Ces vérités amères que le neveu du colon député d’Alger Bruno Gollnisch n’admet pas
L’euro-député français Bruno Gollnisch n’a pas digéré la phrase prononcée à la télévision algérienne par Emmanuel Macron : «La colonisation fait partie de l’histoire française. C’est un crime, c’est un crime contre l’humanité, c’est une vraie barbarie et ça fait partie de ce passé que nous devons regarder en face en présentant aussi nos excuses à l’égard de celles et ceux envers lesquels nous avons commis ces gestes.» Bruno Gollnisch n’a pas un seul argument sérieux à opposer à la vérité dite par le fondateur du mouvement En Marche ! et candidat à l’élection présidentielle française. Dans une vidéo placée sur son blog, il utilise des mensonges et des contrevérités pour répondre à Emmanuel Macron. L’eurodéputé pense certainement que son auditoire français est ignorant des réalités de la colonisation française en Algérie et qu’il goberait sa version mensongère des faits. A titre d’illustration, Bruno Gollnisch en parlant de l’Emir Abdelkader situe sa mort au Liban alors qu’il est décédé à Damas (26 mai 1883). Il chiffre la population algérienne à un million en 1830, le tiers de l’estimation donnée par Yves Lacoste qui ajoute que le nombre d’Algériens est descendu à 2,5 millions en 1870, du fait des famines, des épidémies et des opérations de Bugeaud, autant dire une tentative de génocide.
Il reconnaît du bout des lèvres que des crimes contre l’humanité ont été commis «là-bas», et tente de les minimiser immédiatement en «violences et brutalités», justifiées par la guerre. Il n’a pas lu les lettres de Saint Arnaud, qui deviendra maréchal de France après ses crimes en Algérie. Il ne connaît pas cette phrase du lieutenant-colonel de Montagnac (15 mars 1843) : «Tous les bons militaires que j’ai l’honneur de commander sont prévenus par moi-même que, s’il leur arrive de m’amener un Arabe vivant, ils recevront une volée de coups de plat de sabre. […] Voilà, mon brave ami, comment il faut faire la guerre aux Arabes : tuer tous les hommes jusqu’à l’âge de quinze ans, prendre toutes les femmes et les enfants, en charger les bâtiments, les envoyer aux îles Marquises ou ailleurs.»
Gollnisch n’a pas appris l’histoire de France et ne sait pas qu’en juin 1845 Bugeaud donnait à ses subordonnés le conseil suivant : «Si ces gredins se retirent dans leurs cavernes, imitez Cavaignac aux Sbéhas ! Enfumez-les à outrance comme des renards.» Conseil suivi par Pélissier qui a asphyxié plus de 1 000 personnes, hommes, femmes et enfants, des Ouled Riah, qui s’étaient réfugiés dans la grotte de Ghar El-Frechih, dans le Dahra. Gollnisch n’a pas entendu parler de l’affaire des crânes des résistants algériens exposés au Musée national d’histoire naturelle en France.
Ce n’est pas pour rien qu’en 2007 Nicolas Sarkozy a qualifié «le système colonial» d’«injuste» et qu’en 2012 François Hollande est allé plus loin en reconnaissant «les souffrances infligées par la colonisation au peuple algérien». Puis, la phrase de Macron. Quant aux crimes commis par la France dans sa guerre contre le peuple algérien qui luttait pour l’indépendance, entre 1954 et 1962, ils ont été dénoncés par l’historien Pierre Vidal-Naquet, par Michel Rocard – qui a parlé de crime contre l’humanité – et par un grand nombre d’intellectuels français.
A entendre Bruno Gollnisch, on croirait que les Algériens se sentaient bien comme français. L’historien Charles-Robert Ageron a montré comment après des années de vains efforts, les officiers des SAS (Sections administratives spécialisées) ont fini par reconnaître que les Algériens ne voulaient pas rester français. Ils voulaient l’indépendance, et ils l’ont eue. C’est une réalité que Gollnisch n’admet pas.
Houari Achouri
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