Les Rifains promettent un été chaud à Mohammed VI
Nasser Zefzafi, l’un des principaux leaders du mouvement de contestation né après la mort du vendeur de poisson broyé par une benne à ordures à Al-Hoceima, en octobre 2016, promet un été chaud à Mohammed VI, qu’il accuse d’avoir abandonné le Rif. Dans un entretien accordé vendredi 28 avril au quotidien français Le Monde, il martèle énergiquement que lui et ses camarades sont décidés à poursuivre leur «combat pour la dignité» jusqu’à ce que le Makhzen accorde à leur région l’intérêt qu’elle mérite. Dans cette rare interview donnée à une publication internationale, Nasser Zefzafi reproche sans ambages au pouvoir central marocain de verser dans le régionalisme et le racisme.
Pour lui, il est clair que Rabat cherche à faire payer à la région berbérophone du Rif le prix de son impertinence et de son opposition. Pour lui, cette posture délégitime le roi Mohammed VI et en cause son statut d’arbitre. «Si le roi prétend être le commandeur des croyants, il ne peut pas asservir son peuple, le deuxième calife (Omar Ibn Al-Khattab) était un homme simple», assène-t-il. Le leader du mouvement Hirak chaabi critique également les «responsables envoyés de Rabat», qu’il trouve «soit incompétents soit racistes», et le «pouvoir, qui nous prend pour des ânes».
Nasser Zefzafi révèle que le Makhzen a maintes fois essayé de l’acheter lui et ses camarades pour affaiblir le mouvement. «Le Makhzen peut promettre tout ce qu’il veut. Nous revendiquons notre dignité et nous ne lâcherons pas. Des inconnus sont venus toquer à ma porte et ont voulu me remettre un sac rempli de billets de banque. Je le leur ai jeté au visage et je suis encore là !», assure-t-il.
Aussi frondeur et rebelle que sa région natale, il va plus loin dans sa critique de la monarchie marocaine. Nasser Zefzafi conteste carrément les pouvoirs exorbitants que s’est arrogé Mohammed VI. «Le roi n’est pas sacré. On lui doit le respect, mais il peut et doit être critiqué», indique-t-il, courroucé. A ceux qui l’accusent de provoquer la fitna et la division, il répond sans hésiter sur un ton amusé : «Quand on nous accuse d’encourager la fitna, je réponds : “Quelle est cette fitna ? Qu’on nous la montre ! Y a-t-il pire fitna que la fortune qui s’exhibe en Afrique ou fuit en Suisse ou au Panama ?”».
En tenant un tel discours, Nasser Zefzafi, dont les références sont Mohamed Ben Abdelkrim Khattabi et Mohamed Ameziane, des leaders vénérés de la République du Rif, fait bien évidemment le procès de tout le Makhzen. Pas étonnant donc que tout le monde aujourd’hui cherche à le faire taire par n’importe quel moyen. A Al-Hoceima, tout le monde sait qu’il a miraculeusement échappé plus d’une fois à des tentatives d’assassinat.
Khider Cherif
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