et Paris. Le temps a surtout laissé place à la tentation de reprendre les armes pour arracher l'indépendance» met en garde la source sahraouie sollicitée par Algeriepatriotique. Après la quarantaine de deuil, un nouveau président sera désigné par un congrès extraordinaire pour succéder à feu Mohamed Abdelaziz. «Il devra gérer avec beaucoup de sagesse les provocations marocaines visant à semer l'instabilité dans la région en vue de combattre l'idée de la création de l’Etat du Sahara Occidental libre», conclut notre source.
Karim Bouali