Amar Belani dénonce le mépris de la France pour la légalité dans le dossier sahraoui
L’ambassadeur d’Algérie en Belgique et auprès de l’Union européenne, Amar Belani, a réagi à l’intrusion de la France dans le débat au Parlement européen sur le Sahara Occidental. «Le débat auquel nous avons assisté, le 20 mars 2017 au Parlement européen, lors d’une session conjointe des commissions des affaires étrangères (AFET) et du commerce international (INTA) du Parlement européen, réunies pour débattre des incidences de l’arrêt de la Cour de justice européenne du 21 décembre 2016, qui avait conclu que les accords commerciaux entre l’UE et le Maroc ne peuvent inclure des produits originaires du Sahara Occidental, a offert un spectacle désolant et a révélé au grand jour les calculs politiciens auxquels s’adonnent, en particulier, un pays membre permanent du Conseil de sécurité et certains cercles au sein de la Commission européenne pour contourner le droit international et sceller le sort du Sahara Occidental dans le sens illicite voulu par le Maroc», indique le diplomate algérien dans un entretien accordé ce mercredi au magazine Afrique-Asie.
Pour Amar Belani, le gouvernement de ce pays en question, traditionnellement discret dans son soutien au Maroc dans son occupation illégale du territoire du Sahara Occidental, «vient d’abattre ses cartes en affichant ostensiblement son mépris pour la légalité internationale et sa lecture biaisée de la décision adoptée par la plus haute juridiction européenne». L’ambassadeur d’Algérie auprès de l’UE révèle ainsi que Paris a fait «circuler une note auprès des eurodéputés français, toutes sensibilités politiques confondues, avant le débat parlementaire et fournit à ces élus les éléments de langage ainsi que les lignes directrices dont ils doivent s’inspirer dans leurs interventions».
Par-delà son caractère directif et des éléments de position erronés qu’il articule, dit-il, «le document administre la preuve d’un parti-pris flagrant de ce gouvernement en faveur du Maroc, allant jusqu’à dénaturer la décision de la justice européenne, qui a pourtant clairement établi le caractère distinct et séparé garanti au territoire du Sahara Occidental conformément au droit international».
Selon le diplomate algérien, la France, qui a soutenu le pourvoi formé par le Conseil de l’UE et la Commission européenne contre l’arrêt du tribunal européen du 10 décembre 2015, contredit la position défendue devant la cour par ces deux institutions européennes en affirmant que la volonté initiale du Maroc et de l’UE au moment de la conclusion de l’accord agricole a toujours été d’étendre son champ d’application au Sahara Occidental. «Enchaînant assertions biaisées et contrevérités, le document réduit l’exercice auquel s’attelle actuellement la Commission européenne, en lien avec le Maroc, à une simple clarification technique demandée par la Cour de justice européenne pour poursuivre la mise en œuvre de l’accord agricole, comme si aucune action en justice n’avait été intentée», s’indigne-t-il.
Amar Belani regrette également que les représentants des services de la Commission européenne aient été accommodants avec le Maroc. «Côté institutionnel, la réplique vaseuse donnée par les représentants de la Commission européen et du Service diplomatique de l’UE lors du débat au Parlement européen, outre qu’elle n’a convaincu personne, contredit l’esprit et la lettre de l’arrêt de la Cour de justice de l’UE», indique-t-il. Et d’ajouter : «En analysant leurs propos, l’on pourrait dire que l’enjeu actuel de l’UE se limite à trouver une base juridique artificielle pour faire bénéficier les produits originaires du Sahara Occidental des préférences tarifaires dont bénéficient en temps normal les produits originaires du territoire marocain en vertu des accords de libre-échange signés avec l’UE. Ce faisant, l’UE, si prompte à critiquer les autres pays sur leur bilan en matière de droits de l’Homme et à s’ériger en espace respectueux de l’Etat de droit et de la légalité internationale, fait prévaloir les intérêts étroits de certains de ses Etats membres (France, Espagne, etc.) sur le droit international et la promotion de la paix.»
Pour le diplomate algérien, «ces développements inquiétants, qui sont annonciateurs d’un déni de justice, interpellent les consciences vives et appellent, tant de la part du Front Polisario que de la communauté internationale, un regain de vigilance pour veiller à l’application rigoureuse de l’arrêt de la Cour de justice de l’UE». Il avertit que dans «le cas échéant, de nouvelles procédures judiciaires pourraient être engagées pour que le droit européen et le droit international finissent par s’imposer malgré les tentatives, désormais évidentes, de contournement de l’arrêt de la CJUE».
Khider Cherif
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